3.2 - Les IFI dans la gouvernance mondiale

La gouvernance mondiale, telle que décrite précédemment, implique un ensemble de régulations fonctionnant dans le but de penser la complexité et les processus de négociations, dans un monde de plus en plus interdépendant 315 . A défaut d’un gouvernement mondial reposant sur un principe démocratique (1 citoyen une voix), il existe plusieurs modèles de régulation, dont celui d’un cadre institutionnel indépendant des gouvernements où les décisions sont prises dans des domaines spécialisés par les organisations internationales (FMI, Banque mondiale, FAO, BIT, ONUDI, etc.). En effet, selon la théorie des réseaux de politique publique la gouvernance ou la régulation des affaires mondiales est une fonction sociale qui doit être pensée indépendamment des gouvernements et accomplie par des réseaux d’acteurs (privés et publics) associés à des institutions nationales, régionales ou internationales. Cette conception formalise les réseaux internationaux, qui sont apparus pour trouver des solutions politiques à des problèmes concrets, en créant des partenariats entre des acteurs de nature très différente, réunis autour des objectifs communs 316 .

Ainsi, cette gouvernance mondiale, qui vise la gestion équilibrée des affaires mondiales, soulève, entre autres, la question récurrente du mode de fonctionnement des institutions internationales, notamment des IFI. En effet, les institutions de BW sont au cœur du débat entre la régulation et la libéralisation. Cette dernière, dans la sphère de l’économie mondiale, est largement la résultante de leurs décisions. Mais ces institutions internationales sont également des instances d’encadrement normatif et de régulations internationales. Elles ont mis aujourd’hui l’accent prioritaire sur les objectifs de croissance, de création de richesses et d’amélioration du bien-être mondial. La question centrale est de savoir si la libéralisation et l’ajustement préconisés par ces institutions contribuent à garantir ces objectifs, qui se rapportent directement à des BCIM. Certes, la communauté internationale a beaucoup progressé en donnant à chaque Etat, quelles que soient sa taille et sa puissance économique, la possibilité de se faire entendre sur la scène mondiale et de prendre part à l’élaboration des grands principes devant régir les rapports internationaux. Cependant, les réalités de la puissance et de la domination, corrélées à la divergence des intérêts et des perceptions, font qu’il est difficile d’aller plus loin dans la démocratisation au niveau interétatique. Ainsi, la gouvernance mondiale, dans sa conception incluant les institutions publiques internationales censées conforter la coopération entre les Etats et l’accommodement de leurs intérêts différents, met en filigrane le rôle que devraient jouer les IFI dans la régulation des relations économiques internationales. Les institutions de BW qui regroupent actuellement 184 pays membres, et dont les objectifs sont mondiaux et les actions font référence au plan mondial, pourraient constituer un champ idéal pour équilibrer les relations économiques internationales.

Cette notion de gouvernance mondiale est utile à l’analyse de la question de BCIM dans la mesure où elle permet de mettre en relief l’existence d’une série de problèmes communs dus aux dysfonctionnements en matière de l’intégration internationale ; tout le monde s’accorde à reconnaître que le système international actuel fonctionne mal. Les transformations économiques mondiales qui l’accompagnent depuis ces dernières décennies apportent avec elles d’innombrables avantages, mais dévoilent également les fractures, les destructions et les lacunes normatives des relations économiques internationales. Jacquet, Pisani-Ferry et Tubiana (2002) estiment que les dysfonctionnements du système actuel peuvent s’analyser sous trois angles. D’abord, il y a une « crise de finalité », par le fait que la mondialisation, qui est devenue de nos jours une fin en soi, n’était pas l’objectif visé dans les années qui ont précédé la Deuxième Guerre, marquées par l’ouverture aux échanges, la surveillance des politiques macroéconomiques et le financement du développement. Deuxièmement, il existe un déséquilibre et une défaillance dans l’architecture institutionnelle mondiale 317 . L’explication est que les institutions internationales ne sont pas à la hauteur des défis qui enlacent la planète (crises financières, réchauffement de la planète, sous-développement, guerres civiles, etc.) 318 . Enfin, l’équité des structures des négociations semble fortement contestée ; si bien que certains pays, notamment les PED&E, se sentant marginalisés et lésés, n’acceptent plus d’être parties prenantes dans les traitements de certaines questions mondiales et prétextent par l’iniquité des règles internationales ou par la question de leadership et de pouvoir 319 .

