2.4. De Saint-André à la « Pêcherie » : hôtels nobles et indices de bâtiments sur rue

2.4.1. Où l’on reparle du site de la rue du Passage Etroit

Des travaux dans le logis du XIIe s.

Après un incendie dont les effets se lisent aux parements rubéfiés, éclatés ou noircis d’une partie de la façade orientale, surtout aux abords du second étage (des escaliers extérieurs auraient-ils pris feu ?), le logis en hauteur de la rue du Passage Etroit fait l’objet de travaux, à vrai dire limités (ill. 320 : n° 15). Le second étage, davantage affecté par le sinistre, est apparemment celui qui subit le plus de modifications. Presque partout, les reprises de maçonnerie correspondantes, même de peu d’envergure, se signalent par un mortier de chaux très blanc, où l’on remarque entre autres, la présence de petits calages de terre-cuite (fragments de tuiles). Elles s’accompagnent d’une réfection de toutes les structures charpentées (planchers intermédiaires et charpente de toiture).

C’est peut-être dans le même temps qu’on adjoint au premier étage, au mur sud de la pièce secondaire, une cheminée dont on repère aujourd’hui les queues des deux corbeaux en débord à l’extérieur (l’un d’entre eux est bûché), un évier immédiatement voisin à l’est, et une ouverture maintenant murée, encadrée à sa base de deux corbeaux extérieurs et percée juste dans l’angle nord-est de la pièce, qu’il faut probablement interpréter comme celle de latrines se déversant dans l’étroit ambitus arrière (ill. 295). Toutefois, ces trois éléments ne se repèrent que de l’extérieur, et le mortier qui scelle leur insertion dans la maçonnerie plus ancienne est différent de celui des autres aménagements, sans que rien ne permette de les dater : aussi nous contentons-nous de les signaler ici, sans insister.

Au rez-de-chaussée en tout cas, les sondages ont révélé leur lot de travaux, contemporains des restaurations en élévation1043. Juste au-dessus du niveau de circulation initial, le niveau qui leur correspond se voit fossilisé par un sol de terre battue.

Mais l’une des premières conséquences de l’incendie réside sans doute dans la reprise de la charpente de toiture. La nouvelle structure est celle qui nous est parvenue, à quelques réparations près : elle présente déjà un système à fermes et pannes, mais avec quelques particularités (cf. ill. 301 et 302). Les contrefiches, assemblées à mi-bois avec les arbalétriers, dépassent ceux-ci et portent directement les pannes (en remplacement des chantignolles de la ferme « classique »). Et en l’absence d’arêtiers de croupes, les pannes s’appuient l’une sur l’autre à leurs extrémités, en porte-à-faux dans les angles, formant deux rangs de ceintures à empilement : celui du bas est soutenu par des chandelles verticales appuyées sur les enrayures, qui forment entraits secondaires.

Quant à la reprise des planchers intérieurs, elle se traduit par un réhaussement de 0,70 m, clairement lisible au dernier étage, où se distingue un double alignement de négatifs rectangulaires, disposés face à face dans les murs nord et sud (et aujourd’hui bouchés de briques et de pierrailles). Manifestement, ce nouveau couvrement est posé selon les mêmes principes que le premier (cf. ill. 301).

La base de l’embrasure de la nouvelle fenêtre orientale, et celle de l’embrasure (recreusée pour l’occasion) de la petite fenêtre occidentale conservée du premier état, permettent de restituer son niveau de surface (cf. ill.301). A l’est et à l’ouest, les deux poutres de rive sont plaquées contre le mur, supportées par des corbeaux nouvellement fichés dans la paroi (l’un d’eux a subsisté dans le mur oriental : cf. ill. 301 et 302).

En conséquence, le second étage, dont le niveau de sol n’a guère été modifié, gagne en hauteur : il se distingue nettement des autres désormais, avec quelques 4,20 m sous plancher (ill. 301).

A ce niveau également, le manteau de la cheminée est complètement refait. Seuls nous sont parvenus ses piédroits (entre lesquels est un bouchage moderne), engagés dans la maçonnerie, au droit de l’ancien parement : leur écartement (2,40 m) traduit probablement un élargissement de l’âtre. L’arête des piédroits est adoucie d’un étroit chanfrein, amorti à sa base par un congé en cavet d’angle surmonté d’un retrait horizontal. A leur sommet, une pierre bûchée signale de chaque côté un corbeau, soutenant une poutre en bois (aujourd’hui sciée au ras du mur), qui porte la hotte ; sans doute le linteau est-il alors en bois lui aussi (ill. 301 et 379). De nos jours, on reconnaît l’emplacement des deux corbeaux, probablement débordant à l’extérieur à l’origine, là où deux grandes pierres bûchées se voient de part et d’autre de l’ancien conduit, depuis la rue du Passage Etroit (ill. 300).

