d. Dans les trois villes, un trafic en transport collectif sur les axes de desserte du centre de niveau à justifier l’aménagement de systèmes de transport urbain de masse

D’après nos estimations, deux des axes de desserte du centre de Dakar enregistraient en 2000, aux heures de pointe, des débits horaires en transport collectif dépassant les 10 000 passagers/heure par sens sur leur grande partie (Tableau 29). A Douala, sur les trois axes de desserte de la zone centrale de la ville, les débits horaires des flux en transport collectif en 2002 étaient de l’ordre de 30 000 à 40 000 déplacements par sens à certaines heures de la journée (Tableau 31). Les estimations de débits horaires maxima sont pour certains axes, même sous hypothèses basses, largement supérieures à 10 000 déplacements en transports collectifs par heure par sens. A Conakry, quelle que soit la configuration des axes de desserte privilégiée (unique ou deux branches périphériques), les débits horaires des flux en transport collectif en 2002 dépassaient les 10 000 déplacements par sens à certaines heures de la journée sur la plupart des tronçons (Tableau 30). Là encore, les estimations de débits horaires maxima sont pour certains tronçons, même sous hypothèses basses, largement supérieures à 10 000 déplacements en transports collectifs par heure par sens.

Tableau 29 : Débits horaires maxima en transport collectif sur les liaisons centre/périphérie à Dakar
Axe Flux quotidien TC Tronçon Flux quotidien TC Débit max.
Axe Ouest 100 000
Centre/Fann 80 000 7 000
Fann/Mermoz 60 000 5 000
Mermoz/Ouakam 30 000 3 000
Ouakam/Ngor 20 000 2 000
Axe
Nord-Sud
240 000
Centre/Grand Dakar* 160 000 14 000
Grand Dakar/Hann* 180 000 16 000
Hann/Pattes d’Oie* 170 000 17 000
Pattes d’Oie/Parcelles Ass.* 130 000 14 000
Parcelles Ass./Guédiawaye* 70 000 7 000
Axe Pikine-Rufisque* 300 000
Centre/Pikine* 130 000 10 000
Dakar/Pikine 170 000 15 000
Pikine/Rufisque 50 000 5 000
Pikine/Guédiawaye 100 000 7 000

*Pour l’estimation de ces chiffres, nous sommes sous hypothèses maximales. Les flux entre Guédiawaye et le Centre (environ 40 000 déplacements en transport collectif par jour) sont doublement affectés, sur l’axe Nord-Sud et sur l’axe Pikine-Rufisque.

Certes, ces pics de débit n’interviennent à Dakar qu’au maximum 3 heures dans chaque sens, du fait de la nature fortement pendulaire des déplacements sur les corridors identifiés. Le même constat s’applique à Conakry et à Douala où nous trouvons de très grands écarts entre l’estimation des débits horaires à la pointe et les autres heures de la journée. Si cela reflète les comportements de mobilité dans les trois villes, ces forts écarts découlent en partie de la nature des données que nous utilisons : la faiblesse de l’échantillon a tendance à accentuer les écarts de distribution horaire des déplacements redressés entre les pointes et les périodes où il y en a moins. Mais nous pouvons également noter sur le Tableau 32, la nature pendulaire des déplacements assurés par les autobus en site propre intégral en Amérique latine : le débit horaire maximal par sens représente entre 8 et 10 % des flux quotidiens, les deux sens réunis. A Dakar, dont l’échantillon de travail est plus riche, le poids du débit horaire maximal dans le flux quotidien est également estimé entre 8 et 10 %. A Conakry, ce poids atteint 12 % sur certains tronçons et, à Douala, il va parfois au-delà de 15 %.

Tableau 30 : Débits horaires maxima en transport collectif sur les liaisons centre/périphérie à Conakry
Axe Flux quotidien TC Tronçon Flux quotidien TC Débit max.
Configuration Axe Unique
Axe Unique 580 000
Hypercentre/Centre 160 000 14 000
Centre/1ère Périphérie 310 000 25 000
1ère Périphérie/2e Périphérie 260 000 19 000
2ème Périphérie/3ème Périphérie 200 000 16 000
Configuration avec éclatement en deux de l’axe en périphérie*
Axe Ratoma 210 000
Centre/1ère Périphérie 150 000 13 000
1ère Périphérie/2e Périphérie 70 000 9 000
2ème Périphérie/3ème Périphérie 20 000 2 000
Axe Matoto 240 000
Centre/1ère Périphérie 160 000 14 000
1ère Périphérie/2e Périphérie 120 000 12 000
2ème Périphérie/3ème Périphérie 100 000 12 000

*Pour le tronçon Hypercentre/Centre, les chiffres sont les mêmes que dans la configuration « axe Unique »

Tableau 31 : Débits horaires maxima en transport collectif sur les liaisons centre/périphérie à Douala
Axe Tronçon Flux quotidien TC Débit horaire max.
Axe Bonabéri Rive gauche/Rive droite 60 000 5 000
Axe Nord Centre/Périphérie 230 000 30 000
Axe Est* Centre/Périphérie 260 000 40 000
Axe Sud* Centre/Périphérie 170 000 30 000

*Pour l’estimation de ces chiffres, nous sommes sous hypothèses maximales. Certains flux entre la 1ère Périphérie et le Centre sont doublement affectés, sur l’axe Est et sur l’axe Sud. Ils représentent tout de même la moitié des flux quotidiens pris en compte pour l’axe Est et les trois quarts pour l’axe Sud : on est presque en situation de deux axes alternatifs.

