Considérée comme l’une des plus importantes suites de la théorie des relations internationales, la coopération internationale se réfère aux activités qui nécessitent la coordination des efforts par deux ou plusieurs pays afin de réaliser et d’accroître le bien-être et les intérêts communs. En d’autres termes, elle implique une relation construite par différents acteurs (Etats) 196 , unis par une motivation et une vision communes, et ayant pour but de planifier et de réaliser ensemble des objectifs clairement définis et acceptés. C’est une relation dynamique, en constante évolution, qui favorise la valorisation des compétences de chacun ainsi que la complémentarité des apports intellectuels et matériels, le tout devant représenter un avantage pour toutes les parties (Fearon, 1998). Elle suppose également un respect des différences, une confiance réciproque, un engagement réel des parties, une responsabilité partagée, ainsi qu’une disposition au dialogue permanent et à la critique constructive 197 .
En marge du concept scientifico-analytique de la coopération internationale, d’autres de ses usages, essentiellement politique et stratégique, ont fait l’exploit du concept. D’où la nécessité de clarifier davantage sa définition et d’identifier les diverses formes de relation (réciproque, égale,...) qui pourraient unir les acteurs, notamment au niveau mondial.
La coopération internationale peut impliquer un échange continuel d’infirmations entre les pays concernant leurs politiques nationales, sans toutefois imposer des contraintes particulières sur leurs décisions internes. L’information qui joue un rôle crucial dans l’orientation des stratégies des nations, serait alors considérée comme une condition préalable aux politiques coopératives entre nations. Ainsi, la coopération dans le domaine de la politique macro-économique permet de promouvoir des procédures d’information et d’évaluation des choix macroéconomiques entre Etats au niveau international. Au sein du FMI et d’autres IFI, chaque pays membre a accès à l’information quantitative sur l’évolution des agrégats macroéconomiques dans les autres pays. Les organisations internationales offrent ainsi un cadre d’échange d’informations et d’idées sur la politique macro-économique et procèdent à l’évaluation des choix macroéconomiques des pays membres. Le lien étroit entre transparence (et donc information) et coopération internationale a été fondamental dans le développement du système d’échange multilatéral. En effet, l’obligation faite dans le cadre du GATT (et par la suite de l’OMC) d’informer les pays partenaires des actions de politique commerciale permet d’assurer le respect des grands principes d’ouvertures des frontières. Ceci contribuera à réduire les incertitudes auxquelles les Etats doivent faire face dans la définition de leurs politiques macroéconomiques en fonction des contraintes extérieures et le traitement de certaines questions mondiales.
D’un autre côté, la coopération peut prendre le sens d’une coordination étroite des politiques nationales avec des partages de décisions sur la définition des objectifs et/ou des instruments de politique économique. Dans ce cas de figure, un accord entre les acteurs (Etats) est toujours nécessaire pour qu’un choix individuel puisse être appliqué. Ce type de coopération, pourtant plus souvent recommandée par les politiques, est la plus difficile à pratiquer en raison des sérieuses contraintes qu’elle impose aux autorités nationales.
La coopération et l’action collective internationales peuvent en entre s’interpréter en termes d’une série de normes et règles (régimes) que les pays s’engagent à observer dans l’application de leurs stratégies de politiques économiques tout en renonçant à leur autonomie pour les choix individuels 198 . Le cadre ainsi exposé conduit les pays à prendre en considération, dans leurs politiques, des liens d’interdépendance existants ; d’ou la modification de leurs comportements pour un plus grand système de stabilité. Dans ce contexte, la coopération peut se traduire par l’engagement des Etats à intégrer un ensemble de normes et de règles en faveur d’un BCI donné. Il est en effet le produit d’un processus de coordination facilitant la réalisation d’objectifs communs à travers sa réduction d’incertitude sur les comportements d’autres acteurs.
Cependant, hormis les apports de la théorie des jeux, il n’existe pas réellement un modèle théorique qui permet d’évaluer la pertinence de la coopération internationale 199 . Néanmoins, l’histoire des régimes monétaires – de l’étalon-or au système de Bretton Woods, voire au système actuel – nous enseigne que la coopération constitue un élément explicatif tout à fait pertinent de la stabilité monétaire (Eichengreen, 1993). A noter également que l’étude du très célèbre jeu du dilemme du prisonnier, illustrant la différence entre la rationalité individuelle et la rationalité collective, donne une solution unique qui ne permet pas la coopération entre les joueurs et qui est par conséquent loin d’être optimale. En revanche, si les joueurs jouent N fois à ce jeu, des simulations informatiques montrent que la coopération est possible même si les joueurs n’ont pas formellement des intérêts collectifs 200 . Ainsi, il est établi que lorsque les Etats interfèrent sur une question particulière, la coopération peut être soutenue dans les situations du dilemme de prisonniers, par les mécanismes de réciprocité directe ou de représailles 201 envisageables à l’instar de «j’agis aujourd’hui comme vous agissiez hier» (tit-for-tat ) 202 . Par exemple, la coopération dans le domaine de la reconnaissance des satellites est approuvée par la menace implicite qu’elle comporte : « si vous abattez notre satellite espion, nous descendrons le vôtre » 203 . Ces simulations révèlent l’importance de la coopération par la stabilité que procure la stratégie de réciprocité directe, « tit-for-tat », avec des résultats remarquables. Les conséquences directes de cette étude montrent qu’il vaut mieux être, dans ce jeu, plutôt réactif qu’indifférent et plutôt indulgent et coopératif que rancunier.
Ces résultats, quoique très théoriques ont pourtant des implications dans des domaines aussi importants que la théorie de l’évolution, la sociologie, la conduite de l’Etat, et permettent de mieux comprendre le déroulement des guerres (guerre 14-18, guerre froide, …).
Sans pour autant prétendre à approfondir les modalités techniques de la coopération internationale 204 , nous nous proposons d’illustrer l’utilité de la coopération internationale comme instrument de fourniture de BCIM.
Cette relation qui unit les acteurs constitue l’essence même de la coopération.
Cf. Keohane (1984); (Fearon, 1998); Pereau (2000); Barzel (2002).
Voir, par exemple, Prenat (2000).
Pour rappel, la théorie des jeux constitue une approche mathématique de problèmes de stratégie tels qu’on en trouve en recherche opérationnelle et en économie. Elle étudie des comportements rationnels des individus dans de situations où les choix de deux protagonistes - ou davantage - ont des conséquences pour l’un comme pour l’autre. Le jeu peut être à somme nulle (ce qui est gagné par l’un est perdu par l’autre, et réciproquement) ou, plus souvent, à somme non-nulle. Un exemple de jeu à somme nulle est celui de la mourre, ou celui du pierre-feuille-ciseaux.
Voir Vanacker (2003) : http://jeudechecs.ifrance.com/ .
Les représailles dans le langage juridique impliquent un acte normalement jugé illégal mais permissible en réaction à une action illégale.
Cette stratégie consiste à coopérer à la première étape du jeu, pour continuer à coopérer tant que l’autre coopère et trahir quand l’autre trahit. C’est-à-dire, coopérer au premier tour, aux tours suivants, choisir l’action que l’autre joueur a effectué au tour précédent, etc. Cf. Axelrod (1981) ; Young and Foster (1991).
Cependant, la condition principale pour que les mécanismes fonctionnent se réfère au phénomène de l’« incertitude sur l’avenir ». La chance de la coopération est plus grande à mesure que celle-ci est étendue car la menace de représailles dissuade de tricher.
Pour une analyse approfondie sur cette question, voir, par exemple, Snidal (1991).