Depuis quelques années, on assiste de plus en plus à l’émergence des réseaux associant les secteurs publics et privés autour d’un objectif collectif. Certains réseaux regroupent des acteurs de nature et de taille extrêmement hétérogènes : ONG internationales ou sociales (Oxfam International, Secours catholique, etc.), gouvernements, entreprises privées (Rockefeller, Microsoft,...), IFI (FMI, BM, BRI,…), collectivités locales, etc. Ces réseaux tentent généralement de produire des normes et de réunir un consensus pour faire progresser un débat bloqué sur les questions mondiales.
Les cas qui illustrent ce phénomène sont nombreux. Nous évoquons l’exemple de la Commission mondiale des barrages, créée en 1998, à l’instigation des intérêts pro et anti-barrages qui souhaitent rompre avec l’impasse concernant la gestion et la construction de barrages comme aspect fondamental de la gestion des ressources d’eau. Cette organisation a eu donc pour mission de dépasser les conflits d’intérêt autour de la gestion des barrages et a impliqué dans les débats l’éventail des acteurs parties prenantes, locaux, nationaux et internationaux. Les modalités de financement même de la Commission sont innovantes : elles associent des fonds venant d’entreprises, d’ONG et de gouvernements. De même, le pacte mondial (Global Compact Initiative), mis en place à l’initiative des Nations Unies, cherche à promouvoir un certain nombre de principes sociaux et environnementaux auprès des entreprises. Dans le domaine de la santé, il y a l’exemple de la « Global Alliance for Vaccines and Immunization », créée en janvier 2000, qui rassemble des organisations internationales (telles que la BM, l’Unicef, l’OMS), des fondations (le programme de la Fondation Gates pour la vaccination des enfants, la Fondation Rockefeller), des agences des PED, des agences de coopération bilatérale, le secteur privé, représenté par la fédération internationale des associations pharmaceutiques de fabricants (IFPMA), ainsi que quelques grandes entreprises et firmes multinationales. Cette institution contribue à la production d’un BCM, en l’occurrence la santé mondiale 311 , par le fait qu’elle agit pour l’éradication de certaines maladies infectieuses, en rassemblant les fonds nécessaires à la vaccination des enfants dans les pays pauvres 312 .
De même, il existe des programmes de production de BCIM auxquels sont intégrées les activités de différents groupes professionnels (pharmaciens, médecins, infirmiers, chercheurs,...). C’est le cas en effet de la National Academy of Sciences des Etats-Unis, qui collabore avec les académies nationales de différents pays dans le but de créer une structure internationale des sciences susceptible de mettre au point les technologies appropriées au traitement des problèmes mondiaux posés par le développement durable. La participation de nouveaux partenaires, comme les académies des sciences, est souvent facilitée en fonction de leur degré d’engagement pour la production de BCIM.
L’avantage de cette modalité est qu’elle permet une meilleure subsidiarité 313 dans les choix que chaque pays peut faire pour inciter ses acteurs privés à atteindre les objectifs fixés et donc un meilleur respect des préférences locales.
Cependant, le succès de ces partenariats dépend de l’existence d’une confiance entre les membres et de la manière dont les asymétries de pouvoir entre les réseaux sont gérées. Ainsi, l’un des problèmes soulevés par ces partenariats est que tous les acteurs n’ont pas le même type de responsabilité et ne sont pas comptables devant les mêmes parties prenantes (Reinicke, 1998 ; Reinicke & Deng, 2000). De même, la question de l’accès à ces réseaux est centrale pour éviter qu’ils ne constituent des clubs excluant la représentativité de certains intérêts collectifs. En effet, ce genre de clubs peut jouer un rôle de justification d’intérêts et de pratique, entravant la réalisation des objectifs collectifs 314 .
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La régulation est moins encadrée par un corps de règles que par un jeu permanent de contrats et de combats, de négociations et d’ajustement (Hugon, 2002). La gouvernance suppose que des compromis sont possibles entre parties prenantes et qu’un bien collectif résulte de ce processus. Dans ce processus continu, le rôle des institutions internationales est considérable.
Voir les travaux de l’Association Biens Publics à l’Echelle Mondiale sur la santé comme BCM : www.bpem.org .
Il s’agit des maladies infectieuses les plus répandues, à savoir l’hépatite B, la rougeole, l’hémophilie, le pertissis, la coqueluche, la diphtérie, la poliomyélite.
Au sens de la délégation verticale du pouvoir..
Cf. Tubiana et Lerin (2003).