1.3.2. L’alliance avec Boson et l’expansion méridionale des domaines de l’abbaye (vers 870 - 882)

Depuis les années 870, il est clair que l’abbé Geilon est un proche du comte Boson, ambitieux beau-frère de Charles le Chauve et aristocrate particulièrement bien possessionné. Cette donnée n’est pas sans conséquence sur la géographie des dépendances Tournusiennes, comme l’a analysé Isabelle Cartron de manière très convaincante111.

Dans un premier temps, Boson est un fidèle du souverain, qui lui confie en 870 la charge de plusieurs comtés des régions rhodaniennes nouvellement acquises. Après les annexions de 875, il se voit même confier le « ducatus » d’Italie. En 879, il reçoit encore le comté d’Autun de la part de Louis le Bègue. Mais à la mort de ce dernier, dans la même année, Boson se fait proclamer roi par une assemblée de puissants des régions de la Saône, des Alpes et du Rhône, réunis à Mantaille près de Vienne. En fait, les fils de Louis, couronnés la même année, ont bientôt raison de l’usurpateur, grâce à l’aide de son propre frère, Richard le Justicier.

Il n’empêche : entre 875 et 880, la communauté de Saint-Philibert bénéficie de nombreuses faveurs grâce à l’intervention de Boson. Celui-ci est présent dès la donation solennelle de 875 : c’est à sa requête que la nouvelle abbaye reçoit la cellade Saint-Romain-des-Iles en Mâconnais, dont les revenus contribueront à la restauration du monastère. En 878, il fait ajouter à son patrimoine la villa d’Uchizy, àsept kilomètres au sud de Tournus. Mieux, en 879, l’abbé Geilon assiste à l’assemblée de Mantaille. Il y représente Adalgarius, évêque d’Autun et futur chancelier de Boson. Or la même année, dans les mois qui suivent, Saint-Philibert reçoit de Boson la cella de Talloires en Savoie (sur le lac d’Annecy) et la villa de Glaise en Tarentaise (n° 105 et 101 sur la carte de l’ill. 43). La donation de Donzère sur le Rhône, point d’accroche d’un ensemble conséquent de dépendances méridionales pour l’abbaye, remonte sans doute à ces années-là (ill. 43 : n° 240) : elle est confirmée par le fils de Boson, le roi de Provence Louis l’Aveugle, en 896. M. Bompaire s’est même interrogé sur une possible intervention de Boson dans l’acquisition du droit de monnayage, après 876 et avant 889112. Enfin, c’est probablement grâce à Boson que Geilon devient évêque de Langres, de 880 ou 881 à sa mort en 887 (tout en restant abbé de Tournus, au moins dans un premier temps) : son prédécesseur était le seul évêque bourguignon absent de Mantaille...

Aussi, l’échec de Boson entraîne peut-être un affaiblissement politique de Geilon et des moines de Tournus, qui pourrait se ressentir jusque dans les premières décennies du Xe s. I. Cartron s’interroge à ce sujet, sur le faible nombre des donations connues au début du Xe s. ; et elle observe que les actes de confirmation royaux, jusqu’en 941, se contentent de reprendre à peu près la liste de possessions de la donation de 875, sans y ajouter grand-chose.

Notes
111.

CARTRON-KAWE 1998 vol. II, p. 277, et p. 337 - 372.

112.

BOMPAIRE, M. - « Le monnayage de Tournus ». In : Saint-Philibert 1995, p. 59 - 74.