Selon une analyse de la Banque mondiale , les pays en voie de développement consacrent 4 % de leur produit national et un cinquième de leur investissement total à des infrastructures nouvelles chaque année. Environ un tiers de ce financement est effectué dans le domaine des transports. En Afrique subsaharienne, plus que sur tout autre continent, l’ampleur des besoins en infrastructures de transport mobilise une part importante des investissements publics. Les infrastructures de transport sont nécessaires, non seulement au développement économique, mais aussi à la constitution d’un territoire national intégré. Au Bénin, A. C. Tossou remarque que « sur la période 1988-1992, les investissements en routes représentent en moyenne 19 % des investissements annuels ». Au Cameroun, le budget alloué au Ministère des Travaux Publics pour l’exercice 1999-2000, un peu plus de 36 milliards de F CFA, plaçait ce ministère en troisième position après ceux de l’Education Nationale et de la Défense et devait servir principalement à financer le programme d’investissement prioritaire dans le sous-secteur routier .
Une comparaison entre le Tableau 52 et le Tableau 53 permet de constater le poids financier des infrastructures de transport en Afrique subsaharienne : l’application des programmes sectoriels de transport au Bénin et en Côte d’Ivoire aurait nécessité en moyenne respectivement 50 et 90 milliards de francs CFA par an, soit un tiers et la moitié des enveloppes consacrées aux investissements en 2004 dans ces deux pays. Une telle comparaison impose certes des limites mais nous paraît suffisamment significative pour traduire l’importance des infrastructures de transport dans les budgets des pays africains. Avec le vieillissement des voies déjà aménagées et insuffisamment entretenues, les besoins en financement d’infrastructures routières se sont accrus dans les années de crise économique. Les programmes d’investissements sectoriels des transports des décennies 1980 et 1990 consistaient d’ailleurs plus à une remise à niveau des anciennes infrastructures routières qu’à des travaux neufs : 70 à 95 % des enveloppes financières concernaient le volet routier, majoritairement, pour maintenir ou améliorer l’état des routes existantes . Les investissements réalisés dans le cadre des programmes d’ajustement structurel traduisent une capacité de financement public d’infrastructures de transport lorsque le besoin s’en fait ressentir.
Pays | Dépenses totales | Dépenses en capital |
Investissements sur finances internes |
(en milliards de F CFA) | |||
Bénin | 459 | 159 | 63 |
Burkina Faso | 601 | 289 | 151 |
Cameroun | 1 335 | 270 | 200 |
Congo | 624 | 180 | 123 |
Côte d’Ivoire | 1 566 | 165 | 108 |
Gabon | 759 | 163 | 143 |
Guinée Bissau | 55 | 12 | 2 |
Guinée Equatoriale | 272 | 175 | 175 |
Mali | 644 | 258 | 89 |
Niger | 316 | 144 | 34 |
République Centrafricaine | 83 | 22 | 8 |
Sénégal | 932 | 371 | 215 |
Tchad | 298 | 132 | 36 |
Togo | 167 | 23 | 3 |
Source : Investir en zone franc, « http://www.izf.net/izf/Documentation/Default.htm », 16/08/05
Pays | Montant | Période | Affectation |
Bénin | 247 milliards F CFA | pour 5 ans | Investissement et entretien des infrastructures de transport |
Burkina Faso | 25 milliards F CFA | par an | Investissement en transport, 90 % consacrés aux infrastructures routières |
Cameroun | 740 milliards F FCA | - | Investissement en transport (travaux et équipements) |
Côte d’Ivoire | 464 milliards F CFA | 5 ans | Investissement en transport |
Gabon | 515 milliards F CFA | - | Investissement dans les secteurs urbains et des transports |
Niger | 30 millions USD | - | Réhabilitation des infrastructures de transport, surtout interurbaines |
République Centrafricaine | 46 millions USD + 5,4 milliards F CFA |
- | Programme sectoriel des transports, 3/4 de l’enveloppe pour la composante routière |
Tchad | 20 milliards F CFA | par an | Investissement en transport |
Source : SITRASS
La croissance de la population urbaine oriente une bonne partie des financements publics vers les villes subsahariennes. Selon C. Farvacque-Vitkovic et L. Godin , 10 à 20 % des investissements publics budgétisés dans 18 pays 53 sont affectés à des infrastructures urbaines (voirie, drainage, équipements marchands, habitat) ; ils précisent que 90 % des investissements proviennent de financement extérieur. La Banque Mondiale seule avait déboursé 3,5 milliards de dollars en 25 ans pour des projets urbains sur l’ensemble du continent et près de la moitié de ce montant était prévu pour d’autres projets en préparation . Ces chiffres situent, premièrement, le niveau des investissements réalisés en milieu urbain en Afrique subsaharienne, ensuite, l’importance des apports financiers externes.
