1. Les avantages des autobus en site propre intégral sur le plan de l’exploitation

L’étude Habitat ne s’est pas arrêtée à la seule question des montants d’investissement des différentes technologies de STUM, elle présente également les fourchettes de coûts d’exploitation. L’indicateur utilisé est le coût par passager-kilomètre et intègre l’amortissement des équipements mais pas l’investissement initial, ni les charges financières. Si la distinction n’apparaît pas entre ASPI et tramway, les coûts augmentent considérablement quand on passe d’un ASPI au métro léger de surface et du métro léger de surface au métro classique lourd (Tableau 56). Les coûts d’exploitation dépendent très fortement du contexte et des conditions locales de fonctionnement. C’est avec beaucoup de recul qu’il faut apprécier ce tableau.

Tableau 56 : Coût d’exploitation des Systèmes de Transport Urbain de Masse en fonction de la technologie adoptée
  ASPI Tramway Métro léger de surface Métro
Coût d’exploitation par passager-km (en centimes USD, 1993) 8-12 3-12 12-15 15-23

Source : Habitat

Une analyse a récemment été effectuée par A. M. Khan et al. sur des métros légers de surface et des ASPI à Ottawa au Canada. Si nous ne sommes plus dans les pays en voie de développement, la comparaison présente l’avantage d’avoir été effectuée dans une même ville où sont simultanément exploitées les deux technologies. Pour l’exploitation et la maintenance, contrairement à la conclusion précédente, l’étude constate que le coût par passager des ASPI est supérieur à celui du métro léger de surface : entre 0,64 et 0,91 dollar canadien pour les ASPI contre 0,42 dollar canadien pour le métro léger (le calcul est effectué sous hypothèse d’un débit de 15 000 passagers par heure et pour une distance de 15 kilomètres) . Mais, conformément aux constats faits dans le chapitre précédent (Chapitre 5, Section I-1-b), le rapport s’inverse dans des proportions considérables dès lors qu’on y intègre l’investissement : entre 1,34 et 1,64 dollar canadien pour les ASPI contre 2,27 dollar canadien pour le métro léger. Le niveau de confort présenté par les aménagements d’Ottawa (abris chauffés, équipements téléphoniques et télés, renseignements en temps réel…) est cependant bien au-delà de ce qu’on peut attendre en Afrique subsaharienne. De façon générale, l’analyse de Halcrow Fox est qu’un ASPI, par les faibles coûts qu’il suscite et par conséquent qu’il exige auprès des usagers, est l’aménagements le mieux à même de bénéficier aux plus défavorisés.

En s’appuyant sur le cas de Curitiba, J. Rabinovitch et J. Hoehn estiment que, par rapport aux systèmes ferroviaires plus lourds, la technologie ASPI permet un meilleur ajustement de l’offre aux variations journalières de la demande (i) et selon les dessertes (ii), ce qui en réduit les coûts d’exploitation :

Si la plus faible capacité des bus par rapport aux véhicules ferroviaires constitue un facteur de saturation rapide du STUM, elle permet, à fréquences égales, de mieux « coller » aux variations de la demande journalière. Ce meilleur ajustement à la distribution horaire de la demande, comme la Figure 38 tente de le formaliser, permet de limiter les surcapacités de l’offre et d’augmenter ainsi le taux de remplissage des véhicules. Le caractère fortement pendulaire des déplacements centre/périphérie en transport collectif dans les grandes agglomérations subsahariennes laisse présager (cf. Chapitre 4) les économies d’exploitation grâce un meilleur ajustement de l’offre aux variations journalières de la demande.

Dans un ASPI, la plus grande facilité de manœuvre des véhicules se traduit par une plus grande marge dans la recherche d’une configuration optimale du réseau. Contrairement aux systèmes ferroviaires, les véhicules sont moins tenus à des liaisons de terminus à terminus et ils peuvent sortir de leur couloir pour effectuer du rabattement jusqu’en périphérie, pour autant que la voirie le permette et à condition de pas dégrader le temps de parcours total et le débit proposé par le système.

Figure 38 : La flexibilité de l’exploitation des autobus en site propre intégral permet de limiter la surcapacité de l’offre

La possibilité pour les bus de sortir du site propre intégral permet d’éviter un certain nombre de ruptures de charges, ce qui signifie des gains de temps potentiels et autant en termes d’attractivité du réseau.

Comme nous l’avions précédemment défendu, l’argument de la simplicité de la technologie ASPI vaut également sur le plan de l’exploitation. Elle devrait se traduire logiquement par une meilleure maîtrise des facteurs d’exploitation et, par conséquent, des coûts d’exploitation.

Technologie plus facile à s’approprier pour des opérateurs locaux, faisant appel à des véhicules financièrement plus accessibles et permettant une exploitation par plusieurs opérateurs (10 à Curitiba, 4 à Bogota), l’ASPI s’avère particulièrement adapté au contexte subsaharien. En effet, le faible accès aux capitaux y limite considérablement les volumes d’investissement mobilisables pour l’acquisition de véhicules dans le secteur des transports urbains.