a. De grandes concentrations démographiques et des structures économiques à la périphérie des territoires nationaux

Conakry, Dakar et Douala doivent toutes les trois leur essor au choix, sous l’ère coloniale, d’en faire les centres économiques et administratifs des territoires intérieurs. J. Poinsot, A. Sinou et J. Sternadel fournissent de riches renseignements sur la formation des agglomérations subsahariennes. C’est au lendemain de la séparation administrative du territoire des « Rivières du Sud » de la colonie française du Sénégal que Conakry, nouvelle capitale, entame sa mutation. Du petit village situé sur l’île de Tombo (actuelle commune de Kaloum qu’une digue reliera en 1963 au continent), elle deviendra l’agglomération millionnaire que nous connaissons aujourd’hui. A l’instar de Conakry, ou encore de Lagos, l’urbanisation de Dakar a pour origine une petite île au large. La faible superficie de l’île de Gorée, mais aussi des objectifs économiques, militaires et politiques vont guider la création de la ville, puis le développement de la capitale de l’Afrique Occidentale Française. Contrairement aux deux autres agglomérations, Douala quant à elle, doit d’abord son développement aux Allemands qui ont pris officiellement possession du site en 1884. Ce n’est qu’après la première guerre mondiale que la France devient la puissance tutélaire d’un « des établissements les plus importants de la Côte du Golfe de Guinée » comptant plus de 15 000 habitants en 1917 . J. Poinsot et al. notent que, malgré le transfert de la capitale à Yaoundé, la politique urbanistique du Cameroun jusqu’en 1945 se confond avec l’urbanisation de Douala. Conakry, Dakar et Douala sont toutes les trois des villes côtières et en cela, elles reflètent également l’origine coloniale de l’urbanisation subsaharienne. La colonisation a favorisé le développement des villes côtières pour les besoins de l’exportation et des liaisons avec la métropole.

Conakry, Dakar et Douala sont les plus grandes agglomérations de leur pays respectif. Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies , en 2003 :

  • Conakry comptait 1,4 million d’habitants, soit 16 % de la population totale et 46 % de la population urbaine de la Guinée,
  • Dakar, 2,2 millions d’habitants, 21 % de la population totale et 43 % de la population du Sénégal,
  • Douala, 1,9 million d’habitants, 12 % de la population totale et 23 % de la population urbaine du Cameroun.

Il s’agit d’estimations et l’on ne répétera jamais assez les difficultés d’obtenir des données précises sur la population, surtout en Afrique subsaharienne. Ce ne sont là que des ordres de grandeur qui nous permettent cependant d’avoir un aperçu suffisamment significatif du poids démographique de ces agglomérations dans leur pays respectif. Le poids de Douala est bien moindre que les deux autres agglomérations, du moins par rapport à la population urbaine totale du pays. Cela s’explique par l’importance démographique de Yaoundé et l’existence d’un maillage de villes secondaires à rayonnement régional.

L’importance du poids démographique national des trois villes renvoie également à une grande concentration des activités économiques du pays dans ces agglomérations. Les trois doivent leur essor à l’implantation de ports maritimes – qui en font le point quasi-incontournable de sortie des exportations et d’entrée des importations – et, pour deux d’entre elles, à la présence des administrations étatiques (contrairement aux deux autres, Douala n’est pas la capitale du pays). En plus d’être le « plus grand centre économique, administratif, culturel », Conakry est « surtout [un] point de jonction des transports terrestres, aériens et maritimes » de la Guinée . Dans une thèse portant sur le terrain doualais, E. Boupda s’appuie sur des chiffres datant de la fin des années 1970 pour présenter l’importance économique de la ville : 75 % de la production, deux tiers des emplois et 60 % des entreprises du secteur industriel du Cameroun y seraient concentrés, 85 % des banques y auraient leur siège. Plus récemment, une plaquette de la municipalité 33 a annoncé une participation de la ville de Douala à hauteur de 70 % de l’activité économique structurée et 60 % de la production industrielle du pays. Quant à Dakar, C. Kane parle d’une participation pour plus de 50 % du produit intérieur brut et d’environ 80 % des activités du secteur « moderne » (industrie, administration, enseignement, commerces, services) du pays. Au-delà des chiffres, c’est l’importance économique de Conakry, Dakar et Douala, en cohérence avec leur niveau démographique, qu’il faut retenir ici.

Notes
33.

A modern economic metropolis. Profil. Douala : A new look for Douala: p. V.