2.1. Seigneurs et princes

Dans le contexte des environs de Tournus, l’affaiblissement des anciens pouvoirs se révèle particulièrement précoce pour les comtes de Mâcon. Les jeux politiques du comte Otte-Guillaume accélèrent le délitement de leur autorité dès le premier quart du XIe s. Ses revendications sur le duché de Bourgogne à partir de 1002 échouent après plusieurs épisodes guerriers l’opposant au prétendant rival, le roi de France Robert le Pieux, allié à son voisin le comte de Chalon Hugues (par ailleurs évêque d’Auxerre) - et même occasionnellement au pape et à l’abbé de Cluny129. Le comte de Chalon, lui, reste un personnage important jusque dans le troisième quart du XIe s.130.

Mais l’indépendance de fait des seigneurs châtelains est acquise dès les années 1075 - 1080 : ainsi, à proximité immédiate de Tournus, les sires de Bâgé, Brancion ou Sennecey, dominent pleinement leurs hommes et leur territoire, et contrôlent par des péages plusieurs axes routiers131 (Brancion et Sennecey figurent sur l’ill. 44, Bâgé-le-Châtel à l’est de Mâcon, sur l’ill. 9). Cette indépendance a été plus précoce encore pour certains grands sanctuaires comme l’abbaye de Cluny, mais les évêques se taillent à leur tour un domaine dans les villes de Chalon et de Mâcon, traditionnellement aux mains des comtes132. Jusqu’au XIIIe s., cette situation est à l’origine de nombreuses guerres privées dans la région.

Ce sont précisément les querelles féodales de la seconde moitié du XIIe s., soigneusement attisées par l’empereur Frédéric Barberousse désireux d’affirmer son autorité le long de la Saône, qui sont à l’origine d’un retour en force de l’autorité royale. En effet, après les exactions commises contre l’église, tantôt par les hommes de l’empereur et du comte de Chalon (à Cluny), tantôt par le comte de Mâcon (à Mâcon), le roi Louis VII, déjà invoqué à plusieurs reprises par l’abbé de Cluny et par le pape, se décide à intervenir directement pour châtier les coupables, en 1166, puis en 1171. A son tour, on fils Philippe II l’imite en 1180.

Ce faisant, le roi affirme sa présence en arbitrant au passage différents conflits (notamment à Tournus en 1171), et prend définitivement pied dans la région, quand les religieux lui confient en retour la protection de certains de leurs biens. Ainsi les clunisiens lui offrent-ils le partage de leur seigneurie de Saint-Gengoux, à vingt kilomètres à l’ouest de Tournus. Ces premiers éléments épars sont à l’origine de la constitution progressive d’un domaine royal, qui s’achève en 1239 avec l’acquisition par Louis IX du comté de Mâcon, ville où il installe bientôt son bailli133.

De son côté, le duc de Bourgogne, dont le territoire se réduit en 1032 à un noyau compris entre Autun, Beaune, Dijon et Avallon, s’est avancé peu à peu vers le sud, par le partage du comté de Chalon dès 1176, puis par son acquisition totale en 1237, mais aussi par l’acquisition de la seigneurie de Brancion en 1259. Ce parcours s’achève pourtant par le retour du duché à la couronne de France, à la mort du jeune héritier Philippe de Rouvres, emporté par la peste en 1361134 (cf. ill. 45).

Notes
129.

CHAUME 1925 - 37 (1978) p. 463 - 493, DUBY 1953 (1988) p. 137-141-148.

130.

RICHARD 1954, p. 33.

131.

DUBY 1953 (1988) p. 141-148, RICHARD 1954 p. 85. Sur les péages dans les pays riverains de la Saône à partir de 1150, cf. DUBOIS 1976, p. 7 et suiv.

132.

DUBY 1953 (1988) p. 145-148, RICHARD 1954, p. 57 - 64.

133.

DUBY 1953 (1988) p. 401 à 417, et MEHU 2001, p. 398 à 404.

134.

Cf. RICHARD 1954.