2.1.2. L’occupation humaine aux abords de Tournus

De fait, le long de ces axes, des vestiges repérés au cours de prospections ou fouillés, montrent une certaine densité d’occupation des deux côtés de la Saône. G. Jeanton avait même imaginé, devant le nombre des trouvailles effectuées en rive gauche, un peu au sud du site du castrum, le long de la berge au village de Préty (lieu-dit « Muret de la Mousse  »), l’existence d’une seconde ville romaine de l’autre côté de la Saône, qu’il n’hésitait pas à nommer « Tinurtium vetus ». Sur la commune de Lacrost, le lieu-dit « Saint-Jean d’Angély  » serait la continuité de ce site.58.

En réalité, il s’agit, à Lacrost comme tout au long des différentes voies citées plus haut, de traces d’habitats ruraux. La station de Préty « Muret de la Mousse » / Lacrost « Saint-Jean d’Angély  » s’accompagne d’un aménagement repérable dans la Saône, qui doit correspondre au débouché du gué le plus proche, sur l’autre rive, du castrum de Tournus. 3 km plus bas sur la même rive, le site de « La Ferté » à La Truchère, au confluent de la Seille et de la Saône, n’est pas sans similitude (cf. ill. 11). Pour le reste, ces occupations revêtent des faciès variés, depuis la petite ferme ou le hameau « indigène », jusqu’à la prestigieuse villa. Les fouilles réalisées par le G.R.A.T. à Tournus « La Lorine », ou à Mancey « La Bussière », fournissent de bons exemples des premiers. Quant aux grandes villae, les mieux connues sont celles du hameau de Sens à Sennecey-le-Grand, et du parc du château de Préty, en partie fouillées au cours du XIXe et au début du XXe s., et surtout, sur la commune même de Tournus, celle de Belnay - Croix-Juillet, à moins de 2 km au nord-ouest du castrum, probablement sur une des voies citées plus haut. Avec ses dépendances, cette dernière a fait l’objet de fouilles systématiques dans les années 1890, puis de nouveau, en 1968 (travaux de l’autoroute) et 1971. Son bâtiment principal, décoré de peintures polychromes, s’étendait sur 104 m de longueur, et s’accompagnait peut-être de bains ; ses dépendances s ’étendaient apparemment sur plus de 250 m de long 59.

En revanche, l’identification par A. Bernard puis G. Jeanton, d’un site en partie nord du centre ville actuel, dans le quartier de la « pêcherie », au pied de la future abbaye, sur la base d’observations extrêmement vagues faites au moment du creusement des égouts en 1900, reste sujette à caution60.

Ces différentes occupations s’étagent en gros entre le Ier et le IVe s. de notre ère (le Haut Empire étant la période la mieux représentée). La romanisation paraît bien avoir suscité une réorganisation des terroirs, et un site gaulois comme celui du ruisseau des Sept-Fontaines, abandonné vers 10 avant J.-C., n’a pas livré, à ce jour, de trace d’installation plus récente61.

Au total, cette occupation de type rural, ensemble de domaines et d’habitations dans un rayon assez large autour du castrum - mais qui pouvait se resserrer le long de la voie d’Agrippa, notamment sous le centre-ville actuel? - préfigure peut-être ce que la donation de 875 nommera « Turnutium villam ».

Notes
58.

JEANTON 1921 b et 1924. Cet auteur appuyait son hypothèse sur une différence de données en distance entre l’Itinéraire Antonin et la Table de Peutinger, suggérant que ces deux textes puissent, sous les noms respectifs de « Tinurtium » et « Ternucio », désigner deux villes différentes. Cette interprétation paraît aujourd’hui abusive.

59.

Cf. JEANTON 1924 ; BOURGUIGNON 1996 ; C.A.G. 71/3, 1994 : « 192 - L’Abergement-de-Cuisery (I.N.S.E.E. n° 001) », p. 219, « 199 - Ormes (I.N.S.E.E. n° 322) », p. 221 - 222, et « 201 - Simandre (I.N.S.E.E. n° 522) », p. 222 ; C.A.G. 71/4, 1994 : communes du canton de Sennecey-le-Grand, p. 424 à 439, et communes du canton de Tournus, p. 445 à 471; etDURIAUD 1994 a. Sur les fouilles réalisées par le G.R.A.T. consulter la série des fascicules : Découvertes archéologiques en Tournugeois (qui rassemblent les articles se rapportant à l’archéologie publiés dans S.A.A.S.T. depuis 1972) : en particulier, les comptes-rendus annuels des activités du G.R.A.T, et les n°2 (1973) : GAUDILLIERE, A. - « L’habitat gallo-romain en Tournugeois », et 8 (1980) : VAUSSANVIN, H. - « Le site gallo-romain de La Bussière ». Sur la villa du parc du château de Préty, cf. JEANTON 1924, p. 59 - 60. Sur celle de Belnay : LAFAY (G.) et MARTIN (J.) - « Fouilles archéologiques de la villa gallo-romaine de Belné, près Tournus » : S.A.A.S.T. , t. XIX, 1919, p. 137 - 159 ; JEANTON 1924, p. 42 - 44 ; GAUDILLIERE, A. - « Les fouilles de 1968 à Belnay et Croix-Juillet, à Tournus ». S.A.A.S.T. , 1970, p. 3 - 21 ; VAUSSANVIN, M. - « Observations faites en 1971 sur le site gallo-romain de Belné » . Découvertes archéologiques en Tournugeois, n° 6, 1978, p. 79 - 86 ; et « Activités du G.R.A.T. en 1978 », S.A.A.S.T. , t. LXXVII, 1979, p. 97.

60.

BERNARD 1908, p. 33 - repris par JEANTON 1924, p. 44 - 45.

61.

Cf. supra, A. Le site et les origines hautes : 2.2. La Tène finale, ou les premiers indices d’un resserrement sur le site actuel.