1.2. De l’encellulement des hommes à l’affirmation des pouvoirs princiers

Entre la fin du Xe et le milieu du XIe s. à peu près, les cadres hérités de la société carolingienne éclatent avec l’affaiblissement des anciens pouvoirs royaux, ducaux et même comtaux. On assiste alors à un morcellement du territoire et de l’autorité publique, au profit d’un grand nombre de seigneuries quasiment indépendantes, au sein desquelles les hommes se trouvent regroupés (les historiens parlent d’« encellulement »). Les églises elles-mêmes (chapitres cathédraux, monastères) s’organisent en seigneuries banales123.

Mais ce nouvel équilibre est instable, et les tensions sont nombreuses entre intérêts concurrents, que trop souvent ne vient trancher aucune autorité reconnue ; les guerres privées sont fréquentes, et les seigneurs s’entourent de soldats. Ce sont souvent les hommes d’église, garants d’un ordre symbolique supérieur, qui tentent d’endiguer ces débordements, au moins dans un premier temps, par les différents mouvements de paix du XIe s. Ce faisant, ils esquissent les règles qui légitimeront les nouveaux rapports sociaux. Ultérieurement, les croisades fournissent aussi un exutoire à une partie de la chevalerie chrétienne.

A partir du XIIIe s., et alors que le système seigneurial a encore de beaux jours devant lui, commence la lente reprise en main des pouvoirs princiers : le roi et quelques grands (comme les ducs en Bourgogne) étendent leur emprise, au détriment des comtes et seigneurs châtelains essentiellement. Les uns et les autres profitent dans leur avancée des difficultés financières des châtelains, confrontés au relèvement général du niveau de vie. Certaines grandes seigneuries ecclésiastiques savent aussi consolider leur pouvoir.

Mais le roi de France affirme très vite sa suprématie. Il peut s’appuyer sur une administration toujours plus organisée et plus efficace - embryonnaire au début du siècle, davantage développée vers 1300. A partir de Philippe le Bel (1285 - 1314), celle-ci étend son influence dans tout le royaume. Pourtant, à partir des années 1340, la présence de la royauté se relâche un peu, du fait du conflit franco-anglais124 ; alors que ses besoins d’argent, et donc ses exigences fiscales, ne cessent d’augmenter.

Notes
123.

Cette « mutation de l’an mil  »a fait l’objet de nombreux débats entre historiens pour savoir si elle constituait une rupture sociale intervenue l’espace de quelques générations (« révolution »), ou si elle résultait d’un processus lent de transformation des structures carolingiennes. Sur ces questions, cf. DUBY 1953 (1988), RICHARD 1954, LEMARIGNIER 1970, POLY - BOURNAZEL 1980, BARTHELEMY 1990, BOIS 1990, FOSSIER 1991, et BARTHELEMY 1997.

124.

Sur la lente formation de principautés et l’évolution des pouvoirs royaux, cf. DUBY 1953 (1988), RICHARD 1954, LEMARIGNIER 1970, CHEVALIER 1969.