2-3 L’identification des personnes connues

L’étude des potentiels évoqués (Bentin et al., 1996 , Eimer 2000, Rossion et al., 2000) et les études en magnétoencéphaloalographie (Halgren et al., 2000) laissent penser qu’un traitement perceptif cérébral des visages a lieu aux alentours de 170 millisecondes (N170) concernant l’encodage structural (Bentin et Deouell, 2000 ; Eimer, 2000 ; Pizzagalli et al., 2002) ou la détection faciale (Schweinberger et Burton, 2003). Cette étape implique des régions diffé-rentes selon les auteurs : gyrus fusiforme moyen bilatéral (prédominance droite) pour Halgren et al., (2000), gyrus temporal inférieur (T 3) pour Sams (1997), sillon occipito-temporal pour Schweiberger et al., (2002) ou sillon temporal supérieur (Itier et Taylor, 2004).

Toutes les études métaboliques confirment la prédominance de l’hémisphère droit pour le traitement perceptif des visages. Un certain nombre de ces travaux concernent l’apprentissage de nouveaux visages. Pour mémoire Sergent et al. (1992) soulignait l’activation des aires visuelles striées droites (BA 18 et 19), régions d’intérêt qui ont été de nombreuses fois retrouvées même si les auteurs ne sont pas tous d’accord sur leur spécificité : BA18 interviendrait plus spécifiquement dans la familiarité d’un visage (Rossion et al., 2001).

L’aire BA19 semble en fait s’activer à droite ou de façon bilatérale selon les études pour les visages inconnus et nouvellement appris mais également pour les visages des célébrités (Sergent et al., 1992 ; Gorno-Tempini et al., 1998), et ceux de l’entourage (Nakamura et al., 2000 ; Sigiru et al., 2001). Elle est dénommée Occipital Face Area (OFA) par Gauthier et al. (2000a) et IOG par Hoffamn et Haxby (2000).Sa localisation varie du gyrus occipital inférieur (03), au gyrus fusiforme postérieur (T4) au gyrus occipitotemporal latéral (04). Certains auteurs considèrent cette aire comme une aire de traitement spécifique des visages (principalement à droite) (Mc Carthy et al., 1997), d’autres en font une aire de traitement général des objets (Dubois et al., 1999).

Une autre zone primordiale semble être The Fusiform Face Area (FFA) située dans la région fusiforme moyenne (BA37), Kanwisher et al., (1997). Sa localisation varie en fait selon les sujets et peut se situer dans le sillon collatéral ou occipitotemporal (Kanwisher et al., 1997 ; Campanella et al., 2001). L’activation est généralement bilatérale avec une supériorité de l’activation de l’hémisphère droit. Elle serait plus importante à gauche lorsque les sujets effectuent un traitement par traits plutôt que global (Rossion et al., 2000b). Cette aire serait en lien avec l’encodage structural (Dubois et al., 1999). Des lésions dans cette région entraîne d’ailleurs la perturbation des configurations spatiales (Barton et al., 2002) et de la configuration générale du visage mais pas des traits faciaux (Barton et al., 2003). Elle jouerait pour d’autres auteurs un rôle dans l’encodage des visages nouveaux (Kuskowski et Pardo, 1999) et la reconnaissance de visages déjà vus. Pour certains auteurs, une activation de cette zone est retrouvée dans les épreuves de familiarité (Rossion et al., 2003) pour d’autres non (Nakamura et al., 2000 ; Bernard et al., 2004).Pour certains auteurs FFA est spécifique pour les visages (Halgren et al., 2000) et pour d’autres, non ! Elle serait mise en jeu dès que la reconnaissance porte sur un traitement configurationnel y compris pour la reconnaissance de monuments célèbres (Grabowski et al., 2001 ; Maguire et al., 2001). Enfin d’autres auteurs pensent que si FFA n’est pas spécifique pour le traitement des visages, elle est très sensible aux visages et que globalement le cortex inférotemporal postérieur est composé d’aires spécialisées dans le traitement de différentes catégories d’objets (Rhodes et al., 2004).