Ces réalités bien manifestes conduisent à mettrent en question la légitimité des institutions internationales, garantes du bon fonctionnement du système multilatéral, et par conséquent celle des décisions qu’elles adoptent. Elles reflètent en outre l’absence d’organisations centrales efficaces, de référentiel mondial, laissant la place à un régulateur puissant agissant à l’échelle planétaire : le marché 320 . Certes, la mondialisation croissante de nos jours est régulée, mais force est d’admettre une inadéquation entre les instruments existants et l’ampleur des défis et de constater que les aspects positifs restent en deçà des espoirs de régulation de la mondialisation économique et financière 321 .

Sans prétendre à analyser l’efficacité ou la pertinence des instruments employés par les IFI dans leurs tâches spécifiques, nous partons de l’hypothèse de la délégation des pouvoirs étatiques à ces institutions, dans le but d’internaliser les externalités liées à l’ordre économique mondial, en gérant les risques liés au développement du capitalisme mondial, en fournissant le cadre d’accords et d’actions interétatiques nécessaire à la bonne marche et à la préservation du système économique international, etc. Rappelons, à cet effet, que les institutions de Bretton Woods ont été créées en réaction à l’ordre économique international de l’entre-deux-guerres, marqué par des déséquilibres inouïs (fort protectionnisme, politiques de dévaluations compétitives,...) qui ont conduit à la récession, puis à la Seconde Guerre mondiale. Elles devraient donc jeter les bases d’un système multilatéral des paiements, prévenir les conflits monétaires, restaurer la confiance des investisseurs, financer la reconstruction des pays détruits par la guerre, et organiser la reprise des échanges. Mais, la tournure de la conférence de BW et les conclusions auxquelles elle a abouti indiquent clairement que le système de gouvernance mondiale de l’après 1945 présente une structure hétérogène. Ainsi, à la différence de la plupart des institutions internationale, les décisions du FMI et de la Banque mondiale se prennent selon un système de vote pondéré, qui permet aux pays industrialisés d’y jouer un rôle prépondérant et d’éviter les problèmes récurrents de gestion. L’ordre économique mondial actuel est en fait basé sur un traité, qui a été signé il y a plusieurs siècles. Les déséquilibres des relations économiques internationales et les asymétries de la mondialisation révèlent donc un bilan moins satisfaisant du rôle des institutions économiques et financières internationales et créent invariablement des soupçons sur la légitimité de ces institutions, qui cautionnement le système actuel. Leurs moyens d’actions apparaissent limités, dépendant du bon vouloir des pays les plus puissants. Une certaine autonomie leur est concédée pour suivre un objectif précis, celui de contribuer à la pérennité d’un capitalisme libéral en expansion. Elles ne semblent donc pas répondre aux inquiétudes liées externalités négatives qu’engendre l’évolution du système économique mondial.

A la lumière des approches en termes de BCIM, ces défaillances pourraient s’expliquer par le manque d’équité dans les procédés visant à considérer les questions mondiales qui sont de leur ressort 322  ; certains avancent l’argument de la domination de ces institutions par les pays riches 323 et, donc, un problème de gouvernance mondiale, qui devient de plus en plus aigu. En effet, l’établissement des priorités et la prise de décisions au niveau des circonscriptions, où les positions nationales et régionales sont conciliées malgré les intérêts souvent divergents des pays membres du groupe, se font souvent de manière ponctuelle et non transparente au sein des IFI. En d’autres termes, le manque d’objectivité et de transparence dans le processus décisionnel des institutions de Bretton Woods compromet leur nature « internationale ». Ainsi, selon Jacquet et al (2002), dans cette forme de gouvernance mondiale, ces entités ne tiennent pas leur légitimité d’une élection mais d’un pouvoir délégué par l’autorité élue, laquelle fixe leur mission, nomme leurs responsables, spécifie leurs obligations de transparence et les conditions dans lesquelles elles doivent rendre compte de l’exécution de leur mandat. Ce qui laisse la question de leur légitimité démocratique cependant ouverte 324 .

Au total, pour prétendre à mieux réguler l’économie mondiale et à atténuer les déséquilibres des relations économiques internationales, beaucoup d’observateurs estiment qu’une transformation radicale des mécanismes actuels de représentation et de décision s’impose dans les domaines monétaires, financiers et économiques et politiques. Cela concerne en particulier les grandes institutions économiques et financières internationales (FMI, Banque mondiale, OMC), qui concentrent le pouvoir de décision concernant le sort des milliards d’êtres humains. Ce qui devrait pallier la marginalisation des pays pauvres dans le processus de mondialisation et de prises de décisions économiques mondiales 325 .

