3. Les conditions d’une exploitation privée d’autobus en site propre intégral en Afrique subsaharienne

a. L’exploitation de véhicules de grande capacité en Afrique subsaharienne en question

En 2002, la contribution de l’Etat ivoirien à la SOTRA – au titre de subventions de déplacement des élèves, des étudiants, des fonctionnaires et des corps habillés – a représenté la moitié des recettes . Sur l’exercice 2000/2001, la compagnie d’autobus de transport d’Addis-Abeba a été subventionnée à hauteur de 15 millions de birrs, ses dépenses d’exploitation pour cet exercice se sont élevées à environ 120 millions de birrs . Un service de transport urbain par des bus de grande capacité peut-il se passer de subventions publiques en Afrique subsaharienne ? Dans le même cadre, les artisans qui exploitent des véhicules de plus faible capacité prolifèrent sans aide publique d’aucune sorte. Pourtant, à Addis-Abeba (Tableau 57), si le coût d’exploitation au kilomètre est plus élevé dans le cas des bus standards de l’entreprise publique que pour les minibus des artisans, le coût d’exploitation par véhicule et par place offerte d’un bus standard est presque trois fois inférieur à celui d’un minibus d’artisan. Une comparaison similaire a été effectuée à Abidjan : les coûts à la place-kilomètre des minibus gbakas sont supérieurs à ceux de l’entreprise d’autobus SOTRA. X. Godard et P. Teurnier , en nous rapportant cette comparaison, prennent cependant bien soin d’en présenter les limites compte tenu des différences de logiques à l’œuvre chez les artisans et les entreprises structurées : elles obligent à faire des hypothèses qui éloignent les calculs des comportements réels. Contrairement au secteur structuré, la logique comptable à l’œuvre dans l’activité artisanale est celle d’une maximisation des flux de trésorerie plutôt qu’un calcul de l’amortissement de l’investissement.

Tableau 57 : A Addis-Abeba, le coût d’exploitation et le tarif, par place et par kilomètre, sont plus élevés pour les minibus des artisans transporteurs que pour les autobus de l’entreprise publique
 
Bus standard (en birrs) Minibus (en birrs)
par véhicule par place (a)i par véhicule par place (b)ii
(b)/(a)
Recette/km 6,52 0,0652 2,00 0,1667 2,56
Dépenses/km :
Coût d'exploitation, dont : 3,12 0,0312 1,02 0,0850 2,72
Carburant 1,40 0,0140 0,53 0,0442 3,15
Lubrifiant 0,14 0,0014 0,03 0,0025 1,79
Pneumatique 0,30 0,0030 0,04 0,0033 1,11
Main d'œuvre de maintenance 0,19 0,0019 0,04 0,0033 1,75
Equipage 0,29 0,0029 0,26 0,0217 7,47
Maintenance 0,71 0,0071 0,12 0,0100 1,41
Assurance 0,09 0,0009
Amortissement 2,70 0,0270      
Frais généraux 1,38 0,0138 0,48 0,0400 2,90
Bilan -0,68    
iCapacité d’un bus = 100 places 61
iiCapacité d’un minibus = 12 places

Source : TRL pour les données grisées et la capacité de chaque type de véhicule

Mais l’exploitation de véhicules de grande capacité dans les agglomérations subsahariennes, indépendamment de son statut, se heurte à la couverture et à la qualité du réseau de voirie bitumée. C’est là un des obstacles majeurs à une exploitation viable des autobus que le système busways pourrait lever. Il fournit aux autobus qui y opère un réseau physique de qualité (s’il est régulièrement entretenu). De plus, sur le plan des dépenses, l’exclusivité des voies améliore les conditions de circulation des véhicules et leur vitesse commerciale, réduisant ainsi les coûts d’exploitation par kilomètre roulé. Et sur le plan de l’offre, le site propre intégral est aménagé sur des liaisons à forte demande, ce qui augmente le taux de remplissage des véhicules et fait baisser les coûts par place-kilomètre.

Baisse des coûts d’exploitation d’un côté, amélioration des recettes de l’autre, contribueront à un rééquilibrage de la concurrence entre offre artisanale et véhicules de grande capacité. Car c’est sur le plan de la concurrence avec le transport artisanal que se situent les principaux obstacles à une exploitation de véhicules de grande capacité en Afrique subsaharienne.

Notes
61.

Cette capacité, fournie par l’étude TRL [2002], nous semble bien trop importante. Toutefois, même en ne considérant que la moitié de la capacité avancée par l’étude TRL, les dépenses d’exploitation par place et par kilomètre d’un bus restent bien en dessous de celles d’un minibus.