Deux conceptions s’opposent quant à la localisation d’éventuelles URFs en imagerie. Certains défendent l’idée d’une zone spécifique dans le gyrus fusiforme antérieur à l’avant de FFA (George et al., 1999) ou dans la partie moyenne du gyrus fusiforme, Gainotti et al., (2003). D’autres considère que l’URF est le résultat de la stabilisation d’un réseau perceptif lors d’un premier stimulus, Rossion et al. (2003a). FFA et OFA joueraient un double rôle perceptif et présémantique. Ainsi un visage nouveau activerait différents neurones au niveau des cortex visuels primaires et secondaires en fonction de ses caractères physiques élémentaires formant une « zone de convergence ». La stabilité de ce réseau se traduirait par une augmentation d’activité en TEP. Lors d’une deuxième présentation du visage, la réactivation permettrait d’aboutir à une impression de familiarité avant même d’identifier le visage qui se ferait par des structures plus antérieures

L’étude de Gorno-Tempini et al., (1998) a permis aussi de comparer les zones activées par les visages inconnus et les visages célèbres. Pour ces derniers visages, seul le gyrus temporal moyen antérieur gauche (aire 21) est activé. Par contre, ils n’ont pas localisé de régions s’activant spécifiquement pour des noms familiers versus des noms célèbres. Leveroni et al., (2000) montre l’activation de régions en rapport avec les connaissances sémantiques et lexicales dont l’hippocampe gauche et le gyrus parahippocampique droit pour les visages célèbres tandis que les visages nouvellement appris activent le lobe pariétal postéro-inférieur droit. La théorie de la consolidation veut que l’hippocampe joue un rôle limité dans le temps pour le stockage des informations sémantiques sur les personnes. Haist et al., (2001) trouvent ainsi une activation de l’hippocampe seulement pour les célébrités les plus récentes et du cortex entorhinal droit pour les célébrités anciennes (connues depuis 20 ans), gradient temporel qui n’est pas retrouvé par Bernard et al., (2004). Pour Leveroni et al., (2000) on observe une activation gauche, lorsqu’on compare visages célèbres et visages nouvellement appris et droit, si l’on compare visages célèbres et visages inconnus.

Les études métaboliques ont mis en évidence plusieurs zones dont le rôle a été interprété comme la mise en lien d’informations perceptives et mnésiques (rôle éventuel des NIPs ?). Le gyrus parahippocampique droit est une zone stratégique de reconnaissance de visages. Pour certains auteurs, elle ne concerne que les visages familiers (Leveroni et al., 2000 ; Bernard et al., 2004). Le gyrus périrhinal droit n’est activé que lors de la reconnaissance de visages appris associés à une profession (Henke et al., 2003). L’hippocampe est rarement rapporté dans ces études hormis comme nous l’avons dit lors de l’étude des visages célèbres.

D’autres régions répondent de manière plus importante aux visages qu’aux autres stimuli mais ce de façon moins constante : la partie postérieure du sillon temporal supérieur (Haxby et al., 1999 ; Puce et al., 1998), la région postérieure de T2 (Halgren et al., 1999).

L’encodage des noms de personnes écrits activeraient le cortex extrastrié ventrolatéral gauche, Cohen et al., 2000 et la région temporale externe postérieure gauche (T1 et T2 ; BA 22/21/37), Gorno-Tempini et al., (1998).

En conclusion, les structures occipitotemporales sont indispensables au traitement des visages. Les régions occipitotemporales droites sont essentielles pour la reconnaissance des visages et la région temporale gauche pour la dénomination. L’identification des visages s’effectuerait suivant un courant de traitement postéro-antérieur, unimodal visuel dans les régions occipitale et temporale postérieures, latéralisé à droite, puis plurimodal grâce à l’implication des régions temporales antérieures : les pôles temporaux et la région parahippocampique antérieure semblant être les candidats les plus sérieux. Pour certains le lobe temporal antérieur droit est suffisant pour identifier les personnes ; pour d’autres le traitement serait bilatéral, le système sémantique visuel ou structural à droite et le système sémantique verbal à gauche.