2-3 La batterie EVE

La batterie EVE a été élaborée en 1992 partant du constat qu’il n’existait pas de batterie d’évaluation des évènements publics en langue française.

Les évènements ont été sélectionnés initialement à partir des Chroniques du XX°siècle (Larousse). Nous n’avons pas retenu la méthode de sélection d’évènements, adoptée par Warrington (1968) à partir des premières pages du TIMES. Il apparaît en effet que certains évènements n’ont finalement, à l’épreuve du temps, qu’une importance relative, que certains ont pu être « remplacés », « masqués » par la répétition d’ évènements proches (succession de catastrophes de pétroliers en mer) voire que certains n’ont pas été traités initialement avec l’intérêt qu’ils méritaient (Tchernobyl). Depuis cette méthode a été répliquée et enrichie par la sélection des évènements jugés « incontournables » par les sélections Paris Match et Le Point, toutes les deux publiées sous forme de jeux de société (évocation/questions de détail) et par la sélection des 100 évènements-clefs du Grand Atlas de l’Histoire du monde (éditions Atlas).

La batterie initiale comportait des évènements survenus de 1900 à 1993, répartis en 24 évènements présentés verbalement (la guerre du golfe) et 24 évènements présentés sous la forme de scènes photographiées (mai 1968). En effet, il n’existait pas dans la littérature de données permettant de savoir si le mode de présentation influençait ou non les performances. En outre, il n’était pas certain que les évènements présentés sous la forme de scènes célèbres puissent l’être de façon équivalente verbalement (la mort de Kennedy et/ou la photographie mythique de Jackie Kennedy et de son tailleur rose). Rapidement, il est apparu que les scènes célèbres étaient peu nombreuses et que lors des réactualisation, un excédent d’évènements présentés verbalement se constituait.

Les évènements concernaient majoritairement des évènements politiques. Un certain nombre d’évènements « étrangers » (ou planétaires) restaient des incontournables. Certaines époques offraient un choix plus grand d’évènements ou disposaient de davantage d’évènements très importants. Un premier choix de 40 évènements « verbaux » et de 40 scènes fut fait et cet échantillon fut pré testé auprès de 100 témoins de 20 à 75 ans (uniquement en évocation et situation dans le temps) pour sélectionner 48 items.

Le mode de passation comprenait 4 types de tâches : évocation, reconnaissance, questions de détail, datation.

L’évocation consiste à une évocation libre de l’événement et il est demandé de façon explicite que celle-ci soit la plus détaillée et précise possible. Une cotation de 0, 1 ou 2 est proposée selon la richesse du souvenir.

La reconnaissance de l’événement se fait parmi un choix de trois. Les leurres ont été élaborés selon des critères de proximité « iconique » et « linguistique »(la chasse aux sorcières est un film très célèbre de Walt Disney), ou de proximité « évènementielle » (la guerre du golfe est un conflit des pêcheurs français et espagnols dans le golfe de Gascogne). Certains sont clairement plus plausibles que d’autres. La cotation est de 0 ou 1. L’épreuve de reconnais-sance est réalisée même si l’évocation est parfaite. Si le sujet échoue, la bonne réponse lui est donnée.

Le sujet doit ensuite, afin de montrer qu’il a une connaissance plus complète de l’événement, répondre à deux questions de détail ( La mort de Cloclo : quelles furent les circonstances de sa mort ; comment s’appelaient ses danseuses). Ces questions attendent souvent comme réponses, des noms propres. Chaque question réussie permet d’obtenir 1 point.

Enfin, une datation précise de l’événement n’est pas exigée hormis pour les 3 dernières années. Dans la version initiale les sujets devaient situer l’événement sur une règle chronologique figurée par des visages (Louise Brooks, De Gaulle, les Beattles, François Mitterrand). La règle est devenue une règle métrique de 1900 à 2000 et plus. Une datation correcte vaut 1.

De la sorte, un événement parfaitement restitué comptabilise 6 points.

Par la suite, des évènements furent progressivement rajoutés par année. Au cours des années, seuls des évènements verbaux furent proposés. On finit par avoir une batterie EVE qui comportait 72 évènements et avait perdu sa maniabilité initiale.

Un premier travail eut pour finalité de vérifier la validité de la batterie auprès de 90 sujets de 46 à 95 ans, également répartis en 5 tranches d’âge et 3 niveaux culturels (niveau certificat d’étude/cap ; niveau bep et baccalauréat ; études supérieures) et 2 genres, Thomas Antérion et al., 1994. Dans ce travail, il fut observé un effet significatif de l’âge (en faveur des plus anciens), du genre (en faveur des hommes), du niveau culturel (en faveur des plus instruits). L’interaction de ces trois facteurs était positive : meilleurs étaient les hommes les plus cultivés et d’un certain âge. Il était observé un effet du type d’évènement : les évènements « contemporains » des sujets étaient mieux rapportés que les évènements anciens.

Un deuxième travail eut pour finalité de vérifier la validité de la batterie auprès de 72 sujets de 16 à 45 ans, également répartis en 5 tranches d’âge et 3 niveaux culturels et 2 genres, Thomas Antérion et al., 1995. Dans ce travail, il fut observé un effet significatif de l’âge (en faveur des plus âgés),du genre (en faveur des hommes), du niveau culturel (en faveur des plus instruits). L’interaction de ces trois facteurs était positive : meilleurs étaient les hommes les plus cultivés et d’un certain âge. Il était observé un effet du type d’évènement : les évènements « contemporains » des sujets étaient mieux rapportés que les évènements anciens. Enfin, aucun effet significatif en faveur de l’un ou de l’autre des modes de présentation n’apparaissait.

Un certain nombre de patients furent évalués avec cette batterie et leurs performances publiées, afin d évaluer son utilité en clinique dans des cadres étiologiques très différents : des patients traumatisés craniens, des patients Alzheimer, des patients présentant une dégénérescence frontotemporale et le patient RN victime d’une encéphalite herpétique (Thomas-Antérion et al., 1994,1996, 2000, 2001).