1. Les infrastructures pour autobus en site propre intégral, moins coûteuses à construire

a. Le coût de construction des infrastructures d’un système de transport urbain de masse dépend fortement du contexte local

L’environnement dans lequel est aménagé un STUM impose différentes contraintes (physiques, économiques, sociales…) qui se répercuteront sur les coûts de construction de ce système. De même, le niveau de maîtrise de ceux qui ont la charge du projet sur les plans technique, organisationnel et financier influe sur ces coûts. Sur la base d’une analyse d’un certain nombre de systèmes mis en exploitation dans les agglomérations des pays en voie de développement, l’étude Halcrow Fox a identifié 12 facteurs influençant à des degrés divers les coûts de construction des métros (Tableau 44). Les mêmes facteurs peuvent être trouvés lors de l’aménagement d’ASPI, de métros légers de surface ou encore de trains urbains. Selon la technologie, ces facteurs ont un plus ou moins grand impact sur les coûts de construction.

Sur les 12 facteurs, 3 renvoient à la nature du projet (construction nouvelle ou extension d’un aménagement existant), aux caractéristiques techniques et à la qualité des équipements. Les autres facteurs « physiques » sont liés aux caractéristiques du site naturel et urbain. Si le diagnostic de Halcrow Fox juge « important » les contraintes urbaines, c’est la nature du site qui semble avoir plus d’impact sur les coûts (impact jugé « très important »). Pour S. Mitric , les contraintes géotechniques du site peuvent doubler, voire tripler, les coûts de construction.

Tableau 44 : Facteurs influençant les coûts de construction d’un métro
  Facteur Impact sur les coûts
Organisation et gestion
1 Qualité de la gestion et de l’organisation Prépondérant
Facteurs physiques
2 Nouveau système ou extension progressive d’un système existant Prépondérant
3 Nature du sous-sol (pour les constructions souterraines et les fondations de viaducs) Très important
4 Contraintes urbaines et topographiques (réseaux urbains, proximité d’immeubles, possibilité de déviation des trafics, contraintes environnementales, protections sismiques) Important
5 Caractéristiques du système (dimension des véhicules, conception des stations comme abris civils, besoins en électricité, accès spéciaux, etc.) Faible/modéré
6 Design et exigences en terme de sécurité Important
Facteurs financiers
7 Coûts de financement (pendant la construction, selon la disponibilité ou non de prêts à taux avantageux, taux de change) Très important
8 Coûts fonciers Modéré
9 Concurrence pour la fourniture des équipements et la construction Modéré
10 Coûts de main d’œuvre Faible/modéré
11 Taxes et autres droits Faible
12 Coûts de fret Faible

Source : Halcrow Fox

La construction des STUM exige une capitalisation importante et appelle par conséquent à contracter des emprunts souvent d’origine étrangère. Les coûts liés à ce financement (facteur n° 7 du Tableau 44) peuvent lourdement peser sur l’investissement. C’est ainsi que le contexte économique et la dévaluation ont grevé la construction du « Skytrain » à Bangkok et du Métro léger de Tunis . Les pays en voie de développement, moins pourvus en capitaux, sont plus exposés aux variations des coûts de financement. Une comparaison entre des aménagements de métros latino-américains et espagnols a montré un coût au kilomètre dans le premier contexte deux à trois fois supérieur à celui dans le second . Certaines explications de cette différence se retrouvent dans les coûts de financement : en Espagne, contrairement à l’Amérique Latine, le financement est assuré dès le départ et les paiements interviennent sans délai. A Quito, la construction du second site propre intégral a pâti des difficultés budgétaires de la municipalité et à Sao Paulo, la Région a dû faire appel au secteur privé pour compléter les installations pour autobus en site propre intégral .

L’étude PADECO insiste beaucoup sur les défaillances en termes de gestion et d’organisation des projets de STUM dans les pays en voie de développement. En Amérique latine, les aménagements ont souffert de fréquents changements de priorité au niveau politique. Les « aléas décisionnels » ont également pesé sur le montant de l’investissement du Métro léger de Tunis et c’est une des raisons avancées pour expliquer le blocage du projet de métro à Alger . Les analyses dénoncent aussi les insuffisances techniques et organisationnelles des projets de STUM que ce soit en Asie du Sud-est , en Amérique Latine ou au Maghreb .

Aléas décisionnels, préparations insuffisantes et projets mal conçus, problèmes de financement conduisent à des rallongements des délais de construction des aménagements et à des surcoûts très importants par rapport aux prévisions. A Calcutta, la construction de 16,5 km de ligne souterraine a demandé 20 ans . Les travaux du métro d’Alger, commencés au début des années 1980, se résumaient en 2000 à 3,3 km de tunnel, 6 stations souterraines, un atelier en bout de ligne et…un siège presque achevé . Sur 13 métros étudiés, P. R. Fouracre et al. estiment que 3 aménagements seulement ont respecté les délais de construction et il n’est pas étonnant de retrouver deux de ces aménagements parmi les trois qui n’ont pas connu de surcoûts importants (Tableau 45). Près de la moitié des métros analysés a enregistré des surcoûts dépassant 100 % et pour deux d’entre eux, jusqu’à 500 %.

Tableau 45 : Dépassements des délais de construction et de coûts pour 13 aménagements de métro dans les pays en voie de développement
Dépassement des délais (en %) Nombre de métros   Dépassement des coûts (en %) Nombre de métros
-10 à +10 3   -10 à +10 3
+10 à +20 2   +10 à +20 1
+20 à +30 2   +20 à +50 3
+30 à +50 2   +50 à +100 4
+50 à +100 3   +100 à +500 2
+100 à +200 1      

Source : P. R. Fouracre et al.

Mais, malgré cette forte dépendance des coûts des STUM au contexte local, les plus grandes différences sur le plan de l’investissement entre les aménagements existants dans les agglomérations des pays en voie de développement reposent sur la nature des technologies privilégiées.