2-4 La rétention

Les travaux de Linton (1975,1988) se sont intéressés également à la rétention proprement dites des évènements personnels. Chaque jour, cette auteur a choisi 2 à 3 évènements spécifiques en rapportant une brève description de l’événement . Chaque année de 1972 à 1978, elle a effectué un rappel libre des évènements de l’année précédente. En 1978 elle procéda au rappel de certains évènements à certaines périodes concernant les six ans écoulés et enfin en 1983, elle rappela de façon aléatoire les évènements écoulés depuis 1972 ! Ces résultats expérimentaux uniques lui ont permis de montrer qu’après un intervalle de rétention de 18 mois, moins de 1% des évènements était oublié puis que le taux d’oubli augmentait régulièrement de 5% par an. Concernant la récupération des souvenirs de l’année écoulée, les indices de récupération sont variables : chronologie (en commençant par les souvenirs les plus anciens ou les plus récents), stratégie catégorielle (thème de vie), représentation graphique (tableau 1).

La tendance à utiliser une stratégie de recherche temporelle diminue au bout d’une période de 2 ans au profit de la stratégie catégorielle qui devient prédominante. Ceci pourrait suggérer une consolidation lente des souvenirs durant laquelle les indices temporels sont progressi-vement remplacés par des indices catégoriels.

De manière proche, Wagenaar (1986) a enregistré un souvenir quotidien pendant six ans en précisant un détail distinctif et quatre dimensions canoniques : avec qui, pourquoi, quand, où. A la fin de l’étude, l’auteur a entrepris de rappeler et de dater 2402 souvenirs ( !) et a constaté que peu de souvenirs sont oubliés mais qu’il est très difficile de se souvenir des détails de ces événements.

Notre capacité à situer des évènements personnels dans le temps a été et est très discuté dans la littérature, Thompson (1982), Friedman(1993). Dans les faits, il est rare que l’on précise la date d’un souvenir personnel lorsqu’on en parle. Plus qu’un critère « d’ordre d’apparition », on fait référence à une période de vie (quand j’étais à l’université, avant de déménager), Burt et al., 2000. Lorsqu’il s’agit de retrouver une date précise, cela demande la plupart du temps un effort considérable. Les erreurs sont fréquentes avec une tendance à croire les évènements plus récents qu’ils ne sont , (Lieury et al,  1979 ; Thompson et al., 1988). Si les erreurs de date sont fréquentes, la plupart du temps elle n’affecte pas l’ordre dans lequel les évènements se sont déroulés, (Lieury et al, 1979 ; Brown et al, 1986). Afin de mieux répondre à cette difficile question de « la situation dans le temps » des évènements de vie (à défaut de les dater), Burt et al, (2000) ont proposé un élégant paradigme. Les auteurs demandent à 13 sujets de tenir un journal pendant l’été en classant les évènements selon 6 thèmes et par ordre de survenue.Les sujets doivent ensuite à partir du matériel qui a été recueilli classer les évène-ments par ordre. La tâche s’avère extrêmement facile pour tous les participants et tous les évènements. Une deuxième tâche est proposée à 39 sujets qui ont réalisé des photos de leur quotidien (1642 clichés !). Les sujets doivent classer l’ordre des évènements dans quatre conditions : six photographies de scènes d’un même événement vécu se succédant dans la journée (par exemple, une partie de barbecue), six évènements différents, et des évènements inconnus dans ces mêmes conditions. Les sujets sont plus performants pour classer les évènements vécus qu’inconnus. Une analyse de régression ne montre par contre aucun impact du délai entre les photos ou de l’intervalle de rétention des évènements. Les sujets classent plus vite les évènements différents que les scènes d’un événement montrant leur habileté au sein d’une même période à ordonner des secteurs de vie et/ou des types  d’évènements.