2 La théorie de la consolidation

Squire et Alvarez (1995) interprètent les gradients temporels observés dans certains tableaux d’amnésie rétrograde comme un trouble de la consolidation. Le lobe temporal interne et les structures qui lui sont associées interviennent dans l’encodage de l’information et dans la récupération de celle-ci pendant une certaine période. Celle-ci varie de 2 à 3 ans dans les travaux de Graham et Hodges (1997) dans la démence sémantique à plus de 10 ans dans ceux de Reed et Squire (1998). Le lobe temporal interne exerce un lien temporaire entre les multiples régions du cortex associatif qui stockent l’événement vécu. Lorsque la consolidation est complète, la réactivation du souvenir de l’évènements (co-activations de diverses régions néocorticales) est possible sans recours au lobe temporal interne. Dans cette théorie, les souvenirs les plus anciens sont maintenus en cas de lésion de la région temporale interne et les souvenirs les plus récents épargnés dans l’atteinte néocorticale (mais non hippocampique) de la démence sémantique. La distinction entre mémoire épisodique et mémoire sémantique n’apparaît pas dans cette théorie. Des données issues de la neuropsychologie développementale sont venues enrichir cette théorie avec les travaux de Vargha-Khadem (1997) qui a rapporté les observations de trois enfants ayant des lésions précoces de l’hippoccampe qui présentaient une amnésie antérograde et rétrograde massive, n’ayant aucun souvenir « d’épisodes de vie » mais une mémoire sémantique et en particulier des connaissances langagières ou scolaires dans la norme ! On distinguerait alors dans ce modèle la mémoire déclarative récente (moins de 10 ans ?) de la mémoire déclarative ancienne.

Des auteurs ont proposé pour réunir la théorie de la sémantisation et la théorie de la consoli-dation que les souvenirs récents sont épisodiques et les souvenirs anciens sémantiques (Hodges et Graham, 1998). Nadel et Moscovitch (1997) propose d’amménager le modèle de Squire et Alvarez (1995) afin d’intégrer la notion de mémoire épisodique et sémantique en postulant un modèle « traces multiples » où le lobe temporal n’exerce plus un rôle temporaire dans le stockage et la récupération mais un rôle permanent. Lorsque la consolidation est complète, le lobe temporal interne continue d’indexer les divers éléments de la trace mnésique. Avec le temps, les souvenirs sont soit oubliés, soit grâce à la formation de traces multiples, deviennent plus faciles d’accès. L’étendue de l’amnésie rétrograde serait liée à la taille de la lésion du lobe temporal interne et la forme du gradient temporel dépendrait du nombre de réactivation et de la complexité de l’événement (traces multiples). En outre le lobe frontal serait particulièrement important pour la dimension temporel de l’événement.

D’autres modèles de la consolidation ont pu être proposés. Mc Clelland et al., (1995) proposent « un traitement parallèle distribué ». Le lobe temporal interne joue un rôle dans l’encodage et la récupération mais également un rôle de stock temporaire. L’intégration des évènements épisodiques situés dans le lobe temporal interne aux connaissances générales situées dans le néocortex se fait progressivement. Murre (1997) propose un modèle dit « trace link » qui postule l’existence de trois systèmes indépendants. Un système de « lien » s’organise au niveau du lobe temporal interne, un sytème de « trace » s’organise au niveau du néocortex et un « système de modulation » s’organise au niveau d’un réseau impliquant l’hippocampe, le fornix et certains noyaux frontaux. Le système de modulation intervient comme un sytème attentionnel qui contrôlerait la plasticité des connexions. Son atteinte entrainerait une amnésie antérograde isolée, celle du système de trace une amnésie sémantique et un gradient temporel inversé et l’atteinte du sytème de lien une amnésie antérograde et rétrograde avec gradient temporel. La distinction entre épisodique et sémantique n’intervient pas dans ce modèle.