2. Trois illustrations de la croissance démo-spatiale subsaharienne

a. Un processus d’urbanisation non contrôlé dans sa plus grande partie

L’urbanisation de Conakry, Dakar et de Douala, à l’instar des autres agglomérations subsahariennes, s’est en grande partie effectuée de façon « non contrôlée ». Aux noyaux urbains coloniaux – caractérisés par une séparation entre les quartiers administratifs et lieux de résidence des blancs et les quartiers indigènes – sont venus se greffer les extensions dont peu d’entre elles ont fait l’objet de programmes d’urbanisation planifiés et contrôlés. A Conakry, A. Dubresson parle de deux tiers des aires habitées non loties par l’administration. C’est une urbanisation que certains n’hésitent pas à qualifier d’anarchique  :

  • Elle est caractérisée par des pratiques informelles d’occupation de l’espace.
  • Elle est fortement consommatrice d’espace. Un habitat pauvre de faible hauteur implanté sur des espaces non aménagés, sous-équipés et dotés de voirie d’accès inadaptée à la circulation y cohabite avec un habitat de type villa pour population aisée.
  • On y note le développement d’un tissu urbain hétéroclite caractérisé par l’interpénétration des zones loties avec des anciens villages faiblement intégrés et des quartiers à développement spontané.
  • Face à cette urbanisation, les plans directeurs et les actions de planification telles que la mise en œuvre de plans de lotissement et les opérations de parcelles assainies sont inefficaces.

Le qualificatif « anarchique », est également utilisé par B. Etteinger pour qualifier le développement urbain de Douala. Il a établi une carte de l’extension urbaine de la ville entre 1982 et 1992 : la superficie a quasiment doublé et l’essentiel de cette augmentation est le fait de quartiers spontanés. Mais, à l’instar de Conakry, il ne s’agit pas d’opposer deux caractéristiques urbaines résultant de deux processus d’urbanisation complètement distincts : celui non contrôlé et celui planifié dans le cadre d’opérations d’aménagement. Nylon, un quartier qualifié de spontané, a connu dans les années 1980 un programme, avec un certain nombre de résultats, visant à : restructurer et réhabiliter l’habitat, développer des infrastructures et des équipements collectifs, créer des emplois et procéder à une sécurisation foncière. A l’opposé, l’opération Douala Nord qui consistait, à la même période, à créer un « morceau » de ville de façon planifiée par la puissance publique, est débordée aujourd’hui par un processus non contrôlé d’urbanisation. La plupart des quartiers dits structurés voient également se développer de manière anarchique des habitations dans leurs zones réputées non constructibles (le long des drains naturels, sur des reliefs à forte pente, dans les réserves foncières…).

Le développement urbain plus ou moins contrôlé concerne également Dakar où, dans la banlieue (Pikine, Guédiawaye, Rufisque…), « face à la pression de la demande, on assiste plus à une production de logement que d’habitat » . Les quartiers spontanés vont ainsi se greffer aux villages anciens, aux espaces aménagés pour accueillir les déguerpis des quartiers irréguliers de Dakar, aux programmes d’habitat planifié, pour créer les concentrations humaines les plus importantes de l’agglomération.