Ainsi, la réflexion sur une approche de gouvernance mondiale renouvelée au travers de concepts de BCIM fait ressortir la nécessité de l’action collective au niveau mondial comme instrument qui permet de trouver des règles et des normes suffisamment démocratiques (elles n’excluent aucun acteur) et universelles (incluant les efforts de tous les Etats) pour régler les comportements des acteurs, atténuer les conséquences de la mondialisation et garantir des objectifs communs. Cette action collective constituerait le socle de la gouvernance mondiale et conditionnerait la fourniture de BCIM. De nombreuses propositions ont été avancées pour remédier au déficit de la gouvernance mondiale. Et, sans prétendre à l’exhaustivité 326 , nous évoquerons celles qui visent à renforcer le rôle des IFI dans la gouvernance mondiale 327 , contribuant à la construction des compromis sur la détermination et la hiérarchisation des BCIM 328 . Ainsi, Pisani-Ferry et Tubiana (2002) détaillent un ensemble de principes qui contribueraient à cet objectif :

Principes de spécialisation : la spécialisation des institutions multilatérales est source d’efficacité dont elles tirent leur légitimité. Elle permet en effet de spécifier le mandat qui leur est confié par traité, et facilite ensuite leur surveillance par les citoyens.

Principe de responsabilité politique : complémentaire au premier, ce principe a trait au mode de fonctionnement des institutions multilatérales, notamment à la façon dont les Etats exercent leurs responsabilités d’actionnaires au sein des institutions internationales : définition des missions, fixation d’orientations, choix des instruments, coordination entre différentes institutions, contrôle a posteriori. Il touche ensuite au pilotage d’ensemble 329 .

Principe d’équilibre : tant la structure institutionnelle que le poids respectif des normes relatives aux différents domaines sont fortement déséquilibrés. L’ordre international s’est construit sur le primat de l’économique, parce que les Etats ont trouvé intérêt à commercer entre eux. Il faut rééquilibrer le système institutionnel et construire les conditions d’un équilibre des normes 330 .

Principe de transparence et de démocratisation : il exige la démocratisation des décisions concernant les questions mondiales à travers la transparence, la délibération et le contrôle 331 .

Principe de subsidiarité : par souci d’efficacité, la gouvernance mondiale doit laisser beaucoup de place à la subsidiarité 332 .

Principe de solidarité : la montée des problèmes planétaires et l’émergence d’une conscience citoyenne appellent un renouveau de la réflexion sur la solidarité.

*

L’analyse dans ce paragraphe a le mérite de montrer que le multilatéralisme demeure certes interétatique – au sein des institutions internationales, ce sont les Etats, ou plus exactement les gouvernements, qui se présentent comme le relais naturel des aspirations des populations et définissent le contenu de l’ordre public international – mais que la régulation de la mondialisation, par une réelle gouvernance mondiale, passe par une vraie réforme des institutions internationales, en particulier celle des IFI. La tâche s’annonce rude 333 , mais la société civile, par son arme incitative, pourrait y contribuer, et favoriser la rationalisation des décisions globales sur des questions mondiales.

Notes
315.

De même, selon Lamy (2002), la gouvernance [mondiale] se définit comme un ensemble de transactions par lesquelles des règles collectives sont élaborées, décidées, légitimées, mises en oeuvre et contrôlées [ à l’échelle mondiale].

316.

Cf. Tubiana et Lerin (2003), op. cit.

317.

Chavagneux (1997), de son côté, explique ces déséquilibres par le décalage important entre le rythme d’évolution du système économique international et celui du système politique international. Le système économique a connu un ensemble de mutations, profondes et rapides, qui sont généralement regroupées sous le vocable de "mondialisation", mais qui correspondent à des évolutions de nature différente : expansion du commerce international, marchés de plus en plus mondialisés, ouverture des anciens pays socialistes et développement des pays à industrialisation rapide d’Asie, libéralisation monétaire et financière, évolution rapide des technologies... De son côté, le système politique international a fait preuve d’une plus grande rigidité. Il est resté figé dans les relations entre les Etats et entre leurs dirigeants qui se présentent toujours comme les acteurs principaux de l’économie mondiale, mais donnent pourtant l’impression d’être dépassés par des forces économiques devenues incontrôlables.

