Déjà à Herio, la communauté de Saint-Philibert était proche des cercles dirigeants de l’époque de Louis le Pieux. La protection de cet empereur, puis de son fils, s’est maintenue tout au long du périple de 836 - 875. C’est même elle, probablement, qui a assuré la cohésion du groupe monastique au cours de décennies d’errance. Dans l’ensemble, les moines ont pu bénéficier de refuges grâce au soutien actif du souverain et de l’aristocratie qui lui est proche : ainsi, Cunault leur avait été concédé dès 845, et Messais, donné par Charles le Chauve en 854. Enfin, l’intérêt du roi des Francs pour les contrées orientales et méridionales et le contrôle de l’axe Saône-Rhône à partir de 869, peut expliquer aussi le choix, après la donation de biens en Champagne et Lorraine, du site de Tournus et de son précieux castrum, pour installer une communauté amie109.
Quant à Geilon, devenu abbé de Saint-Philibert vers 870, il est fils d’un puissant comte d’Aquitaine ; son entrée dans la communauté, en 867 ou 868, s’est accompagnée d’une importante donation. En 875, c’est un proche de Charles le Chauve. Son rôle dans les négociations en vue du couronnement impérial pourrait même expliquer, selon J.-P. Andrieux, le caractère exceptionnel du diplôme de 875, qui revêt les formes d’un acte impérial, avant même le sacre de Charles le Chauve à Rome, à Noël 875. Sans doute aussi, le souverain tenait à ménager le clergé de son royaume, dans les mois précèdant la cérémonie romaine110.
CARTRON -KAWE 1998, vol.I p. 78 - 103, et vol. II p. 261 - 262, et 272 - 283.
CARTRON-KAWE 1998, vol. I, p. 104 - 115, et ANDRIEUX 1993, Recueil : p. 95. La bulle en or et le « legimus » tracé à l’encre pourpre, rares dans la chancellerie de Charles le Chauve, sont des emprunts à la diplomatique impériale de Byzance. Remercions ici J.-P. Andrieux pour les indications qu’il nous a données oralement sur ce sujet, au cours d’une conversation enrichissante.