3.2. D’autres schémas, nouveautés et survivances

D’autres schémas s’affirment à la fin du XIIIe s. et au courant du XIVe. Ils sont bien moins représentés dans les vestiges recensés.

3.2.1. Rue du Bac : une distribution originale pour une situation privilégiée

Dans le lot des maisons à façade principale sur une rue passante, et étages accessibles depuis cette rue, la maison rue du Bac / 67, rue de la République représente un modèle à part.

Les dimensions et proportions de son plan en lanière rejoignent les schémas qu’on vient de détailler ; son occupation intérieure demeure difficile à cerner pour le rez-de-chaussée, ses deux étages paraissant voués à l’habitat. Mais son originalité tient avant tout à la vis d’escalier hors-œuvre, qui se détache de sa façade côté Saône, et assure la distribution de toute la maison, du rez-de-chaussée au second étage, lui procurant peut-être son entrée principale depuis l’extérieur. Qui plus est, par le jeu des galeries qui courent le long de sa façade, aux deux étages, il est possible qu’elle desserve encore l’immeuble voisin.

Cette distribution annonce en fait les grands hôtels urbains du XVe s., où la tour d’escalier, dont la silhouette fait souvent référence au modèle du château, joue un rôle essentiel dans la composition de la façade, et fournit une sorte de vestibule d’accueil. Dans un registre plus commun, mais également plus tardif, un peu dans toutes les villes à partir de la fin du XVe s. (aux XVIe-XVIIe s. surtout), des immeubles orientés sur la rue, souvent mitoyens, se voient flanqués d’une tour d’escalier à l’arrière, sur cour, qui assure la distribution de tous les niveaux - parfois accompagnée effectivement d’un système de galeries, pour desservir les portes les plus éloignées1067.

Mais pour une époque où ces deux modèles ne sont pas encore répandus, on en vient à hésiter à propos de cette maison, à parler de « façade avant » et de « façade arrière ». En effet, si le marché de la prévôté, ou « place de la Boucherie », sur le bord de la grand-rue, représente un espace d’attraction essentiel, on peut penser que le « port d’en bas », le plus proche de la maison du prévôt, lequel perçoit des revenus importants sur l’activité portuaire au début du XIVe s., ne l’est pas moins à cette époque.

Au reste, la façade sur l’actuelle rue du Bac comporte aussi de belles fenêtres à meneau aux étages, et on notera que le rez-de-chaussée ouvre sur les deux façades qui nous sont conservées. On peut imaginer qu’il est également accessible, d’une manière ou d’une autre, du côté du marché. Ainsi, la hiérarchie des façades n’est pas celle de la famille de maisons majoritaire à cette époque.

A ces données particulières s’ajoute la recherche du confort, à commencer par la luminosité, exceptionnelle pour cette période, que procurent à chaque niveau de grandes ouvertures dans trois directions. La présence de grands placards muraux à côté des baies du premier étage y ajoute un élément supplémentaire. Même si l’existence d’une cheminée n’est nullement garantie, on croit saisir ici, dans une position topographique exceptionnelle, une demeure privilégiée.

Notes
1067.

Cf. notamment : La maison de ville à la Renaissance : recherches sur l’habitat urbain en Europe aux XVe et XVIe s.Actes du colloque tenu à Tours du 10 au 14 mai 1977. Paris : Picard, 1983.