De l’autre côté de la place de l’Hôtel-de-Ville, ancien marché, puis « place de la Boucherie », où s’élève la maison du prévôt, l’actuelle rue de l’Hôpital s’éloigne vers le nord-ouest, parallèlement au bief Potet - et donc à la rue Greuze, l’ancienne « grant Gaize ». Si elle dessert l’hôpital moderne (Hôtel-Dieu) qui lui donne son nom, c’était au XVIIIe s. encore la « petite Gaize », par opposition à sa voisine, plus large alors, plus importante et plus habitée (ill. 320 - cf. ill. 14). Nous avons vu plus haut que ce secteur avait gardé une physionomie largement rurale jusqu’au XIIIe s. (supra, A3. Maisons et quartiers. 1.1.4 Aux marges du « Châtel »..., et cf. ill. 264). Pour l’époque moderne, les historiens locaux retiennent une occupation plus dense au nord, le long du ruisseau, l’essentiel du paysage étant composé de jardins, alternant avec quelques constructions utilitaires, écuries ou autres « tects à pourceaux »1020.
Pourtant, les élévations mitoyennes de plusieurs maisons médiévales sont conservées le long de la rue - tandis que les travaux effectués sur le site voisin de l’Hôtel-Dieu ont révélé des arases de bâtiments plus ou moins contemporains, détruits lors des agrandissements successifs de ce complexe, au cours du XVIIe s. pour la plupart. Les maisons aujourd’hui n° 17 à 21, rue de l’Hôpital, avaient déjà attiré l’attention de plusieurs auteurs1021, avant de faire l’objet de premiers relevés de la part de J.-D. Salvêque - essentiellement concentrés sur la maison n° 21, restaurée peu après. La poursuite des travaux, au n° 21 et dans les cours et maisons voisines, nous a fourni l’occasion de compléter et préciser en partie ces relevés, d’effectuer des sondages en fouille, mais aussi des prélèvements dendrochronologiques, qui en font des édifices de référence1022 (cf. ill. 320 : ensemble n° 11, et ill. 349 à 371).
Les observations, relevés, sondages et datations, ont fait apparaître l’ordre de construction des différentes maisons. Ainsi, la maison n° 17 s’appuie déjà sur un premier bâtiment à l’est, à l’emplacement de l’actuel n° 15 (dont la façade moderne sur la rue n’attire pourtant pas l’attention). C’est la maison n° 21 qui est alors construite un peu plus à l’ouest, séparée un temps de la maison n° 17 par un espace libre : mais celui-ci est bientôt loti à son tour, par la maison n° 19. Ultérieurement, d’autres constructions viennent encore s’appuyer contre le n° 21. Au total, même si le détail des construction révèle une avancée irrégulière, l’impression reste celle d’une progression globale de l’urbanisation d’est en ouest le long de cette rue : c’est-à-dire, depuis la prévôté située à son amorce, et en direction du rempart urbain (ill. 349 à 351; cf. ill. 320).
Au XVIIe s., la rue de l’Hôpital est parfois aussi désignée comme « rue de la grande Boucherie ». Cf. BERNARD, 1911, p. 116 - 117 (pour les anciens noms de la rue, cet auteur cite : A.D.S.L., notaires : 3 E 3249, minutes Muguet, 1608 ; et A. hosp. T., H 149), et cf. bibl. Tour., ms. BOMPARD, t. II p. 117, pour la « rue des petites Gaizes ». Pour l’occupation des terrains qui aurait précédé la construction de l’Hôtel-Dieu au XVIIe s., cf. AVAZERI 1982.
Si Albert Bernard ne s'y arrête pas dans son « Dictionnaire » (BERNARD 1911), Charles Dard mentionne brièvement les maisons de la rue de l’Hôpital en 1934 : le n° 21 est signalé comme « ancienne maison de l'époque gothique, qui présente, sur sa façade, plusieurs ouvertures remontant au moyen âge », tandis que « la maison n° 19 présente deux baies sises au deuxième étage, qui semblent remonter au XIVe s. » et la maison n° 17, « une porte ancienne remontant à l'époque gothique ». Il ajoute au moins cette information intéressante pour les baies du n° 19 : « Les meneaux centraux ont disparu, mais l'un d'eux a été déposé au Musée Greuze » (DARD 1934 : « Les maisons de l'Hôtel-Dieu. Rue de l'Hôpital, n° 17, 19, et 21 », p. 98 – 99).
En 1973, dans son étude en vue de la création d'un secteur sauvegardé, l'architecte F. Quénard signalait un groupe de « maison gothiques » dans le « quartier du Bief Potet » (cf. QUENARD 1977). Dix ans plus tard, A. Halbach mentionnait la façade du n° 19, rue de l’Hôpital, dont elle datait les fenêtres, par rapport à sa typologie stylistique, au début du XIVe s. (HALBACH 1984, p. 229 - et schéma p. 585, « Tafel 27 »).
Les premiers relevés, en plan et en élévations, de la maison n°21, rue de l’Hôpital, étendus en partie aux n° 17 et 19, avaient été effectués en 1992-93, à la demande de l’agence départementale d’architecture, par l’association Centre d’Etudes Clunisiennes ; ils ont depuis été publiés dans deux brefs articles (SALVEQUE - GARRIGOU-GRANDCHAMP, 1995 et 1996: cf. ill. 361). Par la suite, la maison n° 21 s’est vue intégrée au projet, déjà engagé à ce moment, de transformation de l’Hôtel-Dieu voisin en musée : elle a alors fait l’objet d’une profonde restauration, de la part du service des Monuments Historiques, largement inspirée des conclusions de J.-D. Salvêque et P. Garrigou-Grandchamp, de 1994 à 1999. (cf. ill. 359, 358, et 360).
Les travaux à l’Hôtel-Dieu et au n° 21, nous ont fourni l’occasion d’intervenir à différentes reprises, de 1991 à 1998, pour effectuer un suivi archéologique des creusements successifs, de toutes sortes (notamment dans le cadre d’opérations d’urgence de l’A.F.A.N.) Enfin, en 1998-2000, l’extension des travaux à la maison n° 19, rue de l’Hôpital, nous a conduit, dans une opération plus cohérente (bien que réalisée en plusieurs tranches ; gérée par l’A.F.A.N. et réalisée avec Valérie Viscusi-Simonin, Daniel Barthélémy, et Stéphane Venault), à effectuer des prélèvements dendrochronologiques (avec G. Lambert, du laboratoire CNRS de chronoécologie du Quaternaire de Besançon), des sondages et quelques relevés archéologiques, plus détaillés, qui concernent en fait les 3 maisons mitoyennes, 17, 19 et 21, rue de l’Hôpital. Sur toutes ces opérations, cf. les rapports de fouille et l’article : CANAT - SAINT-JEAN VITUS 1992 et 1993, et SAINT-JEAN VITUS 1991, 1995 et 2000 ; cf. aussi annexe « Les données de datation absolue : dendrochronologie ».