PREMIÈRE PARTIE : LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES
INTERNATIONALES :
PRODUCTRICES POTENTIELLES DE BIENS COLLECTIFS INTERNATIONAUX ET MONDIAUX

Introduction – Partie I

La dégradation de la couche d’ozone et l’environnement global, les mutations du paysage financier, les guerres et les déplacements des populations civiles qu’elles provoquent, constituent quelques exemples, qui démontrent la nature globale de des problèmes rencontrés aujourd’hui. Ces problèmes, qui sont considérés comme des « maux » collectifs à l’échelle mondiale, incitent à une prise de conscience globale sur la nécessité d’agir globalement pour les résoudre et garantir ce qu’il convient dorénavant de qualifier de biens collectifs à l’échelle mondiale.

Les concepts de biens collectifs internationaux et mondiaux sont donc nés du constat que, à l’ère de la mondialisation, des phénomènes autrefois nationaux peuvent avoir aujourd’hui des répercussions au-delà des frontières nationales et toucher d’autres pays et nations. L’interaction croissante des pays et des nations induit donc des maux et des besoins nouveaux. Chacun sait aujourd’hui qu’une réglementation laxiste d’un pays, dans le domaine économique, politique ou environnemental, peut avoir des impacts sur la prospérité mondiale et exiger un instrument efficace pour internaliser les externalités induites. La misère et les violations des droits humains fondamentaux peuvent, par exemple, pousser à l’émigration et à l’instabilité politique dans d’autres pays. C’est également valable pour la dégradation de l’environnement et des ressources naturelles.

Un certain nombre d’interrogations découlent de cette évidence. Comment donner une définition analytique aux biens collectifs internationaux et mondiaux ? Comment coordonner les efforts globaux et forger la nature de l’action collective nécessaire pour résoudre ces problèmes globaux, réaliser des buts communs et produire les BCIM ? Car, au niveau national, ce sont les pouvoirs publics qui ont habituellement la tâche d’internaliser les externalités liées à certaines activités (notamment économiques) et de fournir les biens collectifs nationaux.

Le cadre théorique concernant les BCIM semble être d’une grande utilité pour répondre à ces interrogations. Il souligne la nécessité de créer un cadre multilatéral pour accomplir plusieurs fonctions jadis relevant de l’échelon local, national ou régional. Pour contenir les épidémies ou les épizooties transfrontalières, il est évident que des mesures à l’échelle planétaire sont nécessaires pour obtenir des résultats escomptés. Mais ce cadre théorique suscite également d’autres interrogations, telles que les conditions qui permettent une meilleure fourniture de ce type de biens ou l’engagement d’autres types d’acteurs dans cette tâche.

Ainsi, dans cette première partie, notre objectif est double. Il s’agit, d’une part, d’analyser la question de la fourniture optimale de BCIM, en nous référant aux approches théoriques successives qui permettent d’élucider l’intérêt et la nature d’action collective nécessaire dans ce processus. La nécessité de la coordination des efforts pour résoudre des problèmes mondiaux et réaliser des gains collectifs potentiels évoque la question de la coopération internationale comme moyen de fournir les BCIM (Kindleberger, 1986). Les limites de ce procédé a conduit à envisager la délégation des pouvoirs publics à des institutions internationales, qui agiraient «en lieux et places» des Etats pour défendre des intérêts communs et résoudre des questions mondiales (Stiglitz, 1998). Ainsi, notre second objectif consiste à analyser cette dernière proposition et de voir si les approches théoriques permettent de la retenir comme instrument alternatif à la défaillance de la coopération internationale en matière de production de BCIM. Autrement dit, cette partie de notre étude vise à dépasser ce seuil théorique atteint par ces auteurs, en apportant une contribution humble aux évolutions théoriques sur la question de la fourniture optimale des BCIM.

Ainsi, dans un premier temps, il sera question d’approfondir l’analyse sur la genèse, l’évolution des concepts de biens collectifs et de BCIM, les différentes approches théoriques relatives aux BCIM, ainsi que les mécanismes et modalités de production et de financement de ces biens (chapitre 1). Ensuite, nous examinerons des approches récentes, qui prétendent répondre aux exigences de la coordination des contributions des Etats-nations et des autres acteurs en matière de production de BCIM (chapitre 2).