La cheminée du premier étage aura-t-elle aussi fait l’objet d’une réfection, comme pourrait en témoigner le bouchage des deux ouvertures qui encadraient le conduit primitif ? Jusqu’à présent, la présence d’un appartement aux murs enduits nous a empêché de l’observer de l’intérieur.

Enfin, les transformations d’ouvertures semblent davantage affecter les étages supérieurs. Ainsi, le rez-de-chaussée voit simplement repris le portail de façade orientale, peut-être élargi à l’occasion, et coiffé désormais d’un cintre en arc segmentaire (ill. 306 et 302). Au premier étage, c’est une baie étroite en hauteur, à linteau droit et à encadrement simplement chanfreiné sur l’extérieur, qui remplace l’ancienne fenêtre flanquant la cheminée dans le mur nord : elle est à peine plus grande, et le décalage, d’1,50 m environ, de son emplacement, pourrait s’expliquer par un éventuel élargissement du foyer. Il faut sans doute restituer son pendant de l’autre côté de l’âtre, à l’emplacement d’une fenêtre moderne (ill. 301 et 300). Au total, la pièce n’y gagne guère en lumière par rapport à la disposition antérieure.

Au contraire, le second étage se pare de deux larges baies géminées, qui encadrent la nouvelle cheminée de manière symétrique (ill. 379). Elles sont couronnées d’un linteau droit, et le meneau central prend la forme d’une grosse colonne monolithe (légèrement évasée vers le bas), coiffé d’un chapiteau à corbeille trapue, évasée vers le haut et sculptée de motifs végétaux. A l’intérieur, elles sont précédées d’une large embrasure coiffée d’un cintre en arc segmentaire et munie de coussièges (aujourd’hui bûchés : ill. 379).

Ces deux fenêtres s’appuient à l’extérieur sur une tablette simplement chanfreinée sur l’arête inférieure. Les piédroits sont soulignés d’un étroit chanfrein, amorti en haut et en bas par un congé en cavet d’angle accompagné d’un retrait horizontal, et sont coiffés d’une imposte moulurée d’un bandeau souligné d’un cavet qui reçoit l’extrémité du linteau. Les bases des colonnettes des meneaux comportent deux tores annulaires, l’un étroit, l’autre largement débordant, avec une scotie intermédiaire ; leurs chapiteaux sont ornés de petites feuilles dentelées au sommet et de crochets, sous une astragale à profil en bandeau plat (ill. 379).

Au même moment, une petite fenêtre à meneau sculpté sur sa face externe d’une courte colonnette à base géométrique, visiblement en remploi de la période précédente, est insérée au même niveau, dans le mur qui prolonge la façade nord, aujourd’hui le long de la rue de Passage Etroit, apparemment réhaussé à cette occasion (ill. 300 et 302). Sur sa face interne aplatie, son meneau présente en son centre un relief de préhension percé d’un trou horizontal, qui témoigne d’un système de volet avec fermeture à loquet.

Au dernier étage enfin, une grande fenêtre est percée dans le mur oriental, en remplacement de l’ancienne baie géminée située dans l’angle de la pièce, désormais murée (ill. 302). Elle est de même type que celles du second, avec son meneau coiffé d’un chapiteau sculpté, et son embrasure cintrée flanquée de coussièges à l’intérieur (ill. 379 - bas).

La partie basse de cette ouverture (aujourd’hui partiellement murée) ne laisse plus voir qu’une tablette chanfreinée sur l’arête inférieure. Ses piédroits marqués d’un mince chanfrein sont coiffés d’une imposte moulurée d’un bandeau souligné d’une succession de fins réglets, gorge et cavet. Son meneau, monolithe, est sculpté cette fois-ci d’une mince colonnette. Celle-ci est couronnée par un chapiteau assez fin, séparé du fût par une astragale torique, et décoré de longues feuilles très découpées ; son tailloir est mouluré d’un bandeau souligné de deux retraits horizontaux (ill. 379).

Mais du côté intérieur, le meneau présente un relief de préhension mouluré, poli par l’usage et percé d’un trou de loquet horizontal, identique à celui de la baie orientale supérieure de la maison rue du Bac (cf. supra, 2.2.4 La maison rue du Bac : description de l’état initial). De la même façon, il répond à un système de fermeture par deux volets intérieurs, dont témoignent deux gonds de fer, scellés au plomb dans les tableaux de la fenêtre - sans qu’une feuillure soit davantage prévue pour recevoir une menuiserie dormante (comparer ill. 339 et 379).

Notes
1043.

SAINT-JEAN VITUS 1993 a.