b. Une revue des différents systèmes de transport urbain de masse…

Une analyse réalisée par Halcrow Fox s’est voulue exhaustive sur les aménagements de transport urbain de masse dans les pays en voie de développement. Elle décline les «  Mass Rapid Transit (MRT) » existants sous quatre formes principales en fonction du type de véhicule, du degré de séparation avec les autres trafics, de l’alignement vertical et du mode d’exploitation. Pour chacune des formes, elle propose un débit horaire et une vitesse commerciale maxima (Tableau 15) :

  • « Busways » ou autobus en site propre intégral : voies physiquement isolées du reste du trafic et mesures de priorité aux croisements.
  • « Light Rail Transit (LRT) » ou système ferroviaire léger de surface : dans cette étude, la terminologie correspond nettement à celle française de tramway, aménagement ferroviaire sur voirie routière.
  • Métro : cette désignation dépasse le seul système métro traditionnel lourd, souterrain, et comprend les métros légers de surface (complètement isolés du trafic automobile contrairement au tramway) et surélevés.
  • « Suburban Rail » ou train urbain : il correspond à la partie urbaine du réseau ferroviaire national, ce qui lui donne l’avantage de bénéficier d’infrastructures exclusives et d’aménagements aux croisements tels que des barrières aux passages à niveau.
Tableau 15 : Les systèmes de transport urbain de masse aménagés dans les pays en voie de développement et leurs caractéristiques
  Busways LRT* Métro Suburban Rail
Débit horaire max. (pass./h/sens) 10 000-20 000 10 000-12 000 > 60 000 30 000
Vitesse commerciale max. (km/h) 17-20 20 30-40 40-50

*L’étude précise qu’il s’agit de données théoriques, contestables, qu’aucun exemple ne certifie

Source : Halcrow Fox

Un document de la Banque Mondiale , qui a pour but de refléter la stratégie de l’institution sur les questions de transports urbains, reprend dans une large partie les analyses du rapport Halcrow Fox. Les MRT sont définis comme un spectre large de modes de transport sur rail ou sur site propre routier intégral, séparé des autres trafics, pouvant transporter un grand nombre de passagers. Les seules données avancées concernent les systèmes métro (jusqu’à 80 000 passagers par heure et par sens) et busways (jusqu’à 20 000 passagers par heure et par sens) pour des vitesses commerciales équivalentes à celles proposées dans le Tableau 15.

Un rapport élaboré par une autre institution internationale, les Nations Unies , tente de fournir aux pays en voie de développement, à partir d’études de cas, des solutions d’aménagement de systèmes de transport urbain de masse autres que les coûteux métros. La typologie établie est également quadrifide mais néanmoins différente de la précédente : busways, tramway, LRT (équivalent ici à métro léger de surface), métro. Pour chaque type, outre le débit horaire maximal, le rapport propose un certain nombre de paramètres permettant d’obtenir ce débit maximal (Tableau 16).

Tableau 16 : Les systèmes de transport urbain de masse aménagés dans les pays en voie de développement et leurs caractéristiques
  Busways Tramway LRT Métro
Débit horaire max. (pass./h/sens) 20 000-25 000 10 000-15 000 20 000-30 000 > 60 000
Nombre de voitures par véhicule  - 2 2-4 6-8
Passagers par véhicule  90 180 240 400
Vitesse commerciale (km/h) 20-25 10-20 20-30 30-40
Distance entre les stations (m) 200-500 200-500 500-1 000 800-1 200
Temps min. entre 2 véhicules (sec.) 10 10 60 90-120

Source : Habitat

Par rapport à la typologie précédente, nous pouvons noter deux différences. La première concerne le traitement différencié des portions urbaines des réseaux de chemin de fer. L’étude Halcrow Fox , contrairement à celle d’Habitat , les distingue des autres aménagements ferroviaires de surface. La seconde porte sur l’usage du terme « Light Rail Transit ». S’il correspond, dans les deux typologies, à une approche relative par rapport au métro classique plus lourd, dans un cas il est appliqué au tramway et, dans l’autre, à des aménagements intermédiaires entre tramway et métro. Pour S. Mitric , le terme s’applique aussi bien au tramway qu’au métro léger de surface. Il distingue les MRT – métro et train urbain – des « Intermediate Rapid Transit (IRT) », ensemble qui comprend les busways et les LRT et qui permet de transporter jusqu’à 20 000 passagers par heure et par sens. P. R. Fouracre et al , à partir d’une analyse des aménagements ferroviaires de 21 agglomérations de pays en voie de développement, sont plus précis dans leur définition des LRT (la terminologie utilisée est «  Light Rapid Transit », mais cela revient à ce qui est défini précédemment puisqu’on se situe d’emblée sur des aménagements ferroviaires) : contrairement aux MRT qui s’apparentent aux métros traditionnels européens, systèmes lourds enterrés en grande partie et exigeant une certaine distance entre les stations, les LRT présentent plus de flexibilité sur le plan de l’exploitation, avec des aménagements s’inscrivant plus facilement en surface ou surélevés, des distances entre les stations plus faibles, mais par contre des capacités moindres (Tableau 17).

