3.4.1. La ville - port-et-marché

Pendant très longtemps, les bords de la rivière sont désignés simplement comme « gravier de Saône » : les quais actuels ne seront aménagés qu’au XIXe s.889. La vue cavalière publiée par Saint-Julien-de-Balleure en 1581, et les dessins du XVIIe s. (celui de Martellange, plus précis, pour la partie juste voisine de l’abbaye, ou de façon beaucoup moins nette, la vue d’ensemble d’Israël Sylvestre depuis la Saône) montrent toutes une large berge sur laquelle on tire les barques, une espèce de grand terrain vague sans doute inondable - où sèchent les filets de pêche sur la vue de Martellange (ill. couverture, 5, 6, et 52). Finalement, même le « port », au pied de l’abbaye, ne désigne jamais que cette berge sans aménagement.

Autre foyers de l’animation urbaine, foires et marchés sont attestés très tôt, mais leurs emplacements ne sont précisés que fort tard.

L’essentiel de ces manifestations semble s’être déroulé dans la grand-rue ou sur ses abords (ill. 14). Un premier marché est mentionné devant la maison du prévôt, dès le XIVe s. ; plus tard, on désigne cet endroit comme « place de la boucherie », mais le manuscrit Bompard retient une appellation primitive de « place de la Saulnerie »890. L’emplacement qu’il occupe ouvre en fait sur la grand-rue à la sortie du  « Châtel », entre les anciennes murailles du castrum et le pont du bief Potet (actuelle place de l’Hôtel-de-ville) : aussi peut-on se demander si, avant qu’on y ménage une véritable place, au XIVe s. au plus tard, il n’y aurait pas eu là un simple terrain libre à l’extérieur des fortifications primitives, sorte de champ de foire, particulièrement propice à accueillir des activités salissantes comme la boucherie (généralement rejetée au moyen âge, voire frappée d’un tabou pour ce qu’elle verse du sang - cf. ill. 264 et 320).

Pour le reste,  des « halles » sont encore mentionnées au XVIe s. à mi-chemin de la grand-rue, à côté de l’église Saint-André, et d’autres à son extrémité sud, en plein quartier du Châtel : les bancs y sont alors abrités par des maisons en avancée sur arcades891. Du côté de l’abbaye enfin, ce n’est qu’en 1626 qu’est citée dans les textes une « petite boucherie » installée en haut de la grand-rue (actuelle place de Lacretelle)892. Mais ces indications tardives nous laissent évidemment perplexes sur la période XIe-XIVe s. !

Il en va de même pour le quartier de la Pêcherie, où des étals de bouchers sont effectivement attestés place du Porche (place de la Cité, cf. ill. 14) : mais en 1609 seulement893 ! La situation de ce « plaustrum Porcherii », tout à la fois au débouché du port et de la poterne de l’abbaye, desservie au XIVe s. au moins par une porte du côté de la Saône, paraît cependant idéale pour accuellir un marché (cf. ill. 264 et 320) : aussi y croyons-nous cette activité bien antérieure au XVIIe - elle pourra même avoir concouru à la grande animation de ce quartier.

Notes
889.

BERNARD 1912, p. 55-62.

890.

BERNARD 1911, p. 122-123 (d’après A. Tour, DD 1 et DD 7) ; bib. Tour., ms. Bompard, t. I, p. 200.

891.

Saint-Julien-de-Balleure y décrit les différents « Estauls » comme des « avancements sur rue, soustenuz par pillers, souz lesquels sont allées publiques, pour passer à couvert » (Saint-Julien-de-Balleure 1581, p. 533). Cf. aussi BERNARD 1911, p. 100-101 et 104 (A.D.S.L., notaires : 3 E 3252, minutes Georges Muguet, 1620).

892.

BERNARD 1912, p. 17, d’après « minutes Machoud » (mais plusieurs cotes peuvent correspondre à cette source, dans la série « notaires », A.D.S.L., de 3 E 3257 à 3 E 3265, pour les années 1613 à 1624).

893.

BERNARD 1911, p. 65, d’après « minutes Enjorrand » (mais plusieurs cotes peuvent correspondre à cette source, dans la série « notaires », A.D.S.L., de 3 E 197 à 3 E 3247, pour les années 1581 à 1641).