Conclusion du quatrième chapitre :

Quelles seront, dans quelques années, les conditions de déplacement en transport collectif à Conakry, à Dakar et à Douala et, plus généralement, dans les grandes agglomérations subsahariennes ? En 2000 et 2002, les axes de desserte du centre présentaient des débits horaires maxima dépassant 10 000 passagers par heure et des temps moyens de déplacements de l’ordre de trois quart d’heure, voire une heure et plus. La croissance urbaine provoquera une augmentation de la demande, donc un plus grand nombre de véhicules nécessaires pour répondre à cette demande, et un allongement des distances de déplacements. Compte tenu de l’incapacité de la collectivité à inverser le processus actuel de production de l’espace urbain, nous risquons d’assister à une accentuation de la dissociation fonctionnelle entre le centre, lieu d’emplois et de concentration des services, et des extensions périphériques populaires. Il faudrait également que les infrastructures suivent cette croissance urbaine pour éviter une dégradation des conditions de déplacement. Or, la crise urbaine subsaharienne provient principalement de cette difficulté pour les villes à accompagner une croissance urbaine forte. Les sites naturels fortement contraints des grandes villes africaines laissent d’ailleurs peu de marges en termes d’organisation des réseaux de desserte. Nous devrions donc assister à une pression supplémentaire de la demande sur les axes actuels de desserte en transport collectif : augmentation des débits horaires et dégradation des conditions de déplacements.

Sur les liaisons centre/périphérie des agglomérations subsahariennes millionnaires, les niveaux actuels de demande de déplacements justifient l’aménagement de STUM. Il s’agit, en outre, de déplacements pour lesquels l’importance de leur durée permet d’espérer des gains de temps significatifs suite à l’aménagement d’un STUM. Les précédentes analyses (Chapitre 2) nous ont enseigné qu’une part de la dégradation des durées de déplacement dans les grandes agglomérations subsahariennes résulte de l’inadaptation du transport artisanal aux niveaux de demande tels que relevés à Conakry, à Dakar ou encore à Douala. Enfin, une part importante de la demande de déplacements sur les liaisons centre/périphérie des grandes agglomérations a recours à plusieurs véhicules de transport collectif. Les STUM, à travers leur logique de hiérarchisation des transports collectifs et leur potentiel de structuration de l’offre, pourront considérablement en améliorer les conditions.

Les liaisons centre/périphérie, en raison de la forte dissociation fonctionnelle de l’espace qui caractérise les grandes agglomérations subsahariennes, concernent prioritairement des déplacements pour motif professionnel. Ce sont des déplacements générateurs de ressources pour les citadins africains et leurs ménages. Les revenus que ces derniers peuvent espérer dans les zones centrales sont meilleurs que ceux tirés des activités dans « le quartier ». Les conditions de déplacements entre le centre et les périphéries touchent ainsi plus directement à la productivité des citadins et de la cité. Quand on sait le poids des grandes agglomérations subsahariennes dans la production nationale, on comprend d’autant plus la nécessité d’améliorer les conditions de déplacements sur les liaisons centre/périphérie.

Si les usagers des transports collectifs sur les liaisons centre/périphérie sont en moyenne plus riches que l’ensemble des utilisateurs des transports collectifs, cela ne signifie nullement l’absence d’une forte contrainte monétaire sur leurs déplacements. Les budgets des citadins africains sont trop contraints et la réalisation des déplacements en transport collectif entre les périphéries résidentielles et les lieux d’activité et de services des zones centrales passe par des stratégies de minimisation des dépenses au détriment des conditions de ces déplacements. Dans un contexte marqué par la réduction des moyens des Etats ainsi que par leur retrait de la production des services urbains et des aides à l’accès à ces services, la solvabilité de la demande constitue une contrainte majeure pour la faisabilité de l’aménagement d’un STUM dans les agglomérations subsahariennes.