L’abbaye et la ville, XIe - XIVe s. : étapes chronologiques et niveaux d’analyse

A partir du XIe s., les données recueillies sont beaucoup plus nombreuses, et permettent de suivre plus en détail l’évolution conjointe de l’abbaye et de la ville en formation. Pour ces deux ensembles, elle s’avère soumise au même rythme, ponctuée par les mêmes dates.

On peut y distinguer trois mouvements. Dans un premier temps, la première moitié du XIe s. donne une impulsion décisive à l’extension de l’abbaye, qu’un même élan réformateur entraîne jusque vers 1100 ; la ville, encore perçue dans les textes des puissants comme éclatée entre « castrum » et « villa » après le milieu du siècle, ne nous apparaît qu’à peine, par raisonnement régressif. Dans un second temps, le XIIe s. et la première moitié du XIIIe voient dans l’éclosion de constructions d’une qualité indéniable, aussi bien l’épanouissement du monastère au faîte de sa puissance, que la structuration d’un nouveau modèle urbain, désigné comme « bourg » dès 1119, de façon définitive. Mais le tournant décisif se situe après le milieu du XIIIe s. : la seconde moitié du siècle et le début du XIVe trahissent une mutation de l’abbaye, alors que s’affirme avec une vigueur nouvelle la prospérité urbaine, et qu’émerge la trame de la ville moderne.

Au juste, les faits observés, remis en ordre par la démarche archéologique, permettent d’analyser cette évolution à travers trois niveaux de réalité.

Réalité de l’idéal monacal tout d’abord, qui organise l’abbaye au service du culte, mais prétend également ordonner le monde selon des règles d’essence divine, dont les moines sont les passeurs auprès des autres humains, ceux-là même qui peuplent les domaines et villages alentour. Réalité d’une hiérarchie des hommes et des pouvoirs ensuite, elle aussi d’essence divine dans l’esprit des moines, prétexte à toutes les richesses et à toutes les ostentations, régissant l’organisation humaine à l’intérieur du cloître, mais aussi les relations de celui-ci avec la société qui l’entoure, s’insérant dans le système seigneurial dont elle suit méandres et fluctuations au cours de la période considérée. Enfin, réalité d’une quotidienneté que l’archéologie saisit par bribes quand elle ne peut librement étendre ses champs de fouille, interstitielle en quelque sorte, déroutante parfois, et qui concerne aussi bien les moines que certains bourgeois, voire quelques artisans - bâtisseurs par exemple, pour qui se penche essentiellement sur des structures maçonnées.