Conclusion

Le texte de Nkem Nwankwo cité en préambule illustre, en quelques lignes, les difficultés rencontrées par les habitants des grandes agglomérations subsahariennes dans leurs déplacements quotidiens. Il montre la saturation d’un système de transport urbain face à une demande croissante : des « embouteillages » qui s’étirent, une « interminable cohorte des voitures [s’allongeant] pare-chocs contre pare-chocs sur ce qui [semble] des kilomètres », des usagers des transports collectifs obligés de « se battre pour monter » dans un véhicule déjà plein quand il arrive à l’arrêt. La scène présente également quelques-unes des carences de l’offre artisanale de transport urbain qui conduisent à un rallongement des temps de déplacements : Onuma, le héros de Nkem Nwankwo, a dû attendre le car et, avant qu’il ne reparte, il fallait combler « le moindre espace inoccupé » dans le véhicule. Nkem Nwankwo nous donne aussi un riche aperçu de l’inconfort des véhicules de transport collectif – vétustes, gémissant et craquant de partout, une « carcasse branlante », avec des « sièges crevés dont les ressorts s’enfoncent dans [le] postérieur » – dans lesquels sont entassés au maximum les passagers, dans « la chaleur et l’odeur ». Enfin, la situation d’Onuma correspond à celle de la majorité des citadins africains. Leur « impécuniosité » leur interdit d’autres modes de transport collectif – comme « un de ces nouveaux bus chics qui avaient prolongé leur itinéraire jusqu’en des points aussi éloignés qu’Ikeja » – que les formes artisanales décriées par Nkem Nwankwo. L’accès aux modes individuels est encore moins permis. Et, à l’instar d’Onuma, la seule alternative au transport artisanal pour la plupart des citadins africains est la marche.

La croissance démographique et spatiale des grandes agglomérations subsahariennes laisse présager une plus grande dégradation des conditions de mobilité sur longue distance. Le déséquilibre grandissant entre l’évolution de la demande de déplacements et l’offre de transport, à l’origine des entraves à la mobilité urbaine, représente un risque pour le maintien du potentiel de construction citoyenne et de production de richesse des grandes agglomérations subsahariennes. Les autobus en site propre intégral (ASPI) constituent des options techniques et organisationnelles, financièrement accessibles, pour une résolution de la crise des transports dans les grandes agglomérations subsahariennes. Leur aménagement peut, en outre, contribuer à une plus grande mobilisation des citadins autour des questions de transport urbain faisant ainsi d’eux des acteurs des politiques urbaines, des citoyens à part entière.