2. Les avantages de simplicité et de flexibilité des autobus en site propre intégral sur le plan de l’investissement

a. Une simplicité du système d’autobus en site propre intégral qui contribue à une meilleure maîtrise et à un moindre coût de son aménagement

Pour les pays en développement, les ASPI présentent, par rapport aux systèmes ferroviaires, l’avantage d’une technologie plus simple à mettre en place. Le moindre coût de son aménagement se fonde d’ailleurs sur l’absence d’un certain nombre de complications – « simple : facile, qui n’offre aucune complication », d’après le dictionnaire Hanse – par rapport aux modes ferrés, surtout lorsque ces derniers sont souterrains (creusements de galeries, déviation des réseaux enterrés de câbles électriques, téléphoniques ou de distribution et de récolte des eaux…).

En seulement quatre ans (1998-2001), le réseau Transmilenio de Bogota a été conçu, son organisation mise en place, trois corridors d’une quarantaine de kilomètres de site propre intégral du réseau ont été aménagés et mis en service. Le corridor du Metrobus à Mexico inauguré en juin 2005 n’a exigé que trois ans pour son aménagement. L’exemple du Transmilenio, bien que salué dans la littérature pour son exceptionnelle vitesse de réalisation, traduit néanmoins cet avantage des ASPI. Il ne nous a pas encore été donné de connaître un réseau ferré qui soit passé de la décision d’aménagement à un service opérationnel en si peu de temps. Il convient également de noter avec L. Wright le contexte économique difficile dans lequel les ASPI ont été aménagés à Quito, à la fin des années 1990, (début d’exploitation du premier corridor, Trolebus, et construction du second corridor, Ecovia) : le pays traversait une période d’instabilité politique avec des durées de vie des gouvernements entre un et deux ans ; en 1998, le phénomène climatique El Niño a eu des répercussions négatives sur les ressources du pays ; en 1999, une crise a secoué le secteur bancaire local.

La rapidité de l’aménagement du Transmilenio est d’autant plus à saluer quand on sait que « ses performances sont équivalentes à celles d’un métro lourd » . Un site propre en 2x2 voies permettant aux autobus de se doubler, des équipements adaptés à un écoulement rapide des flux aux stations et l’usage d’une technologie avancée pour la tarification et le suivi des véhicules sont à l’origine de cette haute qualité de service. Les autres aménagements latino-américains ne présentent pas tous une telle palette de sophistication. Sans que cela soit forcément au détriment de la capacité offerte, les systèmes à base d’autobus peuvent plus facilement s’adapter aux contraintes économiques et financières du contexte dans lequel ils doivent être aménagés. Par exemple, alors que dans la plupart des cas les systèmes ferroviaires sont à alimentation électrique, il peut être envisagé une autre source d’énergie dans les pays qui présentent un déficit en énergie électrique. Les fréquents « délestages » sur les réseaux d’électricité dans plusieurs agglomérations africaines ne constituent qu’un des arguments pour des solutions plus simples quand elles sont efficaces. Les véhicules de la plupart des ASPI latino-américains ne sont pas à propulsion électrique.

Si certains outils de son exploitation (priorité aux croisements, facilitation des correspondances…) peuvent constituer des innovations pour les agglomérations subsahariennes, la technologie ASPI présente plusieurs atouts pour une meilleure maîtrise financière de son aménagement. L’infrastructure du système – une voirie bitumée – bien qu’isolée du reste de la circulation, est plus familière aux agglomérations subsahariennes que des rails, surtout si ces derniers sont souterrains ou sur viaduc. Notons qu’il existe quelques sites propres bus à Dakar et à Abidjan et que, dans la dernière agglomération, certains sont physiquement séparés du reste du trafic. Les contraintes physiques, urbaines ou topographiques pèsent bien moins que pour des constructions en dehors des emprises viaires ou dénivelées.

Qui dit meilleure maîtrise de la conception et de la construction du système, dit également plus grande maîtrise des dépassements de délai de construction et donc moins de risque de dépassement des coûts de construction. La rapidité de la mise en place du réseau Transmilenio est la conséquence d’une excellente maîtrise sur le plan technique, de l’organisation et du financement de la conception et de la construction d’un site propre intégral pour autobus.

De plus, dans le cas des ASPI contrairement aux aménagements ferroviaires, les véhicules pouvant rouler sur une voirie classique, le système peut être mis en exploitation avant l’achèvement de la construction des sites propres. D’où une possibilité de partir d’un noyau central en site propre qui s’étendrait peu à peu à la périphérie, donc de mobiliser le financement au fur et à mesure, ce qui constitue un atout majeur pour les faibles ressources des agglomérations subsahariennes.

Enfin, toujours dans un souci de maîtrise des coûts d’aménagement d’un STUM, notons que les travaux de construction d’un site propre intégral pour autobus, par rapport aux infrastructures ferroviaires, sont plus accessibles aux entrepreneurs locaux subsahariens. Un plus grand recours à des entreprises locales pour la fourniture de certains équipements et la construction des infrastructures implique un paiement en devises locales et permet, par conséquent, de limiter les conséquences éventuelles d’une dévaluation de la monnaie. De plus, à l’instar des ASPI brésiliens, les agglomérations subsahariennes peuvent à terme susciter le développement de véhicules sur le continent qui soient plus adaptés à leur contexte. Signalons d’ores et déjà la présence d’usines de montages de bus en Afrique subsaharienne : SENBUS au Sénégal et CARICI en Côte d’Ivoire.