Tableau 17 : Les systèmes ferroviaires de transport urbain de masse aménagés dans les pays en voie de développement et leurs caractéristiques
  LRT MRT
Débit horaire max. (pass./h/sens) 14 000-28 000 27 000-75 000
Nombre de voitures par véhicule < 4 > 6
Vitesse commerciale (km/h) 19-28 29-42
Distance entre les stations (km) - > 1

Source : P. R. Fouracre et al

Cette absence de consensus sur la terminologie traduit en fait la difficulté de déterminer nettement les frontières entre les différentes technologies sur rail. Parfois, c’est la qualité des aménagements, leur degré d’exclusivité qui, seul, permet de distinguer tramway (sur voirie) et métro léger de surface (isolé de la voirie ou sur plate-forme surélevée), métro lourd classique (souterrain ou sur plate-forme surélevée) et train urbain (sur voie ferroviaire classique). Notons au passage que sur l’ensemble de la ligne, ou du réseau, la qualité de l’aménagement peut varier (en milieu dense de centre ville ou en périphérie peu dense), ce qui vient compliquer un peu plus une différenciation claire des systèmes. La distinction entre métro léger et métro lourd, par exemple, se fait sur la base de la capacité propre des véhicules et selon des appréciations subjectives en l’absence d’une norme.

Une étude du CERTU sur l’offre de transport dans les agglomérations françaises donne un aperçu des systèmes de transport urbain de masse dans un contexte différent des pays en voie de développement. Les capacités fournies sont bien en-deçà de celles signalées dans les agglomérations des pays en voie de développement (Tableau 18). A l’exception des autobus en site propre pour lesquels les villes françaises n’ont pas encore atteint les niveaux de performance des pays en voie de développement, les vitesses commerciales sont à peu près les mêmes dans les deux contextes. Une grande partie de la différence trouve son explication dans le nombre de passagers admis dans les véhicules. Les estimations du CERTU considèrent un ratio de 4 personnes par mètre carré qui correspond à une capacité dite « de confort ». La capacité dite « heure de pointe » qui correspond à un ratio de 6 personnes par mètre carré serait de moins en moins usitée pour le dimensionnement des systèmes, tandis que celle de 8 personnes par mètre carré ne servirait que pour les calculs de contraintes maximales en dynamique. Or, dans les pays en voie de développement, les débits horaires maxima relevés correspondent à des densités plus élevées. K. Kumar et K. Radjamanickam estiment ainsi que les LRT dans les pays en voie de développement peuvent transporter jusqu’à plus de 40 000 passagers par heure et par sens en considérant un ratio de 8 personnes au mètre carré. J. Cracknell et al. notent des densités allant de 6 à 9 personnes par mètre carré dans les aménagements de busways des pays en voie de développement, ce qui leur permet de proposer un débit horaire maximal entre 18 000 et 20 000 passagers par heure et par sens.

Tableau 18 : Offre de transport de masse dans les agglomérations françaises
Autobus en site propre Systèmes guidés sur pneus Tramway de 40 mètres Métro automatique léger Métro Train RER
Débit horaire (pass./h/sens)
700-2 400 1 100-4 000 2 000-5 500 4 000-20 000 4 000-32 000 7 000-70 000
Vitesse commerciale (km/h)
17-21 17-24 17-24 30-35 21-35 29-63
Intervalle de temps min. entre 2 véhicules (sec.)
180-600 180 180 60 90-180 180

Source : CERTU

Le Tableau 19 tente de synthétiser les débits horaires maxima avancés par les différentes études évoquées ci-dessus en fonction des technologies mises en œuvre dans les pays en voie de développement. Si l’on en croît les analyses auxquelles nous avons fait appel, les autobus en site propre intégral ont un débit horaire maximal limité à 20 000 passagers par heure et par sens. Seule l’étude Habitat porte sa capacité maximale à 25 000 passagers par heure et par sens. L’étude Halcrow Fox est très prudente quand elle évoque une capacité maximale plus grande : «  Busways, depending on specification have a practical capacity of 10-20,000 pphpd [Passengers per hour, per direction], or occasionally higher ». Toutes les études citées ici datent d’avant l’aménagement du Transmilenio, le système de bus en site propre intégral de Bogota. Sur son tronçon le plus chargé, il permet un débit pouvant dépasser 30 000 passagers par heure et par sens . Quant aux systèmes ferroviaires, compte tenu du flou existant entre les différentes frontières, il ne s’agit en fait que d’ordres de grandeur pour souligner :

  • les apports d’une ségrégation totale sur le débit horaire maximal (entre tramway et métro léger de surface),
  • les avantages d’un enfouissement pour échapper aux contraintes topographiques et de densité urbaine (entre métro léger de surface et métro traditionnel),
  • la spécificité des réhabilitations d’emprises ferroviaires interurbaines pour faire du transport urbain, réhabilitation dont il est beaucoup question dans les aménagements de STUM dans les pays en voie de développement.
Tableau 19 : Débits horaires maxima des systèmes de transport urbain de masse dans les pays en voie de développement en fonction de la technologie
  Débit horaire max. (pass./h/sens)
Autobus en site propre intégral 20 000
Tramway 10 000-15 000
Métro léger de surface 20 000-30 000
Métro > 60 000
Train urbain 30 000