1.3.1. Première esquisse de Tournus au XIe s. : « castrum » et « villa », marché et port, l’héritage du haut moyen âge

Pourtant bien située dans le réseau local par sa position sur la Saône au débouché d’une route secondaire provenant de l’ouest et de Cluny, l’agglomération émerge à peine des textes du XIe s. Dans le diplôme d’Henri 1er en 1059, c’est encore l’image reprise des textes carolingiens qui l’emporte, des « castrum et villa ». Elle suppose toujours une présence emblématique de l’ancienne forteresse828.

Mais dans la même période, Tournus se définit aussi par son activitécommerciale, sous ses deux versants de marché et de port. Son marché d’abord - ou plutôt, ses marchés : celui à la boucherie a été rendu tristement célèbre par Raoul Glaber, pour la période 1031-1033 ; en 1202, la suppression du droit du doyen d’y prélever le premier boeuf abattu, rappelle son importance. Mais en 1059, c’est de trois nouveaux marchés annuels qu’il est question dans la charte d’Henri 1er, qui viennent s’ajouter à celui de la Saint-Philibert, mentionné dès 875. A titre de comparaison, notons pour Cluny, que foires et marchés sont attestés vers 1075 - 1090, et qu’en 1140, il s’en tient également quatre fois l’an829. Enfin, la fonction portuaire, elle, ressort implicitement du texte de 1059 qui, paraphrasant le diplôme de 875, exempte de toute redevance les hommes du monastère qui naviguent sur la mer ou les rivières (cf. supra, seconde partie : le site abbatial... I. Le contexte historique... 3.4.2. Territoires, dépendances et revenus).

En revanche, des habitantsde la ville, on ne connaît que la très grande dépendance par rapport à l’abbaye, depuis la donation de 875.

Notes
828.

Juénin, Preuves p. 126-127 : « Castrum quoque Trenorchium, quam est ex jamdicta abbatia (...) Tornutium quoque villam... » («  la forteresse de Tournus, qui est en dehors de la susdite abbaye (...) ainsi que la villa de Tournus... »).

829.

Raoul Glaber, à propos de la famine de 1031-1033, rapporte qu’un individu s’était permis de vendre de la viande humaine sur le marché de Tournus (RAOUL GLABER - Histoires , livre IV, chap. IV, 10 : citépar JUENIN, Preuves , p. 121-123). Sur le droit du doyen en 1202 : Juénin, Preuves p. 182. Charte d’Henri 1er (1059 ) : Juénin, Preuves p. 127 : « Annale quoque mercatum per dies quatuor, tribus temporibus anni concedimus : in festivitate Sanctorum Petri et Pauli Apostolorum, et in Nativitate Sanctae Dei genitris Mariae, et in festivitate S. Martini Episcopi et Confessoris » (« Nous concédons aussi annuellement un marché de quatre jours, à trois périodes de l’année : pour la fête des saints Pierre et Paul Apôtres, et pour la naissance de sainte Marie mère de Dieu, et pour la fête de saint Martin évêque et confesseur »). Sur le marché concédé en 875, cf. supra, première partie : prémices... C. Tournus de 875 à la fin du Xe s. 1.2.2. L’installation des moines à Tournus... Sur Cluny, cf. DUBY 1953 (1988), p. 267 ; MEHU 2001, p. 330 - 332.