318.

La crise argentine a récemment illustré le caractère inadapté des instruments mis en place dans les années quatre-vingt pour répondre à la crise de la dette. L’accès plus important des Etats aux marchés internationaux de capitaux et la part prise par les obligations privées dans le financement de leur économie ont représenté un changement majeur dans le SFI. Or l’architecture financière internationale n’a pas assez tenu compte de cette évolution pour organiser un meilleur partage du coût entre les pays débiteurs, les créanciers privés et la communauté internationale. En outre, dès lors que le secteur privé de nombreuses économies émergentes (banques et entreprises) est étroitement inséré dans les marchés internationaux, les discontinuités institutionnelles et juridiques entre les espaces nationaux deviennent une source majeure d’instabilité.

319.

En témoigne l’échec des négociations de Cancun (2003), capoté par quelques pays africains producteurs du coton.

320.

Ainsi, selon l’approche de la sociologie politique des relations internationales, le droit international public n’étant pas structuré et aucun pouvoir supranational ne s’imposant sur le plan mondial, les infractions commises par les différents acteurs internationaux ne subissent aucun contrôle et aucune règle. Elle démontre également que la puissance n’est pas le seul but des acteurs et, de surcroît, que d’autres acteurs sont aussi importants que les Etats dans les logiques de régulation concertée et de régulation par le marché. Enfin, cette approche propose une critique de l’approche stratégique et géopolitique : les valeurs réalistes, fondées sur la stratégie et la puissance, ne permettent guère de comprendre les problématiques et les enjeux actuels de la planète (tels que la question de BCIM).Voir à ce sujet : Ancelovici (2002); Belot et Talin (2004).

321.

Les règles et les procédures régulant le commerce, l’investissement, la finance, les communications, les migrations, etc. proviennent de nombreux lieux : organismes d’Etat au niveau national, institutions interétatiques aux niveaux régional et mondial, organisations infra étatiques aux niveaux local et provincial, mécanismes divers du secteur privé, et un réseau étoffé qui relie entre eux ces niveaux et ces secteurs. Ce qui explique en effet la complexité des voies de régulations et rend difficile la gouvernance du système économique mondial.

322.

Rappelons que l’équité est considérée comme fondamentale pour une meilleure hiérarchisation des BCIM et la conception des mécanismes idoines pour leur production.

323.

Ainsi, selon Smouts (1998) ces institutions servent des objectifs stratégiques des pays riches, notamment ceux des Etats-Unis, qui sont en position de force depuis le sortir de la guerre et imprègnent leur marque sur les institutions internationales. Par exemple, la conditionnalité des institutions de Bretton Woods est plus faible quand celles-ci prêtent aux pays riches.

324.

Pour Tirole (2002), ces entités et leur mise en réseau se justifient par le caractère très technique de leur objet. Devant l’impossibilité des individus à consacrer les semaines ou les années nécessaires à une bonne compréhension des enjeux et techniques du dégroupage de la boucle locale, des crises financières internationales, du brevetage du génome humain,... la décision démocratique sur ces thèmes pourrait être manipulée par des groupes de pression ou faussée par des contingences électorales. Si la possibilité de dérive technocratique est alors évidente, elle est contrebalancée par la possibilité des administrateurs de se concentrer sur la mission fondamentale de leur organisation d’une part, la publication a posteriori de certains votes, compte-rendus et opinions minoritaires qui responsabilise les dirigeants soucieux de leur réputation d’autre part. Ainsi, bien que l’autorité et les pratiques législatives varient selon les pays, l’ampleur de la surveillance démocratique des législateurs sur la BM et le FMI dans la plupart des pays membres est faible. Les législateurs, tout comme les citoyens qu’ils représentent, ont une influence minime et en grande partie non contraignante sur ces institutions. Ils sont peu conscients, mal informés et très peu consultés sur les questions relatives à ces institutions. Des carences de la gouvernance internationale sont donc constatées au niveau des institutions de Bretton Woods. De ce fait, ces spécificités des institutions de BW expliquent leur échec à internaliser les déséquilibres des relations économiques internationales.

325.

Il s’agit donc de repenser sérieusement les structures et modes de fonctionnement des IFI dans l’architecture de la gouvernance mondiale, permettant de favoriser la mise en œuvre des décisions collectives à diverses échelles et de les adapter à la promotion de BCIM.