Tableau 32 : Débits horaires aux heures de pointe et volumes de trafic quotidien sur quelques voies exclusives pour autobus en Amérique latine
Ville :
Ligne de Bus
Longueur totale (km) Longueur
des voies exclusives (km)
Flux (pass.
/jour)
Débit horaire max. par sens Débit horaire max. /Flux
Sao Paulo :          
Santo Amaro/9 de Julho 14,6 10,8 196 202 17 658 9 %
Sao Mateus/Jabaquara 33,0 30,0 206 778 21 600 10 %
Curitiba :          
Sul 10,08 10,08 156 231 13 014 8 %
Porto Alegre :          
Corr. Exclusivo O. Aranha/P. Alves 8,2 8,2 131 788 10 543 8 %
Independência/24 de outubro/Plinio 5,4 1,1 193 663 15 493 8 %
Corr. Exclusivo Farrapos 3,8 3,8 134 700 10 776 8 %
Corr. Exclusivo Assis Brasil 5,8 5,8 151 863 12 149 8 %
Bogota :          
Troncal Ave. Caracas 16,0 16,0 372 658 36 500 10 %

Source : J. M. Rebelo

Aux heures de pointe, l’importance du trafic en transport collectif sur certains axes à Dakar en 2000, à Conakry et à Douala en 2002 peut justifier la mise en place d’un STUM. Cette justification ne repose pas seulement sur le trafic aux heures les plus chargées. Les axes sur lesquels nous avons travaillé présentent des flux quotidiens en transport collectif pour la plupart supérieurs à 200 000 déplacements. L’axe Unique de Conakry, aidé par la configuration de la ville, va au-delà de 500 000 déplacements. Ce sont là des chiffres supérieurs aux trafics enregistrés par les aménagements de bus en site propre intégral en Amérique Latine (Tableau 32). Certes, il n’est pas dit qu’un aménagement de STUM capterait tout le trafic effectué actuellement en transport collectif. Cette question renvoie aux options qui présideraint à l’aménagement du STUM : le tracé et la localisation des arrêts, l’articulation avec les autres modes, les tarifs…

Mais il convient également de prendre en considération le temps de maturation des projets et de l’aménagement. Il peut se passer facilement une dizaine d’année d’ici à la matérialisation de la décision d’aménager un STUM. Or, la croissance démo-spatiale subsaharienne laisse présager une augmentation du trafic sur les axes de desserte du centre s’il n’y a pas de grands bouleversements dans l’urbanisation et les infrastructures de ces agglomérations. A Addis-Abeba, pour estimer le trafic en 1999 sur les principaux axes de circulation de la ville, une étude TRL a pratiquement multiplié par deux (1,81) des mesures effectuées en 1982. S’il s’agit d’un trafic tous modes, les transports collectifs y sont prépondérants (26 % des déplacements, contre 4 % pour les véhicules individuels, le reste étant effectué à pied ).

Enfin, nous serions incomplets dans notre analyse si nous ne mettions pas en cause la configuration particulière des trois agglomérations auxquelles nous nous sommes intéressés. Peut-on généraliser notre conclusion sur un niveau de demande de déplacements justifiant l’aménagement de STUM dans les agglomérations subsahariennes à partir de constats sur trois villes dont la configuration se prête particulièrement à une massification des flux de déplacements en direction ou en provenance du centre ? Les débits estimés à Addis-Abeba (Tableau 33) montrent que la présence de corridors de demande de déplacements de l’ordre de dizaines de milliers par heure et par sens aux heures de pointe n’est pas le seul fait des agglomérations littorales. A Nairobi, autre agglomération située à l’intérieur des terres, G. Hop et J. H. Koster se sont intéressés à un axe de desserte du centre, Jogoo Road (« a major public transport corridor »), à la fin des années 1990. Sur ses tronçons les plus chargés, aux heures de pointe du matin, ils ont noté un débit horaire de 21 000 passagers par heure et par sens, dont 17 500 pour les transports collectifs. Addis-Abeba et Nairobi, deux des agglomérations subsahariennes les plus peuplées –avec respectivement 2,5 et 2,2 millions d’habitants en 2000 (2 millions pour Dakar, 1,7 pour Douala et 1,2 pour Conakry) d’après les chiffres avancés par les Nations Unies – préfigurent ce qui attend la plupart des agglomérations subsahariennes, qu’elles soient littorales ou non, en termes de niveaux de demande de déplacements sur les principaux axes de desserte du centre.

Tableau 33 : Débits horaires maxima des déplacements motorisés sur les principaux axes de Addis-Abeba en 1999
Corridor et sens du trafic Débit horaire de pointe (pass./h)
Est/Ouest 15 687
Ouest/Est 12 285
Nord-est/Centre 6 048
Nord-ouest/Centre 13 986
Centre/Nord-ouest 13 041
Sud/Centre 6 048
Centre/Sud 7 182

Source : TRL