Conclusion du second chapitre :

Peut-on s’attendre, dans les prochaines années, à une amélioration de l’accès aux modes individuels de déplacement par les citadins africains ? Le contexte économique et l’évolution du pouvoir d’achat dans les agglomérations subsahariennes ne le laissent pas penser. Quant au vélo, son image négative constitue une entrave importante à son développement dans les agglomérations subsahariennes. Même dans les villes chinoises où le vélo fait partie des images d’Epinal, « la montée du pouvoir d’achat des habitants et l’accélération de leur rythme de vie [suite à la croissance démo-spatiale] les incitent à chercher de nouveaux modes de déplacement plus rapides et plus confortables » . J. Zhuo note ainsi le développement des motocyclettes au détriment de la bicyclette. Le transport collectif restera, pour longtemps encore, la seule alternative à la marche dans les agglomérations subsahariennes pour la très grande majorité de la population.

Or, l’offre actuelle de transport collectif, principalement le fait de formes artisanales de transport, présente des limites face à la croissance démo-spatiale des agglomérations subsahariennes. L’extension des aires urbaines et la dissociation fonctionnelle de l’espace restreignent le recours à la marche pour la réalisation des programmes d’activités quotidiens. Le transport artisanal est inefficace pour la desserte des axes à forte demande et pour assurer une bonne couverture spatiale de l’aire urbaine. Avec la croissance démo-spatiale, nous assistons à une dégradation de la mobilité dans les grandes agglomérations subsahariennes. Quant aux externalités générées par le transport artisanal, si la croissance des besoins en transport est suivie par l’offre, certains effets tels que la congestion et la pollution agiront doublement. Premièrement, plus de déplacements en transport artisanal entraînerait un plus grand nombre de déplacements affectés par la congestion et plus de rejets de polluants. Ensuite, un plus grand nombre de déplacements en transport artisanal se traduirait par une plus grande congestion des axes, donc une plus grande perte de temps et plus de rejets de polluants par déplacement. Et si l’offre ne suit pas l’augmentation des besoins de transport, la perte pour la collectivité ne se traduira plus en termes de congestion ou de pollution, mais en termes d’immobilisation d’une certaine capacité de production.

Les caractéristiques propres au transport artisanal viennent se rajouter à la croissance démo-spatiale et à la crise économique pour en renchérir l’accès. A la tombée du jour, les attroupements aux principaux points d’accès des centre-villes sont devenus des scènes fréquentes dans les grandes agglomérations subsahariennes. Le citadin pressé de rentrer chez lui doit « proposer » un prix en fonction de sa destination. De leur côté, les opérateurs doivent compenser le temps perdu dans la congestion. L’offre étant en sous-capacité par rapport à la demande aux périodes de pointe, la négociation est à l’avantage du transporteur. Mais les budgets sont trop contraints et par conséquent, malgré la fatigue d’une journée de travail, les heures d’attente, debout au bord de la route à inhaler la fumée irritante et nocive des gaz d’échappement du trafic, peuvent être très longues. Il faut parfois se résoudre à marcher sur tout ou grande partie du déplacement.

Dépassés par l’ampleur des besoins des citadins qui augmentent avec la taille des agglomérations, les pouvoirs publics démunis font montre d’une incapacité à organiser l’offre de transport. Avec l’échec des entreprises publiques de transport par autobus, a également disparu toute vision claire sur le long terme concernant le secteur. La déréglementation de l’activité a consisté en un désengagement public sur l’organisation de l’activité, les acteurs institutionnels se cantonnant au minimum régalien et à la gestion de l’urgence. Or, plus les agglomérations sont grandes, plus importants sont les problèmes à régler ainsi que les inerties contre des remises en cause, ô combien nécessaires !

L’offre de transport collectif doit pouvoir faire face efficacement aux axes à forte demande, à l’allongement des distances et à la multiplication des origines/destinations des déplacements urbains, trois traits caractéristiques de la demande de déplacements dans les agglomérations de grande taille. Quelle qu’elle soit, la solution à la crise des transports urbains dans les grandes agglomérations subsahariennes doit, en outre, prendre en compte la limitation des ressources publiques et la faiblesse du pouvoir d’achat des citadins subsahariens. Elle interdit d’office le recours à une grande échelle à des modes individuels motorisés. Quant au mode individuel le plus accessible sur le plan financier, le vélo, son développement est entravé pas sa non-acceptation par les citadins africains. Les efforts d’amélioration de l’offre doivent donc porter sur les transports collectifs. Et il s’agit alors de garantir leur accès au plus grand nombre.