Sur le site de l’abbaye médiévale, les données concernant les IXe - Xe s. sont issues uniquement de notre sondage de 1991 dans l’angle sud-est du cloître, et plus encore, de notre fouille de 1992 - 94 au pied de la façade du réfectoire du XIIe s. Ces dernières sont toutefois éclairées par les observations ponctuelles de J. Duriaud, effectuées à l’occasion du creusement d’une tranchée sous l’actuelle rue Gabriel Jeanton, en partie occidentale du site (ill. 46).
Dans le premier cas, il faut nous contenter de citer en fond de sondage, une couche d’occupation limoneuse (U.S. 29 de la fouille de 1991) remplissant quelques petites fosses qui creusaient le substrat sous-jacent, entre les cotes d’altitude 186,80 et 187,40 m NGF à peu près. Celle-ci contenait un mobilier fragmenté datable du IX e s., mêlé à des éléments plus anciens (cf. infra, annexe « Chronologie de la céramique médiévale à Tournus »). Le contexte est en tous cas antérieur aux environs de l’an mil, puisque ce niveau précède la première structure bâtie reconnue en fouille (« mur 12 » de la fouille, datable à la fin du Xe s. ou autour de l’an mil : cf. infra, seconde partie, le site abbatial...). On trouve d’ailleurs des tessons du IXe s., jusque dans les niveaux du XIIe s., ce qui constitue un intéressant « bruit de fond » (U.S. 22 de la fouille, notamment : cf. annexe « Chronologie de la céramique médiévale à Tournus »)119. Il reste cependant difficile de préciser le type d'occupation correspondant.
Dans le second cas, on observe d’importants niveaux de terrassements, sous forme d’apports de remblais limoneux sombres, au-dessus du substrat sous-jacent. Epais en bas de pente - c’est-à-dire au sud, à l’emplacement de notre fouille de 1992-94 - ceux-ci s’amenuisent au fur et à mesure que l’on remonte l’actuelle rue G. Jeanton, en direction de l’église abbatiale du XIe s. Au sommet de la butte, devant l’église, les niveaux de préparation du bitume actuel recouvrent directement les terrains sédimentaires non anthropisés - en gros, aux alentours de la cote d’altitude 190,00 m NGF (observation de J. Duriaud). Entre ces deux points, on perd de vue la surface du substrat dans les tranchées pratiquées sous la rue, à une trentaine de mètres de l’église, vers le milieu de la pente ; et on ne la retrouve pas dans la fouille de 1994, de nouveau à une trentaine de mètres plus loin, y compris en son point le plus profond, à la cote 185,75 m NGF. Il semble donc qu’à un endroit, la pente d’origine du terrain s’accentue considérablement. On notera qu’aucun sarcophage n’a été reconnu au sud de cette rupture.
Ainsi, on aurait à un moment donné, effectué unecompensation de la pente initiale, fortement marquée à l’origine, du nord vers le sud. Sans doute s’agissait-il d’élargir l’assiette du terrain, alors que la nécropole entourant le site primitif de Saint-Valérien se concentrait au sommet d’une butte au relief davantage prononcé qu’aujourd’hui.
Dans la fouille de 1992 - 94, les apports en question, accumulés par lits successifs (U.S. 286 au plus profond, puis U.S. 99 ou 283, cf. ill. 47 et 49) contiennent des éléments roulés, en position secondaire : morceaux de mortier chargés en tuileau de tradition antique, fragments de terre cuite (tegula), et petits morceaux de grès, roche exogène qui n’est connue sur ce site que pour les sarcophages des Ve - VIIIe s. De ce constat, on retire l’impression qu’on se trouve à cet endroit, au sud-ouest du site actuel, en périphérie de destructions de structures antiques ou tardo-antiques, éventuellement liées à Saint-Valérien et à sa nécropole - lesquelles auront alimenté ces remblais. C’est peut-être le même contexte, qui en partie sud-est, justifie les niveaux d’occupation chargés en déchets variés, au fond de notre sondage de 1991.
La datation de ces terrassements, travauxd’extension liés à quelque démolition, est assez claire. Après cet horizon, dans la fouille de 1992-94, cinq niveaux de sols se succèdent, avec leurs couches d’occupation associées, sur une cinquantaine de centimètres d’épaisseur au total. Les derniers sont scellés, sur l’ensemble de la fouille, par un ensemble bien caractéristique, daté des environs de l’an mil, voire de la fin du Xe s. (cf. infra, seconde partie, A1. L’abbaye dans le premier quart du XIe s. 3.1. Au sud-ouest : l’angle d’une construction de bois à vocation funéraire ; et ill. 47 et 49). Corroborant ce fait, le mobilier céramique de ces différentes couches s’inscrit parfaitement dans les productions du val de Saône du courant du Xe s. Enfin, même dans les niveaux les plus profonds, quelque tessons ne peuvent être, en aucun cas, antérieurs à la fin du IXe s. (cf. annexe « chronologie de la céramique médiévale à Tournus »)120. La fourchette chronologique est donc serrée : ces terrassements n’interviennent pas avant la fin du IXe s., mais on ne peut les situer trop tard à l’intérieur du Xe s.
Aussi, il est tentant de reconnaître dans ces travaux, ceux qui auraient été entrepris à la suite de la donation de 875, pour agrandir, reconstruire, et véritablement, refonder l’ancien monastère.
Sur ce sondage, cf. SAINT-JEAN VITUS 1991. L’étude de la céramique avait été amorcée dans PETIDENT, Y., et SAINT-JEAN VITUS, B. - « Tournus (Saône-et-Loire), abbaye Saint-Philibert (VIII - XIII) ». In Céramique médiévale en Bourgogne , 1992, chap. III. 4. Depuis, nous avons réexaminé ce mobilier en détail avec E. Poil - que nous remercions - , corrigeant certaines des premières appréciations.
Nous avons repris en détail avec E. Poil, que nous devons remercier une fois de plus, la question de ce mobilier céramique, dont l’étude n’avait été qu’ébauchée juste après la fouille de 1994 (PETIDENT, Y. , et SAINT-JEAN VITUS, B. - « La céramique des anciennes cuisines de l’abbaye Saint-Philibert de Tournus (Saône-et-Loire) ». In : Céramique médiévale en Bourgogne , 1996, chap. « Etudes monographiques »).