b. …et le fait d’individus plutôt riches, chefs de ménage, actifs, se déplaçant pour un motif professionnel

A Dakar, à Conakry et à Douala, ce ne sont pas les citadins les plus pauvres que l’on retrouve dans les transports collectifs. Dans la première ville, les deux tiers des déplacements en transport collectif en semaine sont le fait d’individus appartenant aux ménages des deux quartiles de revenu les plus élevés (Tableau 38). A Conakry et à Douala, nous avons calculé une moyenne, sur les déplacements, des revenus individuels annuels : celle des déplacements en transport collectif est respectivement 39 et 26 % supérieurs à celle de l’ensemble des déplacements (Tableau 39). Les moyennes sur les déplacements centre/périphérie sont encore plus importantes, même si elles peuvent varier fortement selon les axes. Ainsi, sur l’axe Pikine-Rufisque à Dakar, nous trouvons une plus forte représentation des individus des trois plus faibles quartiles de revenu (75 % contre 61 % pour l’ensemble des déplacements en transport collectif). A l’inverse, la moyenne sur les déplacements de l’axe Sud à Douala des revenus des individus équivaut au double de celle sur l’ensemble des déplacements urbains (1 030 000 F CFA contre 580 000 F CFA).

Tableau 38 : Les transports collectifs à Dakar, surtout le fait des ménages aisés
Quartile des dépenses du ménage Part dans les déplacements TC
1er quartile 11 %
2ème quartile 21 %
3ème quartile 29 %
4ème quartile 39 %
Tableau 39 : Des usagers plus riches sur les axes de desserte du centre à Conakry et à Douala
Revenus annuels moyens des individus réalisant des déplacements : Conakry Douala
Déplacements tous modes 620 000 FG 580 000 F CFA
Déplacements TC 860 000 FG 730 000 F CFA
Déplacements pris en compte pour l’estimation des débits horaires sur les principaux axes 880 000 FG 800 000 F CFA*

*Uniquement les déplacements TC entre le Centre et la périphérie

Si nous retrouvons plus d’usagers masculins dans les déplacements en transport collectif dans les trois villes, ils sont encore plus nombreux pour les seuls déplacements que nous avons considérés pour les axes de desserte du centre par les transports collectifs (Tableau 40). Sur certains axes (axe Pikine-Rufisque à Dakar et axe Sud à Douala), leur proportion atteint ou dépasse les deux tiers.

Tableau 40 : Une proportion d’hommes plus importante sur les axes de desserte du centre
  Conakry Dakar Douala
Hommes dans les déplacements TC 53 % 56 % 53 %
Hommes dans les déplacements pris en compte pour l’estimation des débits horaires sur les principaux axes 55 % 63 % 60 %*

*Uniquement les déplacements TC entre le Centre et la périphérie

Nous retrouvons également plus de chefs de ménage – c’est-à-dire des personnes qui, par définition, contribuent le plus aux dépenses du ménage – dans les déplacements en transport collectif et encore plus dans ceux dont nous avons estimé les débit horaires (Tableau 41). Là aussi, leur importance est variable selon les axes de desserte pour chaque ville. A Dakar, c’est sur l’axe Nord-Sud et l’axe Pikine-Rufisque qu’ils sont le plus représentés. A Douala, sur l’axe Nord et l’axe Sud, plus de la moitié des déplacements sont le fait de chefs de ménage.

Tableau 41 : Une présence plus importante de chefs de ménage sur les axes de desserte du centre
Chefs de ménage dans les déplacements : Conakry Dakar Douala
Déplacements tous modes 26 % 20 % 34 %
Déplacements TC 33 % 30 % 40 %
Déplacements pris en compte pour l’estimation des débits horaires sur les principaux axes 33 % 33 % 46 %*

*Uniquement les déplacements TC entre le Centre et la périphérie

Sur les axes de desserte en transport collectif que nous avons définis dans les trois villes, la part des actifs est plus importante que dans l’ensemble des déplacements en transport collectif en semaine (Tableau 42). Sur l’axe Nord à Douala, ils sont impliqués dans les trois quarts des déplacements.

Tableau 42 : Une proportion d’actifs plus importante sur les axes de desserte du centre
  Conakry Dakar Douala
Actifs dans les déplacements TC 55 % 58 % 53 %
Actifs dans les déplacements pris en compte pour l’estimation des débits horaires sur les principaux axes 55 % 62 % 60 %*

*Uniquement les déplacements TC entre le Centre et la périphérie

Les déplacements pour motif professionnel sont fortement représentés dans ceux réalisés en semaine en transport collectif (Tableau 43). Dans le cas de Dakar et Douala, ils sont encore plus fortement présents dans les déplacements sur les axes de desserte du centre : les déplacements domicile-travail constituent un cinquième des déplacements sur les axes définis à Dakar et le motif professionnel préside à plus des deux tiers des déplacements en transport collectif entre le Centre et la périphérie de Douala. Dans cette dernière agglomération, le trafic en transport collectif en semaine entre les deux rives du fleuve est justifié par un motif professionnel dans trois quarts des cas.

