INTRODUCTION GÉNÉRALE

« Une paix plus solide, une prospérité mieux partagée, un environnement épargné : rien de ceci n’est hors de portée si l’on en a la volonté politique. Mais ni les marchés, ni les gouvernements ne peuvent, livrés à eux-mêmes, réaliser ces biens publics mondiaux. C’est pourquoi nos efforts doivent se tourner vers le terme manquant de l’équation : les biens publics à l’échelle mondiale. 1 »

« Nous savons aujourd’hui qu’il n’y a plus d'îles et que les frontières sont vaines. De même aucun problème économique, si secondaire apparaisse-t-il, ne peut se régler aujourd'hui en dehors de la solidarité des nations. Le pain de l’Europe est à Buenos Aires et les machines-outils de Sibérie sont fabriquées à Détroit. Aujourd'hui, la tragédie est collective » 2 .

Ces propos datant des années 1960 que l’on doit au prix Nobel de la littérature de 1957, Albert Camus, illustrent parfaitement le caractère global des questions mondiales et témoignent de la nécessité de l’action collective à l’échelle mondiale pour les résoudre. Ce phénomène a une tendance profonde qui est la mondialisation. Celle-ci implique que les événements, les décisions, les actions qui interviennent dans une région du monde affectent les événements, les décisions, les actions dans d’autres régions (Held and Mc Grew, 2001) 3 . Les nouveaux moyens de transport et les télécommunications ont considérablement réduit les distances et le temps. L’émergence des sociétés multinationales a accéléré, tout à la fois, l’homogénéisation des conditions de production de biens, des services, et les conditions de leur consommation 4 . Les modes de vie tendent à se rassembler. Les Etats-nations abolissant leurs frontières à la circulation des biens, des personnes et des capitaux 5 , se dotent d’un nombre croissant d’organismes internationaux pour réguler l’ensemble de leurs rapports et régler les problèmes de conflits d’intérêt qui pourraient subsister entre eux. En effet, aujourd’hui, il devient pratiquement invraisemblable de définir l’intérêt national sans le lien à la quiétude et la prospérité internationales. On s’aperçoit, par exemple, que dans le domaine de la politique économique, les questions qui étaient autrefois considérées comme purement nationales renversent les frontières et sont dorénavant mondiales en portée et en impacts 6 . De, même, les épidémies, les guerres et leurs corollaires (réfugiés, migration,...), les pollutions atmosphériques, les trafics illicites et le blanchiment d’argent, les crises financières, la pauvreté endémique, etc. tous menacent les intérêts de tel ou tel pays et le bien-être mondial.

Ces évolutions en cours exigent des approches, des remèdes et des actions concrètes planétaires pour résoudre les crises mondiales et/ou atténuer leurs conséquences. Cette responsabilité transgresse largement les frontières nationales pour incomber à toute la planète. En d’autres termes, combattre la pauvreté et les inégalités sociales dans le monde, prévenir la propagation de certaines maladies infectieuses (telles que le Sida), contrer la prolifération nucléaire et la dégradation de l’environnement global, assurer la stabilité financière internationale, sont des tâches dont la résolution a révélé de nouvelles formes d’interdépendance et donné lieu à des concepts nouveaux : les biens collectifs internationaux et mondiaux 7 (BCIM). Ces problèmes d’une envergure nouvelle ne pouvant être gérés au seul niveau national hors du cadre de la coopération internationale accentuent la reconnaissance à l’échelle mondiale de cette catégorie de biens.

Notes
1.

Koffi Annan, Secrétaire général de l’ONU ; cité dans Gabas et Hugon (2001).

2.

Albert Camus, Prix Nobel de Littérature.

3.

Le retentissement du terme « mondialisation » remonte aux années 1990 après la chute du mur de Berlin. C’est alors la fin de la division de la planète en trois pôles : économies occidentales, Bloc soviétique, Tiers Monde. Le terme est le plus souvent utilisé sans être défini. Il ramène au concept de libéralisme globalisé : des échanges libres avec des pays où le libéralisme économique s’impose. C’est en fait est un processus historique caractérisé par l’abolition des frontières où de plus en plus les activités humaines, qu’elles soient économiques, politiques ou sociales, sont en train d’émigrer du cadre de l’Etat-nation vers un cadre beaucoup plus élevé, qui est le cadre de la planète terre. La mondialisation a ainsi crée un monde sans frontières.

4.

L’anglicisme « globalisation » est intéressant en ce que, synonyme de mondialisation, il renvoie aussi au mode de gestion «globale», unifiée, de certaines entreprises multinationales.

5.

Dont le marché est fortement libéralisé.

6.

La contrainte extérieure fait qu’aujourd’hui, une politique de relance (ou de rigueur) pratiquée en Amérique se fait sentir – directement ou indirectement – sur les économies des autres régions du globe.

7.

Signalons que l’équivalent souvent employé en anglais est « global public goods ». Il existe plusieurs expressions en français : « biens publics internationaux », « biens publics mondiaux », « biens publics globaux », « biens collectifs internationaux ». Nous avons retenu celle de « biens collectifs internationaux et mondiaux », d’abord en référence à l’article de Stiglitz (1998), intitulé : « international financial institutions and the provision of  international public goods », et parce que nous estimons approprié de faire une distinction entre les « biens collectifs internationaux » et les « biens collectifs mondiaux ou globaux ». Cette question sera davantage explicitée ultérieurement.