Conclusion du sixième chapitre :

L’apport premier et immédiat d’un STUM est de permettre le transport d’un grand nombre de passagers le long de l’axe sur lequel il est aménagé. Il ne s’agit pas simplement de construire une infrastructure, il faut également mettre en place une superstructure – l’exploitation qui est faite de l’équipement – qui en optimise les apports. D’ailleurs, plus qu’une question de disponibilité de moyens financiers pour sa construction, le succès d’un aménagement d’ASPI en Afrique subsaharienne passe par l’organisation de son exploitation. Si la construction de l’infrastructure repose sur les ressources financières sur lesquelles peuvent compter les agglomérations subsahariennes, c’est l’organisation et la réglementation de son exploitation qui en assureront la durabilité. Dans un continent maintes fois dénoncé pour ses nombreux « éléphants blancs » 69 , il n’est pas du tout vain d’insister sur cette dimension.

Dans ce contexte de rareté de ressources, rendre un aménagement d’ASPI le plus efficace possible et le moins coûteux devient un enjeu essentiel. Les agglomérations latino-américaines ont mis en place, avec succès, une exploitation de leurs systèmes par des opérateurs privés sur des infrastructures financées par les collectivités publiques. Les rapports public/privé ont été cimentés dans un cadre réglementaire bien défini et respecté, notamment sur les aspects financiers. Le contexte subsaharien pourrait faire sien ce modèle d’autant que les caractéristiques du secteur des transports urbains (échec de l’exploitation publique et capacité de financement quasi-nulle des opérateurs privés) semblent l’y encourager. Dans une Afrique subsaharienne des transports urbains très artisanale, encore plus qu’ailleurs, les opérateurs privés doivent être accompagnés sur le plan de l’accès aux capitaux, sur le plan de la fiscalité et de la taxation pour la viabilité du STUM.

Les agglomérations subsahariennes parviendront-elles, comme Bogota, Curitiba et Quito, à planifier, construire et exploiter efficacement leur ASPI ? Le succès des systèmes latino-américains repose sur un usage judicieux du partenariat public/privé. Compte tenu des contraintes financières qui pèsent sur elles et sur leurs habitants, les agglomérations latino-américaines ont opté pour un financement public des infrastructures et une exploitation privée des véhicules ainsi que pour une réglementation qui, tout en assurant la viabilité de l’exploitation privée, permet une tarification relativement accessible. Nous pensons que le pragmatisme qui caractérise la structuration et la réglementation des transports urbains mises en place pour les ASPI latino-américains, ainsi que la proximité entre certaines contraintes latino-américaines et subsahariennes, garantissent leur adaptation dans ce dernier contexte.

Certes, le défi est plus important pour les agglomérations subsahariennes car, premièrement, le déséquilibre à combler entre l’offre de transport et la demande de déplacements est plus grand. Ensuite, tout est à faire sur le plan de la réglementation et de la restructuration des transports urbains. Enfin, les revenus des citadins et les ressources publiques sont bien moindres. Curitiba a très tôt mis en place son ASPI et celui-ci a accompagné sa croissance. Bogota a sans doute bénéficié de l’existence d’une culture entrepreneuriale locale et de ressources financières considérables par rapport à celles des agglomérations subsahariennes. La compétence locale d’organisation des transports urbains a précédé l’aménagement d’un ASPI dans nos trois exemples latino-américains. Elle peut même être analysée comme étant le point de départ de cet aménagement. Les efforts actuels entrepris en Afrique en termes de décentralisation et de regroupement des compétences de transport urbain au sein d’une structure publique unique à vocation locale constituent un élément favorable à l’aménagement nécessaire d’un système de transport urbain de masse.

Le défi qui se présente aux agglomérations subsahariennes est en fait à la hauteur des exigences de refondation de l’action publique dans les transports urbains et de restructuration de l’offre de transport collectif. L’option ASPI, si elle est complexe à planifier, à construire et à exploiter, constitue l’opportunité la meilleure pour les grandes agglomérations subsahariennes pour une sortie, « par le haut », de la crise des transports urbains.

Notes
69.

Se dit des projets dont le coût élevé est disproportionné par rapport à ses retombées et qui s’avèrent finalement trop chers à entretenir.