b. Les autobus en site propre intégral, les moins coûteux à aménager

Le Tableau 46 constitue un échantillon des études qui tentent de synthétiser les coûts d’investissement des STUM dans les pays en voie de développement selon la technologie privilégiée. Comme nous l’avions déjà noté (Chapitre 3), si la terminologie est souvent la même, la technologie désignée ne correspond pas forcément. Nous aurons parfois du mal à distinguer le tramway du métro léger de surface, ou encore le métro léger de surface du métro lourd sur des portions en surface. Nous aurions d’ailleurs tort de lire ce tableau dans une perspective de comparaison, les années n’étant pas les mêmes. Il nous permet juste d’avoir des ordres de grandeur de l’investissement au kilomètre selon qu’il s’agit d’une technologie à base de bus, d’un système ferroviaire léger de surface ou d’un métro (souterrain ou viaduc). La différence de coût est considérable entre la première technologie et les deux autres : le rapport est de 1 à 10 entre ASPI et métro léger de surface, il va jusqu’à 1 à 100 entre ASPI et métro !

D. Hensher et J. P. Leriverend avancent des comparaisons dans des cas précis, respectivement Curitiba et Bogota : la première ville a aménagé son réseau de bus pour 54 millions de dollars, soit 300 fois moins qu’un système ferroviaire ; la première tranche du Transmilenio à Bogota a coûté 229 millions de dollars, soit 10 à 20 fois moins qu’un métro classique présentant les mêmes capacités 39 . Une comparaison avec le métro léger de Tunis conclut également à un coût d’investissement moindre pour les ASPI de Bogota et de Curitiba . D. Hensher estime que, chaque fois que la comparaison est possible, l’ASPI est financièrement plus intéressant que le métro léger de surface. Bogota et Curitiba, tout comme Quito, avaient d’abord envisagé des systèmes ferroviaires lourds avant de se résoudre, en raison des coûts exigés, à aménager des ASPI. Bien que d’un site à un autre, d’une période à une autre, le coût d’investissement puisse fortement varier, il est facile de comprendre que des aménagements en surface, semblables à peu de choses près à des travaux de voirie, soient moins coûteux que des aménagements ferroviaires en surface, plus encore quand ces derniers sont souterrains.

Tableau 46 : Coût d’aménagement des systèmes de transport urbain de masse en fonction de la technologie adoptée
Technologie (infrastructure + véhicules)
Coût d’aménagement au kilomètre
Habitat ,
en millions USD (1993)
Halcrow Fox
en millions USD (2000)
World Bank
en millions USD (2001)
Busway 2-10 1-5 (hors véhicules) 1-8 (15*)
Tramway 5-15    
Métro léger de surface 10-30 15-30 10-30
Métro en surface
Métro surélevé
Métro souterrain
40-90
15-30
25-80
60-180
30-100

*En cas de « sophistication » (véhicules électriques à Quito, infrastructures lourdes à Bogota)

Compte tenu de l’influence du contexte local, un aménagement d’ASPI en Afrique subsaharienne exigerait-il un investissement équivalent, supérieur ou inférieur à ce qui a été constaté dans les autres pays en développement ? En l’absence sur le continent africain 40 d’un système aussi abouti que ceux présents dans les autres pays en voie de développement, nous allons essayer de cerner ces coûts à partir des quelques éléments dont nous disposons. D’un pays africain à l’autre, les conditions qui président à la conception et à la construction d’un STUM ne sont, bien entendu, pas les mêmes. Mais, en raison des similitudes des contraintes socio-économiques, nous espérons qu’elles sont plus proches entre deux agglomérations africaines qu’entre une agglomération africaine et une latino-américaine.

Une étude de faisabilité d’un ASPI le long d’un axe est-ouest à Addis-Abeba a récemment été réalisé . D’une longueur de 16 kilomètres, le coût de l’aménagement, hors acquisition de véhicules, a été évalué à 565 millions de birrs éthiopiens hors taxes, soit un coût au kilomètre d’un peu plus de 4 millions de dollars 41 . Notons que les coûts pratiqués localement pour la construction de voirie urbaine à Conakry et à Yaoundé sont de l’ordre du million de dollars le kilomètre. Pour un site propre intégral pour autobus, l’investissement doit en plus prendre en compte la séparation physique des voies, le traitement des croisements et des interfaces avec les autres modes de transport. L’étude de faisabilité du projet d’Addis-Abeba envisage un élargissement de l’emprise viaire. D’une largeur de 30 mètres, elle passerait à 40 mètres pour notamment permettre un aménagement urbain ambitieux : en plus du site propre et des voies non réservées, des arrêts de taxis et minibus, des stationnements de voiture particulière, un large trottoir végétalisé. Bien que le coût avancé ne prenne pas en compte les acquisitions foncières et les démolitions de constructions, cet élargissement représente un poids non négligeable dans l’investissement pour un éventuel ASPI. Il faut également noter que 25 % du coût estimé serait dû à la déviation des réseaux de drainage des eaux de pluie dont certains canaux se trouvent sous le terre-plein central de la voirie actuelle. Cette estimation a été faite sur la base des coûts pratiqués localement. Si elle se situe dans la fourchette de ce qui a été constaté lors des aménagements de site propre intégral pour autobus en Amérique latine (Tableau 46) – avec toutes les précautions qu’impose, bien entendu, une telle comparaison – elle se trouve dans la tranche supérieure. On ne peut également s’empêcher de songer à d’éventuels surcoûts lors de l’aménagement puisqu’il ne s’agit là que d’un projet.

Dans un document précédant l’étude de faisabilité du ASPI à Addis-Abeba , des coûts avaient déjà été avancés et parmi ceux-ci, l’achat de 24 bus articulés. Cet achat a été évalué à un total de 50 millions de birrs éthiopiens hors taxes, soit 240 000 dollars environ pour un bus 42 . En 1995, une étude pour la mise en place de lignes de transport par autobus à Douala et Yaoundé estimait l’acquisition d’un bus standard neuf à une centaine de millions de F CFA hors taxes, soit de l’ordre de 200 000 dollars 43 .

Ces différents éléments chiffrés ne sont pas aisés à apprécier hors de leurs contextes respectifs. Mais ils permettent de situer l’ampleur des investissements nécessaires à l’aménagement d’un STUM à base de bus en Afrique subsaharienne.

Notes
39.

Dans les deux cas, les montants datent probablement de la fin des années 1990.

40.

Même si des couloirs d’autobus à Abidjan présentent des caractéristiques de séparation physique analogues aux busways, ils sont trop anciens pour servir de référents en termes de coûts.

41.

Taux de conversion : 1 USD = 8,7 Birrs.

42.

Taux de conversion : 1 USD = 8,7 Birrs.

43.

Taux de conversion : 1 USD = 500 F CFA.