3-2 Le cas particulier de Sigmund Freud (1856-1939)

La place des travaux de Sigmund Freud est sûrement à part, ceux-ci étant inspirés de l’observation pathologique tout autant que de la psychologie expérimentale. En 1901 dans Psychopathologie de la vie quotidienne, Freud consacre un chapitre entier aux souvenirs d’enfance et aux souvenirs-écrans. Les souvenirs autobiographiques anciens (enfance) des patients, notamment les souvenirs traumatiques, joueraient un rôle central dans la genèse, le maintien et le traitement des névroses. Pendant la période infantile, l’amnésie ne serait pas un oubli des évènements mais un refoulement de ceux-ci qui continueraient à exercer une influ-ence inconsciente de manière diverse. En outre Freud insiste sur la fréquence de l’inexactitude des premiers souvenirs qui sont « incontestablement déformés, incomplets » et qui « ont subi un déplacement dans le temps et l’espace ». Il envisage l’évolution des souvenirs et l’oubli comme un phénomène physiologique de remaniement des traces mnésiques. Plus que le temps, l’espace neuronal serait en cause dans cet oubli. L’intérêt de l’auteur ne concerna plus ensuite directement la mémoire mais l’inconscient et son exploration par la technique psychanalytique. Le premier chapitre de Psychopathologie de la vie quotidienne est consacré à l’oubli des noms propres et montre le chemin qu’il va prendre en étudiant les erreurs de mémoire ou les faux souvenirs plutôt que les bonnes réponses. Il dit ainsi : « ce qui m’a amené à m’occuper de plus près du phénomène de l’oubli passager de noms propres, ce fut l’observation de certains détails qui manquent dans certains cas,mais se manifestent dans d’autres avec une netteté suffisante. Ces derniers cas sont ceux où il s’agit non seulement d’oubli mais de faux souvenir. Celui qui cherche à se rappeler un nom qui lui a échappé retrouve dans sa conscience d’autres noms, des noms de substitution, qu’il reconnaît aussitôt comme incorrects, mais qui n’en continuent pas moins à s’imposer à lui obstinément. On dirait que le processus qui devait aboutir à la reproduction du mot recherché a subi un déplacement, s’est engagé dans une fausse route, au bout de laquelle il trouve le nom de substitution, le nom incorrect. Je prétends que ce déplacement n’est pas l’effet d’un arbitraire psychique, mais s’effectue selon des voies préétablies et possibles à prévoir. En d’autres termes, je prétends qu’il existe entre le nom ou les noms de substitutions et le nom cherché, un rapport possible à trouver, et j’espère que, si je réussis à établir ce rapport, j’aurai élucidé le processus de l’oubli de noms propres ». Il s’en suit l’exemple fameux du patronyme oublié : Signorelli et temporairement remplacé par Botticelli et Boltraffio.