b. Maîtrise des externalités négatives des transports collectifs

Les STUM sont aménagés en réponse à des situations de congestion du trafic compte tenu de la forte progression de la demande. Par l’exclusivité de la circulation et des gains de temps de déplacement, ils mettent leurs usagers à l’abri de cette congestion. Qu’en est-il du reste du trafic ? Une partie de la question réside dans le report modal en faveur du STUM.

Il a parfois été noté des reports modaux de la voiture particulière vers le nouveau système. Ce fût le cas à Tunis jusqu’à ce que le métro léger atteigne sa saturation . Il a également été constaté un attrait du métro sur les automobilistes de la classe moyenne . Suite à l’aménagement de métros à Bangkok et à Singapour, des augmentations de vitesse de circulation ont été constatées sur les axes concernés , ce qui traduirait une réduction du trafic automobile. Mais l’analyse des aménagements de STUM dans 21 agglomérations montre un report modal limité de la voiture particulière vers le nouveau système : à l’exception de Kuala Lumpur dont les usagers du STUM étaient pour un quart d’anciens automobilistes, 95 % des nouveaux utilisateurs du métro étaient auparavant des usagers de bus . L’étude relativise même l’importance de la substitution à l’offre bus par les métros. En fait, leur aménagement entraîne, à terme, une augmentation de la demande et un retour à l’offre bus . Fouracre et al. confirment également que l’essentiel de la clientèle des STUM nouvellement aménagés dans les pays en voie de développement est constitué par les usagers des anciens transports collectifs. Le report n’est pas le seul fait de l’attractivité du nouveau système, il est aussi forcé par la suppression de l’ancienne offre de transport collectif. Les automobilistes des pays en voie de développement qui sont issus des couches de revenus élevés ne constituent pas une population cible pour des transports collectifs très peu confortables. Et même dans les pays développés où les barrières entre les usagers des modes individuels et collectifs sont moins fortes, le report modal est compensé par un trafic supplémentaire, annulant automatiquement la nouvelle fluidité de la circulation. Selon l’analyse de Halcrow Fox , c’est plutôt sur le long terme qu’il faut situer les apports d’un STUM : il absorbe l’augmentation du trafic sans provoquer de report modal massif. A Mexico, en 20 ans, tandis que le réseau de métro s’allongeait de 37 à 178 km, la part modale de la voiture particulière diminuait de 25 à 17 % . A l’instar de ce qui a été mis en œuvre à Singapour, des reports notables n’interviennent qu’à la faveur de mesures restrictives de la voiture particulière parallèlement à l’aménagement d’un STUM : péages routiers, maintien d’une fiscalité élevée de la voiture particulière et du carburant, suppression de places de parking…

L’aménagement de STUM permet en fait aux grandes agglomérations de « vivre avec la congestion » en atténuant une partie des effets de celle-ci . Pour les usagers du nouveau système, il constitue un moyen d’éviter les pertes de temps dues à la congestion. La réduction des effets externes générés par les transports urbains sera d’autant plus grande que la part modale des usagers du STUM sera élevée.

En matière de nuisances environnementales, la plupart des STUM sur rail ainsi que des aménagements de voie exclusive pour trolleybus ont recours à l’énergie électrique pour leur traction, ce qui se traduit par une suppression des émissions polluantes sur les axes aménagés. A contrario, les aménagements ferroviaires non enterrés peuvent générer d’autres nuisances locales : nuisances sonores et effets de coupures sont ainsi notés dans le cas du métro léger de Tunis . Si l’option d’une énergie fossile ne présente pas les mêmes avantages que l’énergie électrique, elle peut cependant atténuer les nuisances environnementales générées. L’aménagement des voies exclusives à Belo Horizonte a entraîné une baisse de 20 % de la consommation en carburant des bus , donc une baisse des émissions également. L’aménagement de voies exclusives peut constituer une opportunité pour un renouvellement du parc et pour des choix de carburants moins polluants. L’aménagement du Transmilenio a entraîné une baisse de 42 % des émissions de SO2, de 18 % des émissions de NO2 et de 12 % de PM10 sur les axes concernés .

Enfin, l’aménagement de STUM, en disciplinant les différents trafics par leur séparation, réduit les risques d’accident. Toujours à Bogota, après la mise en service du Transmilenio, D. Hidalgo rapporte une réduction de 79 % des collisions, de 92 % de morts et de 79 % de blessés suite à des accidents de circulation. Il convient cependant de signaler que l’augmentation de la vitesse de circulation des véhicules sur les voies exclusives accroît la dangerosité des accidents, notamment pour le plus vulnérable des modes, le piéton.

Les systèmes de transport urbain qualifiés « de masse » permettent des débits horaires de l’ordre de quelques dizaines de milliers de passagers par heure et par sens sur les liaisons qu’ils desservent. Pour proposer une telle capacité, entre autres :

  • Les STUM ont recours à des véhicules de plus grande capacité que ceux utilisés actuellement par les artisans africains. Le débit horaire est maximisé grâce à une optimisation des trois composantes du système de transport : véhicule, infrastructure et techniques d’exploitation. Pour un débit horaire équivalent à celui obtenu avec des véhicules plus grands, le fait de réduire la taille des véhicules pourrait, d’une part se traduire par de coûteux équipement en infrastructures et en mesures d’aide à l’exploitation (emprise plus large de l’infrastructure, plus grande isolation du site propre…)., d’autre part engendrer des externalités négatives (congestion, émissions de polluants…) plus importantes. Rappelons que l’aménagement de STUM intervient sur les axes les plus sollicités par le trafic.
  • Les STUM s’appuient sur l’exclusivité de la circulation. L’exploitation de véhicules sur un site banal expose le système de transport collectif aux aléas des autres trafics. Dans la mesure où les STUM, rappelons-le encore, sont aménagés sur les axes à forte demande, le trafic affecte les conditions de circulation du véhicule de transport collectif, ce qui se traduit par une perte de capacité du système.

D’ailleurs, les gains de temps significatifs pour les usagers de STUM et la maîtrise des effets externes négatifs, cette fois-ci pour l’ensemble des citadins, doivent beaucoup à cette exclusivité de la circulation assurée au véhicule du système. Voyons à présent les apports d’un STUM au-delà de l’axe sur lequel il est aménagé.