326.

Pour plus d’approfondissements sur la réforme des IFI, voir, entre autres, The Meltzer Commission (2000) ; Hornbeck (2000); Fiche technique-FMI (2000) ; Cartapanis (2001) ; Jacquet, Pisani-Ferry et Tubiana (2002) ; ATTAC (2002) ; Zacharie (2002), etc.

327.

A noter tout de même que les IFI engagement depuis le milieu des années 90 des réformes sérieuses. La BRI s’élargit aux pays émergents, le FMI se voit confié de nouvelles ressources pour assurer la stabilité du SFI, la BM mondiale s’engage dans d’autres voies permettant de garantir des résultats en matière de lutte contre la pauvreté. Cf. Chavagneux (1997). Mais, force est d’admettre qu’elles éprouvent encore des lacunes qui gênent la prise en compte des aspirations de tous les pays membres dans la résolution des questions.

328.

Signalons qu’il existe d’autres types de propositions d’ordre activiste, qui prônent la suppression de ces institutions et la création de nouvelles institutions, qui permettent de transposer au niveau international des mécanismes de représentation connus au niveau interne : Assemblées des peuples, référendums internationaux, parlements régionaux, etc. Ces propositions nous semblent peu fiables, car, d’abord, nous estimons qu’aucune institution n’est pas parfaite et qu’il est plus facile d’améliorer les structures et modes de fonctionnement de ces institutions que de les substituer par d’autres, d’autant plus que l’efficacité de toute institution internationale est largement fonction de visions qu’ont les Etats vis-à-vis du multulatéralisme. De même, des institutions internationales représentatives des citoyens risquent d’aboutir à des nouvelles structures mondiales, qui ne tiendraient pas réellement compte des réalités locales. La participation des populations civiles à la vie politique internationale est un exercice très délicat, même dans les pays développés. Il suffit de penser, par exemple, aux taux d’abstention grandissants dans les élections en Europe occidentale. L’amélioration pourrait provenir de la participation directe de la société civile aux sommets mondiaux sur les questions globales. Ainsi, les grandes conférences des Nations Unies (environnement, population, droits des femmes, habitat, femmes, etc.) laissent de plus en plus de place à la participation des acteurs de la société civile, créant un véritable espace public à l’échelle planétaire. De façon générale, les ONG ont réussi à investir la plupart des organisations interétatiques et à s’y faire entendre. Voir infra, p. 401.

329.

Etant représentatives de la diversité des intérêts nationaux, les institutions internationales devraient en effet acquérir une légitimité politique, leur permettant d’offrir un espace où les Etats-nations peuvent se rencontrer, partager leurs expériences et négocier des accords internationaux et des mesures de suivi opérationnel requises.

330.

Ce qui exige des nouvelles règles en termes de représentation et de répartition des pouvoirs au sein des institutions de Bretton Woods, à travers la réforme des quotes-parts du FMI, en prenant en compte la nature particulière de ces institutions. La représentation des PED&E, où vivent plus de 80% de la population mondiale, doit donc être renforcée dans les institutions internationales.

331.

En matière de transparence, les IFI ont beaucoup progressé. Les règles de transparence de la BM sont déjà rigoureuses. Le FMI dispose d’une unité d’évaluation indépendante, qui rapportera au CA et au CFMI sur les activités du Fonds. Mais, des efforts peuvent encore être faits, par exemple, on devrait impliquer davantage les législateurs dans les délibérations et les projets des IFI.

332.

Car l’accès des citoyens à la discussion des principes qui vont fonder l’action collective internationale demeure marginale, faisant état de la gestion technocratique des affaires mondiales. Or, la gouvernance mondiale implique également le droit des populations à s’émanciper de leurs gouvernements pour faire valoir elles-mêmes leur point de vue, leurs revendications quant aux affaires du monde.

333.

Car, la plupart des IFI ont été créées dans la foulée du grand chaos de la seconde Guerre Mondiale. Leur transformation dans un contexte hors-crise mondiale demandera un effort politique considérable, à la fois pour modifier les pratiques onusiennes et pour faire évoluer le contexte planétaire lui-même. Elle pourrait donc se heurter aux oppositions des grands Etats à toute avancée institutionnelle susceptible de trop remettre en cause leur autonomie de décision. Cf. Durand (2004).