2 Les courants philosophiques et psychologiques : du XIXe siècle au XXe siècle 

2-1 Théodule Ribot (1839-1916)

Théodule Ribot,normalien fonda la Revue Philosophique en 1876 et occupa la première chaire de psychologie expérimentale à la Sorbonne. Son étude de la mémoire à partir de la « méthode pathologique » et de l’observation de personnes amnésiques nous offre toute une série d’écrits qui peuvent encore nous apporter beaucoup de données issues de l’observation (Nicolas, 1999). Ribot a tenté de ramener la mémoire à l’habitude voyant en elle un simple fait biologique. Celui-ci est soumis à deux conditions : « une modification particulière, imprimée aux éléments nerveux ; et une association, une connexion particulière établie entre un certain nombre de ces éléments ». Nos souvenirs s’organisent comme les mouvements dans nos actes habituels et, derrière cette organisation, le physiologiste aperçoit des connexions de neurones. Son ouvrage le plus célèbre est probablement Les maladies de la mémoire dont la première édition date de 1881. La mémoire « psychique » est un cas particulier de la mémoire physiologique : la conscience trouve ses conditions dans l’action nerveuse et n’ajoute rien. La reconnaissance se ramène à une localisation dans le temps, qui consiste à parcourir mentalement, en utilisant certains points de repère, une chaîne d’évènements jusqu’à ce qu’on y rencontre celui qu’on doit reconnaître. « Par la répétition, cette localisation devient immédiate, instantanée, automatique. C’est un cas analogue à la formation d’une habitude. »

Pour Ribot, la mémoire comporte trois fonctions distinctes, elle permet de conserver, de re-produire et de situer dans le passé les souvenirs. La mémoire est « par essence, un fait biolo-gique, par accident un fait psychologique». Le modèle de la mémoire hiérarchique de Ribot est représenté dans la figure suivante.

Au niveau de la hiérarchie, se trouve la mémoire psychique qui est une mémoire consciente, instable, inorganisée et très personnelle qui permet d’enregistrer « les perceptions, les idées, les images, les sentiments et les désirs ». Les souvenirs se stabilisent à chaque remémoration

volontaire ou involontaire et un certains nombres d’entre eux disparaissent. Au niveau inter-médiaire, on trouve des souvenirs conscients à demi organisés dont « la localisation dans le temps disparaît ». Au niveau le plus bas, la mémoire organique est inconsciente et complète-ment organisée (p.e l’apprentissage de la langue maternelle). La mémoire psychique est sou-mise à l’oubli et à la déformation. Elle est faite pour Ribot essentiellement de souvenirs très intenses qui résistent à l’oubli et sont essentiellement des souvenirs de nature personnelle por-tant sur des évènements de notre vie mais peuvent aussi porter sur des évènements « nationaux » qui sont maintenus par la répétition qui permet de localiser dans le temps le souvenir. Ainsi pour Ribot la mémoire psychique pourrait contenir tout autant le souvenir de notre premier jour à la faculté que le souvenir de l’effondrement des Twin Towers mais pas nos souvenirs scolaires de l’histoire des Etats Unis dont on ne se rappelle plus du contexte d’apprentissage et pas davantage les noms des camarades ou du professeur avec qui on les a appris.

L’étude des amnésies générales, partielles et progressives conduisit Ribot à proposer sa fameuse loi de régression, « en nous montrant comment la mémoire se désorganise, elle nous apprend comment elle est organisée », les souvenirs les plus récents étant moins solides que les souvenirs anciens, « la destruction progressive de la mémoire suit donc une marche logique, une loi. Elle descend progressivement de l’instable au stable. Elle commence par les faits récents ».