Conclusion - chapitre 2

Tous les biens collectifs posent des sérieux défis, mais les BCIM sont encore plus difficiles à gérer. L’état des relations internationales et l’organisation des pouvoirs politiques ne favorisent guère l’émergence des positions quasi unanimes d’Etats souverains pour l’action collective internationale. On recense en effet beaucoup d’échecs mais peu de succès réels dans ce domaine.

Ainsi, les approches « contemporaines » de la production de BCIM mettent parfaitement en exergue les limites du système politique et institutionnel actuel dans la considération des questions mondiales de nos jours. D’où la nécessité de promouvoir des négociations concrètes sur la fourniture des BCIM. Celle-ci pourrait se réaliser dans un cadre multilatéral, fondé sur la coopération internationale. Cette dernière a l’avantage de faciliter la coordination des efforts globaux sur des objectifs communs et d’accroître les gains finals. Car, il est toujours avéré que les situations coopératives sont plus profitables que celles conflictuelles et d’opposition, en particulier dans la résolution de certains problèmes mondiaux. Une action coordonnée contre le terrorisme international ou le blanchiment de capitaux apporte plus de succès que la sommes des résultats des efforts dispersés. Mais certains BCIM ne se prêtent pas à la détermination certaine de tous les pays ; ce qui rend l’incitation à la coopération internationale plus délicate. Les engagements qu’exige la stabilité financière internationale, tels que l’initiative d’une monnaie unique mondiale 349 , sont problématiques. Les incertitudes liées aux gains collectifs de certains BCIM et la prééminence de certaines postures (telles que l’instinct nationaliste) embarrassent la coopération internationale. D’où, le recours à des moyens institutionnels permettant l’arbitrage et l’établissement des règles, sous les auspices des institutions internationales.

L’approche de la production de BCIM par les institutions internationales semble économiquement et politiquement fiable. Fondée sur l’harmonisation des politiques nationales par des engagements volontaires, qui conduit à une restructuration radicale des principes fondateurs des accords relatifs aux BCIM, l’action des institutions internationales permet d’instaurer un cadre de départ du processus de production de BCIM qu’il est possible d’améliorer et d’affiner à mesure que la conscience collective sur la nécessité de ces biens s’affirme. Elle permet en outre de réduire les coûts de transactions entre les différents partenaires (Etats).

Cependant, le problème qui se pose est concilier la légitimité des institutions internationales et la nature des BCIM à produire. En effet, comment conférer une autorité réelle à une institution lorsqu’il n’existe pas de consensus fort sur le BCI/M qu’elle est censée produire ? Comment financer l’action de cette institution ? Est-elle à la merci des contributions des Etats ou doit-on mettre au point un système de taxation international direct ? Et surtout quel système de représentation étatique mettre en place pour éviter la prise de contrôle de cette institution par un ou quelques Etats.

Ces questions bien pertinentes révèlent bien les limites de la production de BCIM par les institutions internationales, et l’insatisfaction croissante provoquée par les IFI dans leurs missions respectives corrobore ces limites. D’où la nécessité d’associer au processus de fourniture de BCIM d’autres acteurs pouvant contribuer à construire des préférences collectives et à promouvoir l’action collective internationale dans beaucoup de domaines. Cette idée s’accorde avec ce qu’il convient d’appeler dorénavant l’approche de la « gouvernance mondiale ». Elle prône la démocratisation dans la résolution des affaires mondiale et considère l’implication de tous les acteurs (Etats, institutions internationales, société civile, secteur privé) comme un gage d’efficacité en matière de production de BCIM. La contribution de chaque acteur dans l’identification des problèmes et la construction de solutions n’est pas exclusive, elle s’adjoigne des efforts collectifs, qui diffèrent selon la nature des acteurs et des domaines d’interventions. Au nom de cette gouvernance mondiale, les efforts des Etats devraient dépasser les simples prises de conscience de la nécessité du financement et de la production de BCIM. Ils doivent consister également à renoncer aux mécanismes de domination pour défendre des intérêts nationaux, par l’entremise des institutions internationales qui incarnent leurs instruments de décisions sur l’échiquier international. Ce qui devraient consolider le rôle des institutions internationales, en particulier des IFI, dans la régulation de la mondialisation, qui commande tout succès concernant la question de BCIM. Les acteurs de la société civile (les scientifiques, les ONG, les collectivités locales, les réseaux professionnels et syndicaux, le secteur privé) devraient être les "aiguillonneurs" de ce processus de gouvernance mondiale 350 .

Pour autant, ces examens qui dévoilent l’interdépendance des nations et les rapports entre les Etats-nations, étayent l’existence des biens et services dont les avantages sont communs à toute la planète, et démontrent que le cadre coopératif multilatéral constitue la voie idéale pour les garantir, permettent-ils de déterminer le rôle des IFI en matière de BCIM ?

Notes
349.

Voir infra, p. 281.

350.

Par exemple, il n’est nul doute que les médias du monde d’aujourd’hui, qui dépassent les frontières des Etats-nations, peuvent aider à prendre conscience de l’intérêt de BCIM et de favoriser l’émergence d’engagements collectifs et de l’action collective internationale indispensable dans ce domaine.