Tableau 43 : Un poids plus important du motif professionnel sur les axes de desserte du centre
Motif professionnel dans les : Dakari Conakryii Doualaii
Déplacements tous modes 12 % 33 % 39 %
Déplacements TC 18 % 43 % 54 %
Déplacements pris en compte pour l’estimation des débits horaires sur les principaux axes 20 % 42 % 68 %iii

iIl ne s’agit ici que des déplacements entre le lieu de domicile et lieu de travail

iiTous les déplacements réalisés dans le cadre du travail quelque soit le lieu de départ

iiiUniquement les déplacements TC entre le Centre et la périphérie

Les usagers concernés par les axes que nous avons défini à Conakry, à Dakar et à Douala ne sont pas les plus pauvres de ces agglomérations. Les niveaux de revenu déclarés sont en moyenne supérieurs à ceux de l’ensemble des usagers des transports collectifs, et encore plus à ceux des usagers tous modes confondus (puisque, compte tenu de la distribution modale, il s’agit essentiellement de rajouter des piétons). Certes, ils n’appartiennent pas tous aux couches les plus aisés de la population, loin de là. En tous cas, ce sont les plus aisés dans leur ménage, car en majorité actifs et chefs de ce ménage. Corrélativement, les déplacements réalisés sur les axes en question le sont en grande partie dans un but professionnel.

Nous avons pu bénéficier, pour nos calculs, de données récentes sur la mobilité dans trois agglomérations millionnaires subsahariennes. Si l’EMTSU visait une représentativité globale des déplacements dans la Région de Dakar, l’enquête PMU a été conçue dans un objectif plus limité d’analyse des conditions de mobilité des populations pauvres de Conakry et Douala. Nous les avons redressées sur la base d’enquêtes qui se veulent, cette fois, des reflets du cadre socio-économique de leur agglomération respective. Nos calculs, avec toutes les limites qu’imposent un tel exercice, permettent d’avoir une idée de la structure des déplacements dans les trois agglomérations, afin de vérifier l’intérêt de l’aménagement d’un STUM.

Les axes de desserte en transport collectif sur lesquels nous avons effectué les calculs ont été choisis sur la base d’une analyse empirique des dessertes en transport collectif des centres-villes, zone principale de convergence des flux. A Dakar, ils sont associés à des zones de desserte identifiées par une étude sur le terrain. A Douala, ils découlent du schéma de voirie d’accès au centre. A Conakry, la configuration du site et de la voirie laissent peu de place à d’autres alternatives. D’autres hypothèses de travail ont été intégrées : prise en compte ou non des déplacements de plus de 30 minutes, exclusion ou non de certains modes de transport collectif, découpage de l’espace urbain en zones pour sélectionner les seuls déplacements entre les zones. Toutes ces hypothèses n’ont été élaborées que dans le but d’approcher le mieux possible les déplacements intéressant un éventuel STUM.

Sur les axes de desserte du centre des trois villes, nous obtenons des flux et des débits horaires de pointe en transport collectif supérieurs aux demandes assurées par la plupart des autobus en site propre intégral en Amérique latine. Des constats effectués dans d’autres agglomérations subsahariennes, cette fois-ci non littorales, confirment l’importance des corridors de desserte du centre ville. De plus, il s’agit, premièrement, de déplacements qui nécessitent des temps de parcours relativement importants pour des liaisons urbaines : les gains de temps potentiels d’un STUM n’en seront que plus élevés. Ensuite, ce sont des déplacements en grande partie réalisés pour un motif travail ou études, donc influant de manière directe sur la productivité des citadins et sur la production de richesses de la cité. Ce sont là des justifications socio-économiques de poids pour un aménagement de STUM dans les grandes agglomérations subsahariennes.

Certes, la totalité de la demande satisfaite par les transports collectifs actuels ne se reportera pas automatiquement sur le futur STUM. Les enseignements tirés des aménagements existants dans les pays en voie de développement nous incitent plutôt à la prudence. Mais il convient également de prendre en considération le processus de croissance démo-spatiale subsaharienne et ses conséquences en termes d’évolution de la demande de déplacements urbains. Il faut s’attendre à une augmentation du trafic en transport collectif sur les axes de desserte du centre à court et à moyen terme.