2.1.2. Droit d’échute et coutume de main-morte

Face à la prééminence monastique incarnée par le droit de justice, la position de dépendance des Tournusiens est accentuée, au moins au début de la période, par leur statut de main-mortables. Par la main-morte, le seigneur dispose en effet du droit d’échute, qui lui permet de récupérer les biens de toute personne décédée sans héritier direct.

Certes, si cette coutume affecte les personnes, elle ne pèse pas directement sur elles, mais sur leurs biens : tout habitant peut posséder, en dehors de la ville par exemple, des biens non main-mortables. Et à Tournus même, si l’on en croit Saint-Julien-de-Balleure, « quelques maisons signalées de franchise » seraient déjà exemptes de main-morte avant 1202839. En tout état de cause, chaque habitant bénéficiant d’une descendance est assuré de lui transmettre ses biens.

Pourtant, ce statut est très durement ressenti par les Tournusiens, qui essuient à son sujet le mépris des étrangers840. C’est pourquoi les revendications des bourgeois se cristallisent sur la question de son abrogation, lors de la commune de 1171 au plus tard, et jusqu’à l’« affranchissement » de 1202841. Aussi la charte de 1202, fruit d’une longue lutte qui aboutit à un compromis subtilement élaboré, concernant également d’autres questions, acquiert-elle une importance qui dépasse la simple suppression du droit d’échute.

Il reste que l’abolition de la main-morte n’a peut-être pas été totale : celle-ci s’étant faite sous forme d’un « rachat », avec mise en place, entre autres, d’un cens substitutif, il est possible que certains habitants trop pauvres aient continué à subir cette condition - comme ceux originaires des villages alentours, Préty et Lacrost par exemple, qui n’ont pas été affranchis. Cela pourrait expliquer qu’à la fin du XIVe s., les moines réaffirment que les Tournusiens sont main-mortables.

Notes
839.

SAINT-JULIEN DE BALLEURE 1581, p. 533. En 1710 encore, selon A. Bernard, certaines maisons de la ville seraient « de franc-alleu » : BERNARD 1911, p. 68. Nous n’avons pas retrouvé l’origine de cette affirmation (la référence donnée par cet auteur, A. Tour, DD 1, ne correspondant visiblement pas).

840.

« Et infamis et peregrina videbatur extraneis » (« elle était vue par les étrangers comme déshonnorante et bizarre ») : « Affranchissement des habitants de Tournus » : JUENIN, Preuves , p. 182.

841.

JUENIN, Preuves , p. 182-183.