Chapitre 1
Le cadre théorique des biens collectifs internationaux et mondiaux

Introduction – chapitre 1

La formulation systématique de la théorie relative aux biens collectifs a commencé avec l’article de Paul Samuelson (1954), The Pure Theory of Public Expenditure. Cependant, The Econmics of Welfare de Pigou (1920) donnait une analyse normative de l’action gouvernementale, incluant les problèmes d’externalités à l’échelle nationale. C’est avec l’entrée du terme « village global » dans les vocabulaires courants, dans les années 1960, et le concept du monde en tant que communauté interdépendante, devenue partie intégrante de la pensée commune, que l’analyse des biens collectifs a été appliquée aux problèmes mondiaux 51 . Les changements au cours de ces dernières décennies ont rapproché le concept d’un monde plus que jamais interdépendant de la réalité ; une réalité qui oblige dorénavant les Etats-nations à coopérer en vue de faire face aux incertitudes qui pèsent sur le monde. Le débat sur l’identification et les modes de production de ces biens a ainsi pris une tournure palpitante, notamment dans les réunions internationales, à la fin des années 90 – une décennie marquée par un profond bouleversement du contexte international. Ces éléments sont connus mais il n’est pas inutile de les rappeler brièvement car ils ont créé un contexte qui a permis l’émergence de la question des biens collectifs internationaux et mondiaux (BCIM). En effet, lors d’une réunion des agences du système des Nations Unies, les responsables ont échangé des informations sur leurs domaines respectifs d’activité. Les nouvelles sur la propagation des effets néfastes de certains problèmes nationaux ont abondé et débouché sur le concept de « maux publics mondiaux ». L’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI) a soulevé le problème posé par le contrôle du terrorisme, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné le problème du Sida et la crise mondiale de la santé, le Fonds monétaire international (FMI), l’instabilité financière, la Banque mondiale, le problème de sous-développement et la pauvreté, et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et les autres organismes actifs dans le domaine de l’environnement, les grands problèmes écologiques mondiaux, notamment le risque d’une crise mondiale de l’eau. Et ce ne sont là que quelques exemples qui préoccupent l’humanité. Il est donc admis que nous vivons désormais dans un monde qui, pris dans un piège de tension et de contradiction, fonce dans des crises à multiples dimensions. Ces réalités que présentent aujourd’hui l’interdépendance et la mondialisation sont bien connues et ont engendré une importante littérature sur la façon d’assurer une croissance plus soutenable et un réel développement humain 52 . Accomplir cette tâche à l’aide des politiques coordonnées et des stratégies communes est une vision de concepts des biens collectifs internationaux et mondiaux (BCIM).

Ainsi, pour mieux comprendre les racines des crises mondiales, les meilleurs procédés pour les résoudre, nous nous proposons d’analyser ces questions à travers les angles et les objectifs des BCIM.

Dans ce chapitre, nous nous proposons d’élucider d’abord les concepts de BCIM, en évoquant le rôle de la mondialisation, qui a favorisé le passage de la notion de biens collectifs à celle de BCIM (section 1). Puis, il conviendra d’aborder les approches théoriques qui, au-delà de l’intérêt des BCIM qu’elles illustrent, abordent la question de la nature d’actions collectives nécessaires pour la fourniture optimale de ces biens (section 2). Ces illustrations permettront enfin d’éclaircir les difficultés liées aux mécanismes de production et de financement de BCIM ainsi que les formules qui permettent de combler les lacunes dans ce domaine (section 3).

Notes
51.

Cf. Garrett (1992).

52.

Cf. Stiglitz (1997; 1999a).