« Dans une économie mondialisée, la dimension universelle du FMI en fait la pierre angulaire de la promotion de la croissance et de la stabilité » 352 .
Ces mots que l’on doit à l’ancien directeur général du FMI, Horst Köhler 353 , résument parfaitement la nature et la fonction principale de l’institution de Bretton Woods dans ce monde contemporain, caractérisé par l’imbrication croissante des problèmes internes et externes qu’affrontent les Etats et les sociétés. Et, l’évolution de la situation économique et financière au niveau mondial, marquée par une montée de l’instabilité financière et l’apparition des crises sévères, affecte l’ensemble des pays ; car un événement économique localisé dans un pays peut avoir de sérieuses retombées sur les autres économies, essentiellement au travers des flux commerciaux et financiers. Pensons à la crise mexicaine de 1994-1995 et aux crises asiatique, russe, brésilienne, turque et, dernièrement, argentine 354 . Cette situation a conduit la communauté internationale, en quête de stabilité et de prospérité, à se mobiliser pour assurer les conditions nécessaires à un fonctionnement stable du système monétaire et financier international (SMFI). Cette tâche semble d’une exigence singulière si l’on se réfère aux coûts économiques et sociaux et à la souffrance humaine qu’engendrent, notamment dans les pays en développement et émergents (PED&E), les crises financières que comporte l’instabilité financière internationale. Et l’intégration accentuée de la finance globale fait que tout le monde est, plus que jamais, concerné par cette réalité. La libéralisation financière et les innovations dans les modes de communication et de gestion ont fabuleusement accru la variété des instruments financiers et le nombre d’acteurs dans la sphère financière. La diffusion de la libéralisation financière aux pays émergents 355 a conduit à une ouverture rapide de leurs marchés depuis le début des années quatre-vingt-dix.
La marche entreprise suivait une régulation globale du système financier mondial, accompagnée d’un dispositif international de prévention et de gestion des crises ; car on ne peut faire face aux problèmes financiers au niveau domestique en ignorant leurs dimensions internationales. Inversement, avant d’être résolues, les crises économiques et financières à l’échelle mondiale et leurs solutions doivent faire l’objet d’un consensus parmi tous les acteurs concernés, internationaux aussi bien que nationaux. Or, la définition des problèmes de la stabilité financière, leurs solutions et l’efficacité de ces dernières ne s’imposent pas; elles sont, au contraire, tributaires de la nature des problèmes eux-mêmes, de visions du monde, de normes, d’intérêts, d’expériences et de capacités diverses dont les effets sont encore rendus plus incertains en raison de la complexité des questions financières. Cette donne appelait notamment l’intervention des organisations financières internationales, en premier lieu le FMI, en raison de leur capacité à ériger l’action collective internationale qu’exige la réalisation des gains potentiels de la globalisation. Ainsi, Stiglitz (1998) estime que le défi du troisième millénaire pour les IFI, en particulier pour les institutions de Bretton Woods, sera d’aider à appliquer des politiques préventives d’une manière collective visant à contrôler la libéralisation de capitaux et à assurer un meilleur fonctionnement du SFI. Concrètement, elles doivent parvenir à établir des règles collectives qui pourraient accroître les effets bénéfiques des marchés financiers internationaux sur la croissance et l’efficacité et veiller à la cohérence des mesures de politiques économiques afin de prévenir les évolutions malsaines et de réduire le coût d’éventuelles crises financières déstabilisatrices.
Le FMI a d’ailleurs tenté d’évoluer et infléchir ses activités pour répondre à ces besoins. Dans sa tâche de prévenir les crises systémiques et de garantir la stabilité financière internationale, il promeut l’adoption et l’application des normes et des codes de bonne conduite, ainsi que des politiques économiques saines, au niveau mondial. Et, comme son nom semble l’indiquer, il vient également en aide aux Etats membres qui ont des besoins de financement temporaires, pour pallier leurs problèmes de balance des paiements 356 . Son attribut institutionnel et sa stature universelle l’a conduit à s’impliquer dans les actions visant à consolider l’architecture (le cadre juridique et institutionnel) du SMFI, et à renforcer sa propre contribution à la prévention et à la résolution des crises financières. Ainsi, lors de l’Assemblée annuelle du FMI et de la BM de septembre 2000, M. Köhler a mis l’accent sur un point essentiel en évoquant que le FMI doit « se concentrer sur les questions macroéconomiques et financières relevant de sa compétence et travailler en synergie avec les autres institutions chargées de préserver les biens publics mondiaux (...) ». (FMI, 2001).
Eu égard aux embarras que comporte cette tâche et aux incertitudes qu’elle révèle, il convient de soulever un certain nombre de questions. Celles-ci portent, essentiellement, sur le caractère de BCI assimilable à la stabilité financière internationale, les mesures appropriées que nécessite la production de ce type de bien et, surtout, le rôle effectif des IFI, notamment du FMI, dans ce processus.
Dans ce chapitre, visant à répondre à ces interrogations, il sera question, dans un premier temps, d’analyser la particularité de la stabilité financière internationale et d’examiner en quoi elle peut être identifiée à un BCI (section 1). Si la démarche qui consiste à assimiler la stabilité financière internationale à un BCI contribue à révéler la nécessité de celle-ci, elle conduit également à s’interroger sur les dispositifs nécessaires pour la garantir. Le second volet de l’étude examinera donc l’aptitude du FMI à fournir ce BCI à caractère spécifique. Car, la nécessité de l’action collective pour la stabilité financière internationale est réelle et requiert des clauses judicieuses applicables à tous les niveaux de la finance mondiale (section 2).
Horst Köhler, FMI (2001).
M. Köhler a pris ses fonctions de Directeur général du FMI le 1er mai 2000, après sa désignation par le C.A à ce poste et à celui de Président du C.A en mars 2000. Le 4 mars 2004, il a présenté sa démission pour une candidature à la présidence de la République fédérale d’Allemagne.
S’il est vrai que les graves problèmes économiques et sociaux qui ont touché ces pays n’ont pas eu des effets notables au-delà de leurs frontières, ils n’en ont pas moins touché les banques étrangères qui détiennent des créances sur ces pays ou qui y sont actives.
Rappelons que nous faisons une distinction dans cette étude entre les pays émergents et les autres PED. Voir supra, p. 14.
Ainsi, il a dû faire face aux turbulences des marchés financiers émergents, notamment en Asie et en Amérique latine, aider un certain nombre de pays à passer de la planification centrale à l’économie de marché et à s’intégrer dans l’économie de marché mondiale.