3.3. L’hypothèse d’une église de type « paroissial » à l’intérieur du castrum

Si l’on suit ce raisonnement, il n’y a guère motif de croire que Saint-Valérien ait été le seul lieu de culte chrétien aux Ve - VIIIe s., alors que le noyau habité de Tournus demeurait à l’intérieur des murailles du castrum.

Au contraire, plusieurs exemples montrent des églises baptismales nées et développées, entre le IVe et le VIe s., au sein de ce type d’agglomération fortifiée, même secondaire. Leurs vestiges ont moins fait l’objet d’investigations en France que dans les pays voisins. Mais au castrum de Boppard en Allemagne, un édifice chrétien est attesté par la fouille au Ve s., bientôt flanqué d’une cuve baptismale (cf. ill. 35). Un baptistère marque encore la première église de celuide Zurzach en Suisse ; un autre, celle de San Giovanni, au sommet du castrum de Castelseprio en Italie du nord - toujours dans le courant du Ve s.92. Pour la France, on peut au moins s’appuyer sur le récit de Grégoire de Tours pour citer Dijon, même s’il s’agit d’une agglomération plus importante que Tournus, servant de résidence à l’évêque de Langres à la fin du Ve et au début du VIe s.93.

Il est tentant d’appliquer ce modèle au castrum de Tournus. L’église qui en occupe le centre, Sainte-Marie « du Châtel » (aujourd’hui «Sainte-Marie-Madeleine »), datable sous sa forme actuelle de la seconde moitié du XIIe s., apparaîtrait dès lors comme l’héritière de ce qu’on peut assimiler à la première de Tournus (cf. infra, troisième partie, la ville en formation). L’absence de tout cimetière alentour, qui perdurera jusqu’au XVe s., s ’expliquerait par la persistance d’une nécropole « extra muros  », autour du sanctuaire du martyr local, saint Valérien. Un tel schéma, appliqué à une toute petite ville, reprendrait celui de bien des cités épiscopales.

Notes
92.

Boppard : EIDEN 1975 ; Zurzach : Vorromanische Kirchenbauten , 1991, 3. Lieferung, R-Z , p. 396 - 397 ; Castelseprio : I Longobardi , 1990, p. 261 - 263.

93.

Au début du VIe s., l’arrière grand-père de Grégoire de Tours, Grégoire évêque de Langres résidant à Dijon, pouvait se rendre directement de son domicile au baptistère contigü : cf. VIEILLARD-TROIEKOUROFF 1976, p. 112, ou Topographie chrétienne , prov. Lyon, 1986, p. 61.