Les apports externes à l’investissement ont représenté en 2004 pour les pays de la zone franc, en moyenne, plus de 40 % des investissements publics (Tableau 52). Pour les deux pays à plus fortes dépenses, la proportion est moindre : 26 % pour le Cameroun et 35 % pour la Côte d’Ivoire. Selon la Banque mondiale , « dans beaucoup de pays à faible revenu, les apports financiers des bailleurs de fonds assurent près de la moitié de tous les investissements publics en infrastructures ».
Plus récemment et plus particulièrement dans les grandes agglomérations, des fonds ont été consacrés à la réhabilitation des infrastructures routières. Douala est certainement l’une des villes ayant enregistré l’effort le plus important pour réhabiliter son réseau viaire et les opérations de réhabilitation y continuent sur un rythme soutenu (Tableau 54). Pour cela, la Communauté Urbaine et l’Etat camerounais dépendent considérablement du financement extérieur (Agence Française de Développement, Union Européenne, Banque Mondiale…). E. Boupda estime qu’en moins de deux ans, l’Agence Française de Développement a financé la réfection de plusieurs grandes artères à hauteur de 30 milliards de F CFA. La dégradation des artères principales et, plus généralement, les difficultés croissantes de mobilité dans les principales agglomérations subsahariennes incitent à consacrer des fonds importants à des projets visant à les résoudre. Le Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine (PAMU) à Dakar, un emprunt auprès des bailleurs de fonds d’un montant de 134,3 millions de dollars, couvre la période 2001-2007 et s’articule autour de cinq principales composantes :
A Abidjan, une étude a estimé qu’en 1998, les dépenses de transport des collectivités publiques se sont élevées à plus de 40 milliards de F CFA, dont 11,3 milliards de F CFA versés à l’entreprise publique de transport et 6,9 milliards de F CFA pour la voirie . Il nous est impossible de rentrer dans le détail des chiffres pour distinguer les travaux des dépenses de fonctionnement ainsi que l’origine des fonds. Mais ces montants, à l’instar de ceux envisagés pour aménager un site propre intégral pour autobus à Addis-Abeba, de ceux engagés pour la réhabilitation de la voirie urbaine à Douala ou encore des crédits du PAMU à Dakar, traduisent une capacité à mobiliser des ressources publiques pour le transport urbain. L’étude abidjanaise nous apprend que l’activité transport a généré, en 1998, 77 milliards de F CFA de recettes fiscales dont 16 à 20 milliards de F CFA de la part des transports collectifs. Dans une logique d’affectation budgétaire, cette somme constitue une ressource potentielle pour le transport urbain.
Affectation | Montant (en milliards de F CFA) |
Réhabilitation de la voirie : opérations achevées ou en cours de réalisation à partir de 1991 | 24,33 |
Réhabilitation de la voirie : accord de prêt en 2002 avec la Banque Mondiale | 38 (Banque mondiale) + 13 (Etat) |
Réhabilitation de la voirie : dotation sur financement PPTE (aide multilatérale) | 5 |
Réhabilitation de la voirie financée par l’Agence Française de Développement | 30 |
Contrat d’Objectifs Etat/Communauté Urbaine pour la période 2000-2004 : - Investissements | 19,9 |
- Entretien voirie | 12 |
Réhabilitation pont sur le Wouri | 7 |
Source : E. Boupda
Si les capacités financières des pays d’Afrique subsaharienne sont très limitées, les Etats continuent d’assumer des dépenses fortes dans le domaine des transports. Il y va de leur développement et même de leur survie tant les infrastructures de transport et de communication sont indispensables à leur cohésion nationale et aux échanges extérieurs. Le développement rapide des principales aires urbaines les contraint à y consacrer des moyens importants qu’ils n’ont pas. On assiste à un recours massif au financement externe pour s’équiper en infrastructures ou les entretenir. S’il a également servi à l’aménagement de STUM en Amérique latine et en Asie, on ne peut s’empêcher de se poser la question des conséquences de la dépendance de l’Afrique subsaharienne à ce financement externe.
Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Congo, Côte-d’Ivoire, Gabon, Congo, Guinée, Guinée Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Tchad, Togo.