1.2. L’installation de la communauté philibertine

1.2.1. Le périple des reliques de saint Philibert (836 - 875)

En 875, l’installation à Tournus de la communauté de Saint-Philibert met fin à près de quarante annnées d’errance. De l’Atlantique à la Bourgogne, le périple des moines emportant leurs reliques de monastère en monastère afin de fuir la menace normande, apparaît comme un modèle du genre. Pour l’essentiel, il est connu par le récit d’un de ses protagonistes, Ermentaire. Mais contrairement à d’autres, ce déplacement s’achève définitivement à Tournus, très loin des terres d’origine de la communauté.

Initialement, celle-ci était fixée sur l’île d’Herio (aujourd’hui Noirmoutier, Loire-atlantique), dans le monastère fondé par saint Philibert à la fin du VIIe s. (cf. ill. 43).

Né à Eauze en Vasconie vers 616, Philibert avait d’abord fréquenté la cour de Dagobert, avant de rejoindre Dado (saint Ouen) au monastère de Rebais que celui-ci avait fondé dans la Brie - puis de lui succéder comme abbé vers 650. S’étant consacré longuement à l’étude des différentes règles monastiques, il devait à son tour fonder le monastère de Jumièges sur la basse Seine, et finalement celui de l’île d’Herio en Poitou, où il mourut vers 685.

Après les premières incursions normandes sur la côte atlantique, les moines d’Herio s’étaient repliés sur la terre ferme, à Deas (aujourd’hui Saint-Philbert-de-Grandlieu, Loire-atlantique), en 836. La pression de plus en plus forte des Vikings, mais aussi des Bretons dans les années 840 / 850, les aura contraints à repartir. Le monastère de Cunault en Anjou (aujourd’hui dans le Maine-et-Loire) leur aura servi de nouveau point de fixation, au plus tard en 858, date à laquelle les reliques y sont définitivement transférées. Mais elles repartent dès 862, avec les moines, pour Messais en Poitou (aujourd’hui dans la Vienne - cf. ill. 43).

Les années qui précèdent l’arrivée des moines à Tournus en 875, sont moins bien connues. D’après le chroniqueur Falcon, qui écrit à la fin du XIe s., ils seraient passés entre temps en Auvergne, à Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier), où ils auraient eu d’ailleurs des difficultés à s’installer. Mais Isabelle Cartron reste sceptique sur cette version, qui pourrait avoir été fabriquée après coup : il faut attendre 915 pour que soit attestée, de manière sûre, la possession des deux principales dépendances de Saint-Philibert dans ces régions, Saint-Pourçain-sur-Sioule en Auvergne, et Goudet en Velay (Haute-Loire)95.

Notes
95.

Sur tout ce périple, cf. CARTRON-KAWE 1998, vol.I p. 31 - 77 et 190 - 221, et vol. II p. 264.