a. La restriction de circulation sur le pont, un renchérissement de la traversée

A partir du comptage de trafic sur le pont, il a été procédé à une estimation des flux de passagers des transports collectifs, des transports de personnel et des piétons entre 6h00 et 21h00, un jour ouvrable. Hors véhicules individuels et transports interurbains, les deux sens confondus, ce sont plus de 90 000 personnes qui empruntent les transports collectifs payants, le transport de personnel ou se déplacent à pied entre les deux rives du Wouri (Tableau 59).

Le service spécial de traversée recueille à peine la moitié des déplacements en transport collectif urbain (Figure 42). Sa désaffection se justifie grandement par la cherté de son usage. En moyenne, les usagers qui traversent en navette sont ceux qui dépensent le plus, avec un différentiel de 100 F CFA par rapport à ceux qui traversent en bus (Tableau 60). La traversée en navette est la plus coûteuse bien qu’elle concerne principalement ceux qui partent de la première couronne de Bonabéri ou qui y arrivent (Tableau 61). Son usage impose en moyenne un trajet en transport collectif supplémentaire : en moyenne, ses usagers effectuent 2,8 trajets en transport collectif alors que pour un déplacement équivalent avant sa mise en place, ils effectuaient 1,8 trajets en transport collectif. Pour certains déplacements n’ayant pas leur origine ou leur destination dans la première couronne de Bonabéri, la navette SOCATUR impose même deux trajets supplémentaires en transport collectif, soit autant de trajets payants. Les usagers de la navette ont vu leur coût de traversée augmenter en moyenne de 19 %, 17 % lorsqu’on enlève les effets d’augmentation des tarifs des transports intervenus après le début des travaux sur le pont.

Tableau 59 : Estimation des flux en transports collectifs urbains, transport de personnel et à pied sur le pont entre 6h00 et 21h00, les deux sens confondus, un jour ouvrable
Mode Nombre de passagers
Navette Socatur 41 000
Lignes régulières Socatur 6 000
Minibus et Cargos 28 000
Transporteurs clandestins 9 000
Transports de personnel 3 000
Marche à pied 3 000
Total 90 000
Figure 42 : Distribution modale des déplacements urbains en transports collectifs ou à pied entre les deux rives du Wouri entre 6h00 et 21h00 en semaine
Tableau 60 : Coût moyen d’un déplacement urbain (mode de traversée et rabattements compris) entre les deux rives du Wouri, un jour ouvrable selon le mode de traversée
Mode de traversée Coût moyen
Navette 355 F CFA
Bus 245 F CFA
Artisans 306 F CFA
Tous modes 325 F CFA
Tableau 61 : La navette SOCATUR, mode de 1ère couronne ; le bus, mode des couronnes lointaines ; les artisans, mode des couronnes intermédiaires

*Cette catégorie regroupe les déplacements ayant au moins une extrémité dans la 4ème couronne et les déplacements ayant l’origine et la destination dans la 3ème couronne.

Lecture du tableau : Deuxième ligne, pour 31 % des enquêtes qui traversent avec la navette, soit l’origine du déplacement est située dans la première couronne d’une des rives du Wouri et la destination, dans la deuxième couronne de la rive opposée, soit l’origine du déplacement est située dans la seconde couronne d’une des rives du Wouri et la destination, dans la première couronne de la rive opposée.

Cette cherté de la traversée en navette ressort clairement des opinions des habitants de Bonabéri interviewés dans le cadre des enquêtes qualitatives. Un habitant de Bonambappe, vendeur dans une boutique à Akwa estime son coût élevé au regard de la longueur de sa desserte : « …c’est trop, trop cher, exagérément cher même ; 100 F pour traverser un pont, c’est cher, c’est cher, c’est pas normal et le Camerounais est pauvre ». Il précise plus loin le sens de son exclamation : « 100 F CFA, c’est rien ; mais quand vous retirez ça 5-10 fois par jour… ». Pour 63 % des usagers enquêtés, les mesures prises dans le cadre de la réhabilitation du pont – parmi elles la mise en service de la navette SOCATUR – sont synonymes de plus de dépenses pour traverser le fleuve.

La navette doit en fait une grande partie de sa clientèle à l’absence d’alternative pour certaines liaisons. Lorsqu’on part de la couronne la plus proche du pont, l’unique moyen de transport collectif pour traverser le fleuve entre 6h00 et 21h00 est la navette Socatur. Les bus des lignes régulières SOCATUR partent de Cebec, le terminus, quasiment pleins et ne peuvent embarquer que peu de passagers aux arrêts intermédiaires. Plus ils se rapprochent du pont, moins il y a de places disponibles. Les minibus/cargos et les transporteurs clandestins chargent plus loin sur la Nouvelle Route ou à Mabanda. Rares sont les véhicules qui arrivent à Bonassama disposant encore de sièges vides.

Si la traversée en navette Socatur est très coûteuse pour sa clientèle actuelle provenant essentiellement de la proche couronne, pour ceux qui partent d’un peu plus loin le long de la Nouvelle Route, elle est encore plus chère parce qu’elle nécessite l’usage d’un rabattement en taxi ou en bendskin jusqu’à Bonassama. La navette qui était censée remplacer les taxis dans l’offre de transport entre les deux rives du fleuve, ne représente pas une option rationnelle pour ceux qui partent de loin dans Bonabéri.