3.2. Le témoignage des morts : les nécropoles des Ve -VIIIe s.

Au final, et à défaut d’autres traces en nombre suffisant, c’est surtout par les nécropoles qu’on connaît cette période à Tournus. Cet état de fait est courant lorsqu’on étudie la période mérovingienne ; mais le secteur en offre une concentration remarquable (ill. 11).

3.2.1. Les nécropoles de pleine campagne

Celles qui ont été repérées s’égrènent au flanc des collines avoisinantes, dessinant vers l’ouest un grand arc étiré, depuis Sennecey-le-Grand (hameau de Sens) à 8 km au nord du castrum, jusqu’à Uchizy, à même distance vers le sud. S’y ajoutent de l’autre côté de la Saône, une au revers de la butte-témoin de Lacrost, et une autre au château de Préty. Sur la commune même de Tournus, celles des lieux-dits « Beauregard », au-dessus de l’antique villa de Belnay, « en Julienne » et « Roy-Guillaume / L’Ormeteau », de part et d’autre du vieux chemin vers l’ouest, ne sont distantes que de 2 km du castrum (ill. 11).

Pour la plupart, elles sont connues grâce à des découvertes du XIXe s., accompagnées de fouilles dans plusieurs cas. Des interventions ponctuelles sont venues compléter au cours du XXe s. les données de Jean Martin, le principal auteur à s’y être intéressé (autour de 1900, cf. ill. 38). La seule fouille récente un peu conséquente a eu lieu en 1991 à Beauregard85.

Leurs caractéristiques sont communes à bien des nécropoles des côtes chalonnaises et mâconnaises, analysées dans leur ensemble par H. Gaillard de Sémainville. Elles sont situées en pleine campagne, en un lieu de hauteur - généralement un versant au levant, parfois davantage exposé au sud-est - et sur un sous-sol calcaire ; assez souvent aussi, sur des ruines de constructions gallo-romaines. Elles longent probablement souvent le chemin qui leur livre accès. Elles sont souvent très étendues, même si leurs limites exactes sont rarement connues, et regroupent facilement des centaines de tombes. Celles-ci sont fréquemment disposées en rangées plus ou moins parallèles, et exposées chacune les pieds vers l’est, parfois vers le sud-est ; elles sont presque toutes constituées de caissons de dalles, qui peuvent abriter plusieurs corps.

Le mobilier est rare dans toutes ces tombes, mais le Tournugeois a livré quelques-unes des plus belles collections de parures et d’armes de la région, avec plaques-boucles damasquinées, bracelets et agrafes, ou scramasaxes et épées, le tout accompagné de quelques petits vases. Cette pratique de l’inhumation « habillée » trahit une influence germanique certaine: Burgondes et Francs y sont sans doute pour quelque chose, mais leur empreinte reste finalement discrète, dans un milieu qui demeure fortement romanisé, et où la christianisation semble être acquise. Les pièces remarquables conduisent à dater tous ces ensembles des VIe - VIIe s.86.

Certaines de ces nécropoles sont proches d’habitats d’origine gallo-romaines, qui peuvent s’être maintenus (villa de Belnay, site des « Ecrouats » à Plottes), ou d’un village attesté au moyen âge, comme Lambres (« En Julienne », ill. 11). Pourtant, toutes disparaissent avant la fin de l’époque mérovingienne - la date exacte d’abandon étant difficile à préciser en l’absence de mobilier dans la plupart des tombes, pour des fouilles généralement anciennes. Au reste, c’est une observation qu’on fait un peu partout avec constance, et qui traduit, avec l’abandon de la coutume antique de l’exclusion des morts, le regroupement généralisé des inhumations autour des églises, au plus près des vivants : en ce sens, le VIIIe s. constituerait une période charnière87.

Notes
85.

MARTIN 1897, MARTIN 1903, JEANTON 1924 et JEANTON 1927-31, VAUSSANVIN, M., 1983, et DURIAUD 1994 c. Pour une vision d’ensemble (qui réinterprète les données des auteurs précédents), cf. GAILLARD DE SEMAINVILLE 1980.

86.

A l’exception remarquable d’une tombe isolée, typiquement germanique, de jeune fille somptueusement parée accompagnée d’un enfant, sous une tête de cheval, et qui date assurément du Ve s., à Balleure (commune d’Etrigny), à 8 km au nord-ouest de Tournus (cf. ill. 11). Sur toutes ces données : GAILLARD DE SEMAINVILLE 1980, p. 149 - 186.

87.

Cf. PERIN-REYNAUD 1989.