4. Conclusion

La croissance de Tournus n’est pas un phénomène isolé entre les XIe et XIVe s., et la ville qu’on voit émerger des textes s’intègre à un réseau local charpenté par de vieilles cités, que renouvelle un certain nombre d’agglomérations secondaires, en particulier monastiques. Tournus reçoit apparemment un fort écho des transformations et revendications sociales qui affectent les villes de la région. C’est d’ailleurs dans cet aspect social que les renseignements fournis par les textes sont les plus précieux, malgré leur rareté: ils mettent en évidence, pendant toute la période, la forte dépendance des habitants vis-à-vis de l’abbaye, que l’affranchissement de la main-morte, octroyé en 1202 après plusieurs décennies de conflits, allège à peine. La présence d’une seigneurie ecclésiastique se fait aussi sentir par l’autorité sans partage qu’elle exerce sur les paroisses, du moins jusqu’à la fin du XIIIe s. Mais c’est aussi dans les mouvements de cette relation inégale, qu’apparaissent les habitants eux-mêmes, les « bourgeois » - parmi lesquels un groupe de notables se distingue à la fin du moyen âge. Leurs activités, encore très rurales jusqu’au XIVe s., sont néanmoins axées sur les échanges, que fixe en un site favorable et sous la protection du monastère, une petite agglomération de 1000 à 1500 âmes, restée avant tout un marché et un port.

Pour les limites de l’agglomération, la présence d’un rempart urbain demeure bien incertaine avant le XIVe s. : on ne connaît que tardivement l’existence de quelques portes et tours. Quant à son organisation topographique, les mentions des deux paroisses proprement urbaines émergent au cours des XIIe et XIIIe s., les contours immédiats de la ville étant inclus apparemment dans la paroisse du hameau de Lambres. Si on ignore les limites territoriales des paroisses, du moins repère-t-on trois quartiers à l’intérieur du bourg - mais aussi, à partir du XIVe s. seulement, la présence de quelques rues. L’évocation du « gravier de Saône », celle, récurrente, des marchés et des foires ; ou celles, précise mais tardive, de deux fours banaux, et plus vague, de plusieurs moulins ; enfin la mention, dès le XIVe s., de la maison du prévôt, officier de justice de l’abbaye, dans la partie sud de la ville, livrent même, de façon impressioniste, quelques traits d’un paysage urbain.

Le tableau est évidemment déséquilibré, dans l’évolution chronologique au profit des périodes tardives, et dans le développement topographique avec la surreprésentation de certains secteurs comme le quartier de la Pêcherie - peut-être au détriment de certains autres. Comme pour les vestiges bâtis, la conservation des écrits est sélective, et souvent aléatoire. Au moins le décor est-il esquissé, qui servira de cadre à l’étude des restes matériels, constitutifs de ce tissu urbain en perpétuelle évolution, sur lequel les textes sont à peu près muets.