2-7 Les principaux modèles

Un certain nombre d’auteurs propose avec quelques variantes comme Linton (1975) une organisation hiérarchique de la mémoire autobiographique reposant sur la répétition d’événement proches et d’abstraction.

Différents travaux se sont intéressés à la récupération avec un indice des souvenirs personnels en terme d’activité, d’action, de finalité d’action (de but), d’émotion. Si toutes ces données paraissent bien d’une manière ou d’une autre, intervenir dans le codage d’un événement personnel, leur importance varie selon les auteurs. Pour Reiser et al. (1986), les activités sont plus vite récupérées que les actions (pouvant être associées à de très nombreuses possibilités de contexte), le résultat inverse est mis en évidence par Conway et Bekerian (1987). Pour Robinson (1976), les mots désignant une activité ou un objet permettent de restituer après un temps de latence plus court un souvenir personnel qu’un mot émotionnel (du fait du plus grand nombre d’expériences vécues). Pour Barsalou (1988), le but serait le plus facile d’ accès. Kolodner (1983) décrits ainsi des E-MOPs (Episodic-Memory Organisation Packets) qui seraient des structures de connaissances abstraites regroupant des connaissances abstraites sur des classes d’évènements personnels : type d’action, lieu, acteurs, conséquences. Ces structures seraient similaires pour tout un ensemble d’évènements, seules les différences seraient alors stockées en mémoire. Conway et Bekerian (1987) distinguent les A-MOPs (Autobiographical-Memory Organisation Packets) qui seraient des structures de connaissances très abstraites permettant d’accéder aux E-MOPs qui à leur tour permettraient d’accéder aux évènements spécifiques.

Conway (1992, 1996) propose un modèle qui tente de répondre à tous les problèmes théoriques décrits ci-dessus. Pour cet auteur, le souvenir autobiographique est reconstruit de façon dynamique à partir de trois types de représentations en mémoire à long terme : les périodes de vie, les évènements généraux, les évènements spécifiques. Le modèle a trois niveaux : un niveau général, un niveau intermédiaire et un niveau spécifique.

Le niveau le plus général est constitué par les périodes de vie. Les périodes de vie sont définies par un début et une fin mais leur constitution reste énigmatique. Il semble peu probable que des périodes aussi idéales que l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte de 20 à 40ans, soient identifiées ! Les période de vie contiennent les buts et les thèmes (le travail, les amis etc…). Là encore persiste l’interrogation pour des thèmes qui se recoupent. En outre certains thèmes sont propres à une période de vie ou au contraire les concernent toutes !

Le niveau intermédiaire concernent les évènements généraux. Les évènements généraux regroupent des évènements répétés (les vacances à la mer) et des événements étendus supérieurs à une journée. A ce niveau sont également codées des données temporelles plus précises que les périodes de vie telles que des périodes mesurées en jours, en semaines ou en mois.

La niveau le plus spécifique concerne la connaissance d’évènements particuliers. Le souvenir de ceux-ci contient encore des détails phénoménologiques (images, odeurs, voix, émotion) et des données temporelles en terme de secondes, de minutes voire d’heures.

Ainsi lorsqu’un sujet encode un souvenir, celui-ci est rapidement intégré dans des structures sémantiques pré-existantes (périodes de vie, thèmes et évènements généraux). La récupération du souvenir repose sur sa reconstruction, l’intégrité du self et de la mémoire de travail en particulier de l’administrateur central (Baddeley, 1986). Trois phases se succèdent : recherche du contexte, recherche de l’action dans ce contexte et vérification. L’accès aux connaissances générales (les vacances) améliore l’accès à l’événement spécifique (mes vacances à K.). Certains indices (voix, odeur, émotion) pourraient permettre de récupérer directement un souvenir spécifique. Ainsi dans ce modèle l’accès à une connaissance autobiographique spéci-fique est le plus souvent dépendant des connaissances sémantiques. Enfin, le caractère épisodique d’un événement est très restrictif. La mémoire sémantique comprend des connaissances sémantiques personnelles mais également des évènements répétés et certains souvenirs uniques (comme selon Conway : boire une bouteille de vin avec un ami à Paris) ce qui rend difficile la compréhension de ce qui fait, hormis la richesse phénoménologique, la limite entre un souvenir unique général et un souvenir spécifique (tableau 2).

Tableau 2 : Processus de récupération en mémoire en long terme des souvenirs Autobiogra-phiques (Conway, 1996).
Tableau 2 : Processus de récupération en mémoire en long terme des souvenirs Autobiogra-phiques (Conway, 1996).

Dans ce modèle, les connaissances autobiographiques sont la base de la mémoire autobiographique. Ces connaissances comprennent trois niveaux de spécificité, du niveau le plus général au niveau le plus spécifique : les périodes de la vie contenant des connaissances générales, les évènements généraux plus spécifiques et hétérogènes que les périodes de vie et les connaissances spécifiques. Les périodes de vie contiennent des connaissances générales sur les buts, les plans et les thèmes du self spécifique d’une période de vie. Celle-ci est identifiée par un début et une fin : l’école, le premier travail etc…Les évènements généraux peuvent être des évènements répétés : les vacances à la mer, ou des évènements uniques, étendus et supérieurs à une journée : mon voyage en Italie ou des évènements liés par thème (mon premier travail). Les connaissances spécifiques comprennent les détails spécifiques , phénoménologiques des souvenirs. Les détails sont rapidement oubliés (dans un délai de moins d’une semaine) à moins d’être répétés ou d’être associés à des connaissances générales (Conway et Pleydell-Pearce, 2000). La récupération des souvenirs autobiographiques est un processus reconstructif qui met en jeu un processus central de contrôle, modulé par le self. La récupération peut être directe ou indirecte. Trois étapes sont nécessaires dans ce processus. La première étape est une phase d’élaboration qui consiste à trouver un contexte en fonction de la tâche et des indices proposés (une période de vie). La deuxième étape consiste en une phase de planification et de description pour rechercher le contexte de l’événement. La troisième étape est une phase d’évaluation qui consiste à contrôler, vérifier l’information récupérée. L’intérêt du modèle de Conway est de pouvoir prédire la nature des déficits observés en fonction d’une lésion cérébrale. Un déficit des connaissances spécifiques peut être dû à une atteinte du buffer épisodique par lésion frontale (Baddeley, 2000) ou à une atteinte d’une des zones de stockage des informations sensorielles. « Lorsqu’on essaye de se souvenir d’un événement particulier, le processus de récupération est le plus souvent stratégique et indirect passant par des connaissances générales (périodes de vie et évènements généraux) pour accéder aux connaissances plus spécifiques (détails d’évènements spécifiques). L’accès aux détails spécifiques peut aussi être involontaire et direct, le souvenir semblant surgir dans la conscience à partir d’un indice très particulier comme une odeur, une saveur ou une mélodie : « le souvenir de la madeleine de Proust ». La récupération des souvenirs autobiographiques implique un vaste réseau cérébral largement distribué dans lequel le rôle du lobe frontal est essentiel. », Piolino (2003).

Ces représentations (scènes ou épisodes), les connaissances, la hierachie des buts et l’état affectif du sujet pourraient être conscientes ou non. Conway et al., (2003, 2004) définit enfin très récemment un « working self »qui interviendrait dès que la récupération d’un souvenir n’est pas automatique et permettrait de retrouver un souvenir au sein d’une période de vie (p.e : le collège) en modulant la recherche et en particulier en inhibant constamment les plans d’activation compétiteurs qui risqueraient d’arrêter la recherche. Il permettrait également de contrôler si le souvenir récupéré est compatible avec les critères du self.