Sur la majorité des occupants du monastère, on ne sait finalement pas grand chose.
Leur nombre même nous échappe avant le XIVe s. Il faut attendre 1342 pour en avoir une estimation : à cette date, une requête est présentée à l’abbé par 47 religieux, tandis que l’assemblée capitulaire du 18 mai n’en réunit que 32. Il y en aurait 48 en 1348254. Ces valeurs ne représentent pas forcément la totalité des effectifs. Mais on peut considérer qu’à la fin de la période qui nous intéresse, autour de 1350, le convent regroupe une cinquantaine de moines profès. Or à cette date, l’abbaye n’est plus au faîte de sa gloire. Sans doute, elle a déjà connu une baisse des effectifs importante. Au reste, celle-ci est générale au cours du XIIIe s.255.
A partir de là, le nombre des moines n’arrête pas de diminuer : selon Bompard, l’abbaye n’en compterait plus que 32 en 1493 ; et le procès-verbal consécutif au pillage de 1562 ne donne que 18 noms256.
Parmi les moines profès, A. Chanuet distinguait, au XVIIe s., les « cloistriers », qui auraient été prêtres - avant la sécularisation de 1627 : on ne sait évidemment pas de quand date cette disposition. A ce groupe central s’opposent en tout cas les « pueri », mentionnés pour le début du XIe s. dans la Chronique de Falcon257. S’il s’agit véritablement d’enfants (comme saint Benoît en mentionne déjà dans sa Règle), il faut peut-être y voir des oblats, confiés très jeune au monastère par leurs parents, selon une pratique courante au XIe s. (à Cluny, ces enfants semblent tenir une place importante, en particulier pour le chant). Ce peuvent être aussi des novices, qui n’ont pas encore prononcé leurs voeux. A leur intention, le monastère comprenait peut-être une école 258 . Au XVIIe s., A. Chanuet signale encore, pour la période antérieure à 1627, un statut intermédiaire entre profès et novices, celui des « jouvenceaux »259.
Cela dit, à Cluny, « novices » ou « oblats » peuvent être aussi des adultes, frères lais ou convers au service des autres moines260. Nous n’avons aucune précision à ce sujet pour Tournus. Au reste, le nombre des convers a considérablement diminué chez les bénédictins, remplacés par les serviteurs, depuis le XIIe s.261.
JUENIN, I, p. 189 ; BRACCONI 1977, p. 44, citant Bibl. Tour., ms Bompard.
Cf. RICHE 2000.
Bibl. Tour., ms Bompard ; BERNARD 1914, p. 16 et 82.
Falcon retrace alors l’incendie de 1007 / 1008, au cours duquel périrent deux « pueri » : FALCON, chap. 46 , in Juénin, Preuves , p. 26 - POUPARDIN 1905, p. 102. Sur les « cloistriers » : bibl. Tour., ms. Chanuet, p. 3, note A.
Dès le Xe s., s’il faut croire la Chronique de Saint-Florent de Saumur (JUENIN, Preuves , p. 106), et BERNARD 1920 ; mais les arguments de cet auteur ne sont pas très solides, il extrapole beaucoup. La pittoresque anecdote rapportée par la Chronique de Saint-Florent, dont le héros s’introduit à Tournus : « regimenque scholarum ad instruendos pueros ei committitur... » (« lui fut confié la direction des écoles pour l’instruction des enfants ») constitue-t-elle une preuve définitive ?
Sur Cluny : VALOUS 1935 (1970) : t.1 p. 44, note 4.
Bibl. Tour., ms. Chanuet, p. 3, note A (repris par CURE 1905 (1984), p. 114).
Valous 1935, t. 1 p. 44.
TESKE 1980.